20 septembre 2011. 19h45. Hôtel Les Jardins du Marais, dans le 11e arrondissement de Paris. “ Il est beau quand même ” me lance l’attachée de presse alors qu’elle scotche tête la première dans le numéro des Inrocks de septembre/octobre 1991. “ Il est beau ” dit-elle, attendant l’écho d’un “ J’avoue ” alors qu’elle scrute la mine de triste sire tout en sourcils froncés style Ken le Survivant d’Auvergne de ce lover qu’est Jean-Louis Murat

“ Et c’est beau ” poursuit-elle, considérant l’objet. Ses photos. Ses textes. Sa taille. Ses pubs pour l’alcool et le tabac. L’impression qu’elle évolue soudain dans un vaisseau spatial. Vole. Eh oui, elle a quoi la fille, vingt-cinq ans à tout casser ? Comme moi elle n’a pas connu tout ça. Et comme moi, avant que je ne rattrape le temps perdu, elle hallucine. Comme si elle découvrait enfin le vinyle après une vie de MP3 et de streaming. Et c’est vrai qu’ils sont beaux, les Inrocks et le Murat d’il y a vingt piges. Quand ils nous parlaient du monde intérieur, l’un proposant des interviews fleuves en citant Tati (“ Trop de couleurs distrait le spectateur ”), l’autre Le Manteau de pluie en citant Cohen (“ Did you ever go clear ? ”). Le spectacle a plu.

“ Ca m’a jamais plu d’être défini comme un chanteur à textes ”

Et ce n’est pas un hasard si l’on revoit aujourd’hui cette figure dans les couloirs du métro parisien. Si des affiches la ravivent et qu’elle s’y dresse, cheveux au vent et regard horizon, tel un phare, caban hussard et belle gueule de Bresse Bleu meurtri à la Corto Maltese / Olivier de Kersauson. Pas un hasard. Le Murat de 2011, ce Grand Lièvre qui sort le 26 septembre suivi d’un concert le 10 novembre au Trianon, est beau. A bientôt soixante ans, après trente et un ans de service, dont onze à produire du bof comme vache qui pisse (onze disques), Murat semble avoir fait mouche. Après avoir lettré comme Bashung (mais sans parolier) et Dominique A (mais bien avant lui) le néant du rock français, il semble atteindre son nouveau but : ne plus sonner synth-nitouche mais conquérir le son de la chose. Que la “ crinière pousse enfin au lionceau ” comme il le formulait déjà en 1984 dans Johnny Frenchman (Passions Privées). Et là, sur ce Grand Lièvre enregistré en quelques jours sur un 24 pistes avec Fred Jimenez (basse) et Stéphane Renaud (batterie) qui l’accompagnent depuis Le Moujik et sa femme (2002) et le pianiste Slim Batteux, ça se produit.

Grand Lièvre ? Du “ Murat au sommet à  savourer avec de grandes oreilles ”, dit le communiqué de presse. Le genre de phrases que j’abhorre. La musique se réduit-elle à un phénomène de coton-tige entre vous et vos oreilles ? Non, la musique ne fait pas “ du bien aux oreilles ” ni “ aux esgourdes ”, c’est une sidération du bonhomme. Et ce n’est pas parce que Murat débouche, à force de cultiver ses song(e)s of l’Auvergne, sur ce que je nommerai un “ bon cru ” si je me laissais aller aux métaphores viticoles, qu’il a perdu l’âme. Il semble même l’avoir retrouvée. Ce grain. Ce vieil imperméable. “ Qu’est-ce que ça veut dire ? ” chante-t-il sur le splendide morceau d’ouverture. Auquel répond le disharmonique “ Je voudrais me perdre de vue ” au cœur du disque. Un Murat toujours paumé donc. Mais un Murat en grande forme, forever Young. Qui avec ce Grand Lièvre au son chaud et souple, tout en profondeur de champ, plus que sur son précédent disque enregistré à Nashville, Tennessee (Le Cours ordinaire des choses), fait à nouveau ressentir le far west en lui. Sa grande santé. Alors le far west en nous revit. Grand Lièvre ? Beau fix(e). Le show continue.

