Le génial journaliste 3.0 que je suis, pris entre une bière et un des ses cinéastes cultes, n’a pas réussi à faire fonctionner l’un des enregistreurs les plus simple du marché. Voici donc ce dont je me souviens des deux heures de conversations avec Joël Séria. Que l'on connaît surtout pour "Les Galettes de Pont Aven" mais qui a battit une filmographie loin du périph' en égratignant le mâle dominant, le clergé et la connerie en général pour nous parler de sa seule et véritable religion : les femmes.

On pourrait résumer l’enfance de Joël Seria par une porte. Il l’a beaucoup prise. Petit, le sale gosse ne cesse de se faire renvoyer des instituts catholiques : « C’était l’horreur, avec la prière tous les matins ». Ce conflit avec le Saint Père, il le règle dans son premier film, Non, ne nous délivrez pas du mal, où deux jeunes filles rejoignent la team de Satan. Le film est interdit par la censure : « Même encore aujourd’hui, pour la sortie du DVD en Angleterre, le comité de censure me demande de jurer sur l’honneur que les filles n’étaient pas mineures lors du tournage, et que je n’ai pas vraiment tué les oiseaux. C’est ridicule. » On continue de parler, Séria confie qu’il a encore peur de se faire censurer aujourd’hui, quarante ans après ses débuts, pour son prochain film. Il y racontera l’histoire d’une ancienne gloire du strip-tease jouée par sa femme, Jeanne Goupil : « A l’époque de Marie Poupée (1976, NDR), elle avait fait la couverture de Playboy, avec ce regard de femme-enfant magnifique. On est parti de là. Ca se passe à Pigalle, vers Abbesses ». Un Seria à Pigalle, on en rêvait depuis longtemps. C’est un quartier qu’il a bien connu. « A force de me faire renvoyer de toutes les écoles, mon père ne savait plus quoi faire de moi. J’ai dû quitter la maison à 17 ans. » Son cousin le traîne à Pigalle : « J’avais trouvé une petite chambre d’hôtel pas trop chère. Le soir, j’allais voir les filles au bar. Comme j’étais jeune, elles me faisaient monter à l’œil. Elles étaient très maternelles. »

Retour à la filmographie culte.

Pour son deuxième film, il part d’une histoire autobiographique : « A la base, c’était un court-métrage qui s’appelait Tiens voilà du… Un mec sort du métro à Abbesses, il y a deux filles qui rigolent, il va les voir et il en ramène une dans son hôtel. Chabrol m’a poussé à en faire un long-métrage, alors je me suis souvenu de l’époque où je faisais les marchés. J’avais envie de parler de ce milieu. Alors j’ai croisé les deux histoires ». Ca donnera Charlie et ses nénettes, avec quelques punchlines devenues cultes dans la bouche de Jean-Pierre Marielle. Le film aurait pu être simplement jovial, mais Seria aime à rajouter un enculé sur le chemin du tragique. On pense au cinéma italien, notamment à La Strada, dans le final avec la roulotte qui parcourt les routes de campagne, mais aussi dans la description d’une autre France : « C’est vrai que c’est le cinéma que j’aime. Il y a de la vie, des vraies gens. On sent que les mecs savent de quoi ils parlent. Quand je vois Les valseuses, je me demande d’où viennent ces deux types… ». Blier est du côté du théâtre, il n’y a qu’à voir le jeu de Depardieu. C’est aussi ce qui fait que les films de Seria supportent bien le choc aujourd’hui. Il réussit une tambouille peu évidente entre réalisme et exagération, avec pour point culminant … comme la lune, avec un Marielle qui mitraille sec. « Les critiques de l’époque n’ont pas trop compris la dérision. Notamment dans les décors, ils se disaient que le réalisateur avait des goûts de chiottes, mais pas du tout, c’était voulu ». Marielle ? « C’était un bonheur d’écrire pour lui, ça venait tout seul. Très vite, vu qu’il bossait dans une charcuterie. Je me suis dit qu’il parlerait des femmes en ces termes, comme de la viande ». On pense notamment au moment où il voit passer une jeune fille en poom-poom short, et qu’il lance à son pote : « Elle est bien charcutée la mignonne ! Elle a pas froid aux escalopes ». Marielle reste un acteur unique pour lui : « Il n’y en a pas beaucoup qui auraient fait ça. Commencer le film par se reluquer la bite dans un miroir, faut le faire ». Marielle y campe un con hors normes, un splendide con. Exactement la même thématique que les productions Judd Appatow jouées par Will Ferrel, des mecs fiers comme des coqs. Tout le monde s’aperçoit qu’il est con, sauf lui. « J’en ai rencontré, des mecs comme ça. Aucune remise en question, toujours sûrs d’eux. »