Bonjour Jean-Louis. Je vous ai apporté quelques Madeleines de Proust.

Ah ouais ?

Oui, sous la forme de ces vieilles archives personnelles…

(Il saisit l’Inrock que j’ai tiré de mon sac, celui de septembre/octobre 1991 dont il faisait la couv’, et zieute les dix pages qui lui étaient consacrées pour la sortie du Manteau de pluie.) Houlà, putain, j’étais de mauvaise humeur et j’étais déjà pas coiffé !

Un bon souvenir ?

Je les avais tous les trois à la maison. Fevret (Christian, directeur de la rédaction), Beauvallet (Jean-Daniel, chef de l’information) et Mulet (Eric, photographe).

Ah oui ? Ils étaient carrément  venus à trois ? C’était le convoi, le convoi exceptionnel !

C’est ça. (Il tourne les pages)

Et puis voilà !

Ah ouais et y avait Wyatt en plus ! L’ami Robert. Bizarre. (Silence) Ah ouais, t’as ça, toi ?

J’en ai même un autre…

(Il saisit l’Inrock d’avril 1994, où il y a une interview croisée de sept pages entre lui et je ne sais plus quel écrivain à propos de la campagne.) Ah oui ! Ah oui mais bien sûr, Jean-Loup Trassard ! Je suis un fervent lecteur de Trassard. Depuis longtemps. Bah ouais, tout ça c’était l’époque où on pouvait passer une journée avec le mec et faire des trucs un peu longs, creusés.

Vous lisiez Les Inrocks à cette époque ?

Non. Valait mieux pas. Les gens se seraient dit que j’étais trop con, vu tout ce que j’ai raconté.

C’est vrai qu’ils vous ont pas mal fait parler à un moment…

Bah ouais, ouais. Pfff, enfin je pense que les autres aussi. (Silence). Oh bah moins maintenant, je pense que c’est plus comme ça. Maintenant je ne passe plus trois heures à discuter pour avoir un papier à la fin. Non, maintenant c’est terminé.

Mais à cette époque, avec Les Inrocks et Libé, il y avait un vrai suivi…

Ah ouais, à cette époque ça marchait encore.

Il y avait un compagnonnage, vous étiez leur “ nouveau page rock ” comme disait Bayon…

Ah ouais ? Oh là là !

Tellement que des gens comme Dominique A et Miossec vous envoyaient leurs maquettes…

Ah ouais, j’ai eu une période où j’étais submergé, je me suis tapé les premières maquettes de oui, Dominique A, Miossec, des gens qui m’envoyaient musique, dessins, machins, qui me disaient : “ Voilà, on aime beaucoup ce que vous faites, on a fait une petite cassette, est-ce que vous pouvez faire quelque chose pour moi ? ” Ouais, je dois encore avoir ça quelque part dans mes tiroirs.

Vous avez fait tourner les démos de Dominique A et de Miossec ?

Nan, à l’époque j’étais un peu branchouille et je vendais, donc j’avais la possibilité d’appuyer des signatures. J’ai fait ça pour Silvain Vanot, ça a marché, mais après les autres se sont très bien démerdés. Nan, plus jamais je m’amuserai à faire ça, c’est un autre job. Si tu rentres là-dedans après tu deviens dingue, tu passes ton temps à écouter les autres, appeler les directeurs artistiques. Du coup on ne m’envoie plus rien ! (rires)

Ces journalistes qui vous couvaient, continuent-ils à vous suivre ?

Euh, Bayon ouais. Pfff, Beauvallet, Fevret et tout ça, je les connais. Je les connaissais même d’avant, quand ils faisaient un fanzine. Après on se croise, on se sépare, je sais pas quoi, enfin, j’ai jamais spécialement cherché à avoir des amis dans le business. Alors on se connaît. Ils sont fidèles, ils aiment, ils aiment pas, je sais pas. Ils font ce qu’ils veulent. Mais c’est vrai que ce compagnonnage-là, ça a vraiment disparu. Peut-être que ça existe avec d’autres journalistes, mais bon regarde : (il check le sommaire de l’Inrock de 1991) : Wyatt, Dinosaur Jr., Talk Talk, incroyable ! Et puis y avait déjà Blur. Han ! Blur, en 91, déjà ! Oh la vache !

Toute une génération.

Bah ouais, j’ai même travaillé avec Tim-Friese Greene, le producteur de Talk Talk.

Ah oui ?

A la fin ça s’est pas fait parce qu’il partait traverser l’Afrique à pieds. A l’époque il y avaient plusieurs mecs comme ça que j’avais contactés. Des groupes comme Prefab Sprout. J’ai travaillé avec leur batteur. [Neil Conti – NdA]

Parce qu’à l’époque vous vouliez sonner entre Talk Talk et Prefab Sprout, c’est ça ?

Ouais, ouais, ouais. Enfin j’étais dans ça, c’était ce que j’aimais à l’époque. C’était ce que je trouvais bien, et quand on trouve quelque chose bien on n’a pas envie de faire la même chose, mais on a envie de s’en inspirer un peu. Vaut mieux s’inspirer de ce qu’on aime bien, hein ? Et puis maintenant je sais pas. Je sais pas comment ça se passe.

Tout est plus disséminé.

C’est ça, chacun est dans sa niche et ça se mélange pas.

Ahaha, je sais combien vous pouvez être râleur, avec vos positions sur internet, tout ça. C’est marrant parce que lorsqu’on convenait de cette interview avec votre attachée de presse, la première chose qu’elle m’a demandé c’est si cette interview serait filmée, et moi la première chose que j’allais lui préciser c’était que non, elle ne le serait surtout pas !

(Rires)

Beaucoup ont pu noter que la télévision avait un mauvais effet sur vous ; dès qu’il y a une caméra, hop, il y a une sorte de Murat râleur en diable qui s’échappe et s’exprime…

Ouais, j’aime pas ça. (Silence) Je sais même pas pourquoi, mais j’aime pas ça. Depuis tout petit, j’aime pas ça. J’aime pas être photographie, filmé, j’aime pas. Ça me rend assez agressif. Je vois pas de quel droit on me photographie ou on me filme. Ça me rend toujours un peu malade (rires légers). Mais bon, faut pas s’enfermer dans des dogmes. Et puis c’est bien d’être diffusé ! (rires) Je vais donc refaire quelques séances photo et, qui sait, peut-être quelques télés.

Y a-t-il des émissions où vous refusez d’aller par principe ?

Bah non, pas vraiment, parce qu’à la télé les émissions et les animateurs ça change tellement… Enfin, à part Nagui et Taratata, où je suis interdit de séjour, j’ai pas d’a priori.

Taratata ? Pourtant je vous y ai vu une fois, vous y faisiez un duo accordéon-gratte avec une Québécoise et ça envoyait sévère. On le sentait même de derrière l’écran. C’était top.

Ouais, ouais… Bah après j’ai fait un autre truc, il l’a effacé et il l’a jamais rediffusé. Donc voilà, mais sinon ça va. (Silence) Enfin j’aime pas ça, mais je le fais quand même.

Là, vous sortez votre 17e album studio, enfin 17e si j’ai bien compté car ça commence à être dur de comptabiliser, 17e si on enlève les albums live et les EP et autres maxi…

Ouais, je sais pas, on me sort tout le temps des chiffres différents. On m’a dit le 21e, le 24e

A ce stade, est-on encore stressé quand on sort un disque ?

Ouais, l’expérience ne change rien. C’est là, comme le trac. Ça ne s’atténue pas.