Son film le plus connu reste Les galettes de Pont-Aven.

Nominé aux Césars, il ne s’y rendra pas. « Après Les galettes, on m’a proposé de réaliser La cage aux folles mais j’ai mis tout l’argent que j’avais gagné dans Marie Poupée ». Film qu’on pourrait voir comme une transposition de sa relation acteur/réalisateur avec sa femme Jeanne Goupil : « C’est elle qui m’a poussé à écrire cette histoire. Ma mère était vendeuse de poupées à une époque, et le soir je montais au grenier en voir une en particulier. Elle était très belle ». Dussolier y joue un fétichiste qui prend sa femme pour une poupée. Il la déshabille, la lave. Il joue avec sa poupée grandeur nature, mais pas de pénétration, rien. L’entrejambe de Marie est au bord de l’explosion. Elle en veut, mais il ne donne rien : « Pour moi, il est impuissant. S’il bandait, il l’aurait baisée. » Dussolier finit par transposer ce petit jeu avec des enfants. Un tel film ne serait plus trop possible de nos jours. « Le personnage est très marqué pédophile, mais à l’époque pas du tout. On ne parlait pas de ça ». Les curés parlent encore de cette époque bénie avec grande émotion. Marie Poupée finit par mourir… vierge.

Puis il part deux ans pour rien aux États-Unis. Joël en tirera tout de même un bouquin, Venice beach, California. Il revient en France sur la paille et accepte un film de commande : Saint Antonio ne pense qu’à ça. Il n’en est pas très fier, pas assez personnel : « Frédéric Dard, il tutoyait très rapidement, et il m’a dit qu’on allait torcher le scénar en deux week-ends. C’est ce qu’on a fait ». Après cela survient la mort de son fils dans un accident de voiture. Séria s’éloigne des plateaux de cinéma, fait de la pub et de la télé. Il revient au cinéma en 2010 avec Mumu, film dans lequel il règle ses comptes avec un père violent : « Le soir, je changeais les couteaux de place car j’avais peur de me réveiller et de le tuer. Ce qui est totalement con, parce que je me serais souvenu de l’endroit où je les avais mis ». Je lui demande s’il pourrait réaliser un film sur DSK, lui qui parle si bien des hommes-bites ; il n’en a rien foutre. Il a bien raison. Est-ce qu’il a un cinéaste culte ? « Le grand cinéma est derrière nous ; aujourd’hui, c’est très bourgeois ». OK, je sors ma dernière cartouche, pour savoir si le cul des femmes n’est pas la preuve que Dieu existe. « Ah ouais, devant un beau cul on pourrait rester des heures en méditation. Quand on a la bouche dessus, on est perdu ». Il semble déconnecté, les yeux dans le vague, il doit sûrement divaguer sur un postérieur. Encore une fois il rejoint les Italiens, c’est Dino Risi qui nous lançait, dans Parfum de femme : « Le sexe, les cuisses, deux belles fesses : voilà la seule religion, la seule idée politique, la vraie patrie de l’homme ». Je m’en vais taper « fat booty » sur Youporn, j’ai pas de meuf en ce moment.

http://www.joel-seria.fr/



3 commentaires

  1. Ah ! La suite d’une série commencée il y a longtemps sur le cinoche français, le vrai, le populaire. Je me souviens d’un article sur Yves Robert.

    Et je repose la question que j’avais posée à ce moment-là : à quand un grand article de fond sur Patrick Schulmann ?

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