C’est ce qui aide à continuer ?

Oh non, ça n’aide pas à continuer, non. C’est chiant. Moi ce que j’aime c’est écrire des chansons, enregistrer des albums, et il faut bien que j’en vende un peu pour pouvoir continuer ma petite affaire. Alors je fais des efforts, j’emprunte ce passage obligé.

Votre précédent album s’est-il bien vendu ?

Moi j’ai toujours des ventes, pfff… Très modestes.

Très modeste, c’est quoi ? 30 000 ?

Pfff.

Moins ?

Ouais. 20-25. Comme beaucoup, avec la crise, je suis passé de 300 000 à 30 000.

300 000, c’était à vos débuts ?

Oui, je sais pas, pour Le Manteau de pluie et Dolorès. Après j’ai suivi la pente.

Un zéro en moins !

Même Johnny est passé de 2 millions à 150 000 ! (rires)

Oui, mais la qualité son dernier album a fait polémique ! Vous, votre dernier album est bon et semble même assez joyeux, dans l’ensemble…

C’est ce qu’on me dit. A ma grande surprise. Moi, j’avais pas l’impression de faire un truc joyeux. Mais c’est ce que les gens ressentent qui est vrai, moi je sais pas. J’ai un peu de mal à voir. A priori il me semblait sinistre, ce disque. Les textes, même de les chanter ça me déprimait.

Pourquoi ça ?

Je pense juste que je suis un dépressif chronique, donc j’ai encore fait un disque de dépressif chronique et je me disais : “ Ouh là là ! ”

Je pense que l’impression de gaieté du disque vient de sa musique, très pop. J’ai retrouvé dans Grand Lièvre la gouleyance musicale d’A Bird on a Poire, la même fluidité, les mêmes fins de morceaux enluminées de chœurs champagne, quelque chose de très immédiat qui fait qu’on se fixe beaucoup moins sur les textes…

Voilà ! C’est ça, oui, oui, oui. C’est-à-dire que ça a été voulu, parce que j’en ai tellement ras-le-bol que les textes soient trop mis en avant. Sur celui-là je vois bien que ça me fait des vacances parce que ça m’a jamais plu d’être, comment dire ? Un chanteur à textes. On m’a défini comme ça. Alors si les textes passent au deuxième plan, pour moi c’est parfait.

Quand vous dites que c’est “ voulu ”, ça veut dire que depuis un moment vous manœuvriez consciemment dans ce sens-là ?

Non, ça s’est fait lentement mais sûrement. C’est une sorte d’évolution. Et puis le prochain sera encore plus light, je pense. Y’aura des textes mais on n’y fera plus attention. C’est-à-dire que je rejoindrai la musique que j’aime. Par exemple, quand j’écoute le Creedence, je fais pas spécialement attention aux textes.

Cette envie n’est-elle pas aussi liée au fait d’avoir déjà beaucoup dit dans vos albums précédents, comme vous avez déjà beaucoup parlé dans vos précédentes interviews ?

Mouais non, je pense juste, j’espère bien, que je fais des progrès, que je comprends des nouvelles choses à chaque nouvel album. J’essaie d’avancer. J’ai pas dit mon dernier mot. A chaque album je me sens un peu comme un débutant. J’essaie de voir ce qui cloche dans le précédent et j’essaie d’améliorer. C’est pour ça que j’en fais tout le temps. Je vois ça comme une continuité de travail. Là je suis assez content, car les textes passent un peu au deuxième plan. Ça fait longtemps que je cherchais ça, mais j’y arrivais pas trop, à part des fois, sur une chanson, de-ci de-là.

Le style de vos textes a changé avec le temps. N’est-ce pas dû au fait qu’avant, vous composiez surtout avec des synthés, et que ça induisait un rapport spécifique au texte et au chant, rapport que vous n’avez plus maintenant que vous composez tout à la guitare ?

Ouais, dès que j’ai arrêté les claviers, ça fait plus de dix ans. Les synthés, j’ai jamais aimé ça.

Ah bon ?!

Ouais. Disons que le gros changement c’est Mustango. C’est quand je vais à New York. Là je suis tout seul avec une guitare et je fais ce que je sais vraiment faire, ce que j’aurais dû faire depuis le début d’ailleurs, mais bon, à l’époque j’étais entouré de gens qui avaient des synthés, des boîtes, des machins, et on se disait : “ C’est rigolo, on va faire comme ça ”

Alors que vous aviez déjà l’amour des bluesmen, tout ça, Neil Young, Keith Richards… Pourquoi n’être pas allé directement vers la gratte pure, vous aviez un complexe là-dessus ?

Ouais, un truc de timidité ou de manque de confiance. Là-dessus, ce qui a joué c’est d’en avoir pas mal discuté avec Marc Ribot [guitariste et compositeur américain de cinquante-six ans qui a sorti dix-huit albums entre jazz et rock et collaboré avec Tom Waits, Elvis Costello, John Zorn, Mike Patton, Bashung, Caetano Veloso, Marianne Faitfull, Madeleine Peyroux, etc., NdA] à l’époque de Mustango. Il en avait marre, il m’a dit : “ Attends, t’arrêtes pas de me montrer des trucs que tu veux que je fasse, pourquoi tu les fais pas toi-même ? ” Pendant plusieurs jours il m’a bombardé comme ça : “ T’as qu’à le faire toi-même. ” Et on a fini par enregistrer un titre tous les deux. Face à face. Chacun sa guitare. Mais si j’ai pu faire ça avec Ribot, c’est que c’était bien. En fait le problème c’est la mentalité des musicos français. Avant j’étais pas sûr de moi à la guitare, et tu sais comment font les mecs quand t’es pas sûr de toi : ils font : “ Han han han ! ” Alors moi je rangeais la guitare et je montrais les plans à quelqu’un d’autre. Alors que les Américains, quand je leur montrais mes plans, ils me disaient : “ T’es taré, pourquoi tu joues pas ?! ” En France t’as jamais un mec qui va te dire : “ Pourquoi tu joues pas ? ”

Mustango a donc ouvert un nouveau chapitre…

Oui, ça a tout changé. Enregistrer tout ce disque à Tucson avec les deux mecs de Calexico m’a beaucoup donné confiance en moi. Là, avec une guitare acoustique et des musiciens, je suis enfin comme j’aime travailler, enfin un peu au cœur du sujet. Après, les musiciens new-yorkais m’ont aussi donné confiance en moi. Il fallait absolument que j’en passe par ces deux phases. Après j’ai fait Le Moujik et sa femme, où c’est basse-batterie-guitare. Il n’y a pas un seul clavier. Et depuis, je crois que je n’ai pas arrêté de fonctionner comme ça.

C’en est donc définitivement fini des synthés ?

Ouais. Parce qu’après Mustango, on avait fait une tournée de quatre-vingt quatre dates avec que des synthés et des boîtes à rythmes, ce qui avait donné Muragostang, et là j’ai senti que j’étais un peu allé au bout des machines. Donc c’était pas mal de revenir à la guitare. A des bases beaucoup plus simples.

Et moins sexuelles, car les synthés vous conféraient un son, comment dire ? Très humide…

Oui, je vois ce que tu veux dire. C’est-à-dire que le son même du synthé est indiscret…

Comme il l’était chez Prefab Sprout, que certains de leurs fans critiquaient pour leurs sons clinquants, fleur bleue, sans se rendre compte que ça faisait partie de leur charme…

Oui, bien sûr. Des sons dont on s’est d’ailleurs rendu compte qu’aujourd’hui ils tiennent bien. Souvent les gens qui utilisent des sons de synthé un peu décalés résistent mieux à l’épreuve du temps que ceux qui sont piles poil dedans. Donc oui, les synthés sont indiscrets. Alors que les guitares, non, c’est discret, pudique presque. Même une douze cordes. Là, sur le dernier, j’ai essentiellement joué d’une douze cordes acoustique. Quand ça sonne électrique c’est juste que je la passe sur un vieux Fender 64. Je mets le jack dedans, je joue la douze et j’ai le son, c’est tout.

En France on n’en connaît pas beaucoup, des musiciens qui jouent la douze cordes…

C’est vrai. Mais ça, c’est parce que les musiciens français c’est des branleurs. A chaque fois que j’ai vu un Français jouer de la douze, le mec était là : “ Oh là là, ça fait mal aux doigts ! ”. N’importe quoi ! C’est très bien. Moi j’adore jouer de la douze avec des GROSSES cordes.

Et cette électricité induit un tout autre travail textuel. Dès qu’il y a de la guitare, électrique ou pas, on n’est plus dans le même registre d’écriture ni de chant qu’avec des synthés…

Ouais, ça change tout. La semaine prochaine je commence à répéter pour la scène, et je me dis : “ Comment je vais faire les titres de Grand Lièvre ? ” Et je crois que je vais les faire comme je les fais à la maison avec ma douze cordes acoustique. Quand je branche ma Telecaster sur un Fender, d’un coup je vais ailleurs…

La guitare parle déjà…

Ça m’a plu sur, le dernier album, de rester acoustique avec une douze et DE NE PAS DEROGER à ça et PAS UN CHORUS de guitare. T’as remarqué ? PAS UN CHORUS DE GUITARE. RIEN. Pas un riff. RIEN. Sauf sur le titre Haute Arverne. Là on était en studio, y avait un vieux Fender incroyable qu’ils avaient remis à neuf. Il a un putain de son, cet ampli. J’ai mis la Telecaster dedans et j’ai été obligé de le garder. Mais pour les guitares, j’étais acoustique. Sans chorus. C’est peut-être ça qui a mis de la légèreté. C’est beaucoup plus simple, plus direct. Mais bon, ça prend du temps pour arriver à ça. Ça prend du temps. Vivement le prochain.

Jean-Louis Murat // Grand lièvre // Polydor
http://www.jlmurat.com/

14 commentaires

  1. ah Jean louis Murat, c’est la fournée spéciale inrocks en ce moment…. Un bon client en interview pas de doutes par contre merde j’ai toujours eu des hauts le coeur losqu’on citait Neil Young en référence pour son travail. Il a quand même des textes et une voix de varièt l’auvergnat mécontent. En fait il fait un peu partie de ce wagon de mec des années 80/90 qui ont eu des prods affreuses et qui ont été soutenus comme des malades parce que « tu comprends c’est différent »…. perso j’ai toujours pensé ce mec aurait eu bon caractère il ce serait retrouvé avec les copains chez Drucker et qu’il aurait la moustache il ferait des duos avec De Palmas et Cabrel.

  2. J’aime encore les « vieux » disques de Jean-Louis que je fais tourner en vinyl et en CD. Et puis Talk Talk, c’est pas indigne, non mais ! 😉

  3. mais elle est vraiment excellente cette interview M. Fesson!
    Je suis toujours heureuse quand de jeunes personnes découvrent et aiment Jean-Louis Murat… je me dis qu’il n’a pas fini de faire parler de lui et que peut-être un jour, on le reconnaîtra enfin pour son immense talent de musicien, d’auteur et d’interprète et non pas pour ses rares coups de « rentre-dedans » lors de quelques passages télévisuels…
    Chaque album à sa couleur poétique, musicale, chaque concert est différent d’un soir l’autre… Murat est un homme rare, unique même!

  4. Je partage l’avis d’Armelle et j’ai posté cette excellente interview sur le mur de mes amis « fans » de Jean-Louis Murat !
    Merci encore…

  5. Ach Murat ! Encore un artiste à classer dans les « j’ai honte d’avoir écouté ». Très bonne itw Sylvain. Moi ce qui me trouble comme les eaux du Gange – désolé pour l’odeur – c’est que les journaleux trouvent son album « gai » alors qu’il n’a pas l’impression d’avoir changé de tonalité … Un mystère de la musique en si bémol majeur ou en ut mineur sans doute, à suivre dans les limons tortueux des compos aléatoires.

  6. Murat le top … musique texte et voix. Il s’est mis beaucoup de monde à dos … Lisez ses textes et vous verrez quelle qualité ils recèlent. C’est Rimbaud, c’est Verlaine. Non je ne dis pas des conneries.
    Un jour les gens le reconnaîtront à sa juste valeur/ Pour autant jamais il n’aura relnié les valeurs auxquelles il tient … Murat fils et petit fils de paysan, qui n’a jamais renié ses origines. L’un de ses plus belles phrases … « Il faut aimer ce qui nous a fait » en réponse à une question portant sur ses origines + que modestes …
    Bravo M. MURAT .
    Le dernier album de MURAT « Le grand lièvre » c’est 2209 mots dont 798 différents. Il écrase la concurence …
    http://didierlebras2.unblog.fr/3-dictionnaire-muratien-grand-lievre-2011/
    Lisez MURAT c’est un poète …

  7. Et si, et si… Murat a le caractère qu’il a, une musique qui n’est certes pas du Neil Young (il reste français…), mais ses textes n’ont rien de variet’. Ou alors Serlach tu dis ça sans trop avoir écouté. Ou en restant sur une impression de surface de ce qu’il faisait au début des années 90. Enfin sans vouloir défendre le gars (son concert au Trianon y’a quelques jours c’était quand même un peu blues rock à papa parfois) moi j’ai jamais eu honte de l’écouter. Et de l’écouter encore. Par contre les gens qui ne jurent que par la soi-disante authenticité clé en main (parce qu’il est né là-bas) d’un Neil Young je trouve ça un rien fastoche. A part ça la suite de cet entretien avec Murat sera lisible là : http://www.parlhot.com
    Merci !

  8. ce n’est pas une facilité, c’est une simple réalité et je ne dis pas ça de tous les brailleurs d’outre atlantique.Loin de moi l’idée de ne jurer que par cet artiste mais il a quand même été très longtemps a dessus de la mêlée.
    La simple écoute de tonight’s the night devrait hacher menu ton argument. Murat c’est quand même le téléramiste en Auvergne. Et puis le discours paysan c’est bien beau mais je viens de pas si loin de ça de chez lui et faut quand même dire que pour en avoir rencontré, il y a une grande majorité de cons bouseux et reac (de gauche comme de droite). Ceux là qui font frétiller les petits urbains qui écoutent Murat en quête du bon sens paysan…

  9. Bien sûr que c’est une réalité et que Neil Young déchire. Mais voilà, Young c’est Young et Murat c’est Murat. Je crois que personne n’a jamais dit que l’un valait l’autre. Tout au plus des journalistes ont-ils parfois la faiblesse de dire que le français aime l’américain histoire de le situer. Dans tout ça moi ce qui me saoule un peu c’est le délire du style « le français est ridicule et l’américain c’est trop un demi Dieu ». Moi émotionnellement il y a des disques de Murat qui me renversent comme je peux être renverser par certains morceaux de Neil Young. Ecoute Mustango si tu ne connais pas. C’est très fort EN SOI. Et il n’y fait aucunement l’éloge du retour à la terre qui ferait soi-disant frétiller les citadins. Donc merci de déchausser tes gros sabots ahaha !

  10. si tu veux je crois avoir mustango en vinyle qui cale un fond de pile, je te le donne volontiers. Murat a toujours fait genre le mec de la ferme en auvergne et ce n’ai pas moi qui utilise l’argument du ricain vs français. J’ai juste dit que les comparaisons du genre le neil young français me faisait gerber

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