Les trains, ça se prend à l'heure, dit-on. « Post Pop Depression » est sorti en Mars 2016. J'ai ouï « Gardenia » sur Oüi (oui oui), subi le matraquage et je me suis dit que, décidément, je n'attendais plus rien d'Iggy, et que les contributions de Josh Homme, Dean Fertita et Matt Helders n'y changeraient rien. Et puis, l'autre jour, mes oreilles ont incidemment capté « Sunday ». Et elles se sont dressées quand j'ai entendu ce son. Putain de merde. Enfin, je veux dire : bon sang, quelle claque. D'où cette chronique asynchrone. Post Pop Description…

D’aucuns prétendent que l’Iguane n’est jamais aussi bon que quand c’est faiblard derrière. Soyons sérieux cinq minutes. James Osterberg est en fin de compte un sacré filou, certes doté d’un organe hors du commun (sic) et capable de trousser des lyrics valant le détour, mais qui n’a pondu des pépites que lorsqu’il a su s’entourer des bons « Dum Dum Boys ». Il y eut d’abord la fratrie Asheton et James « Scorpio » Williamson, bien sûr. Il y eut ensuite Bowie, bien sûr aussi. Il y eut également Rob Duprey, car « Zombie Birdhouse » est un excellent album méconnu, aventureux et poétique. Enfin, plus près de nous, il y a eu Josh Homme, véritable sorcier-orfèvre responsable de l’écrin musical du Sunday qui nous intéresse ici.

https://youtu.be/g_yzALAt2lE

Dimanche d’Iguane et science du manche idoine 

Ce morceau est avant tout une symphonie pour guitares. Pas que, mais avant tout quand même. Il y en a une sur les couplets (qui développe une ligne alambiquée, tortueuse, bien reptilienne), deux sur le refrain et le pont, et enfin trois pour le faux final. Elles sont félines, souples et tranchantes. Elles grondent, feulent et miaulent, cinglent et caressent, ricanent, carillonnent, se répondent. Est-ce à dire que « ça tricote », à la façon chérie de Keith ? C’est en fait moins linéaire, plus éruptif. Et c’est tout à la fois savant et jouissif, changeant et mathématique. Mais la musique, ça tient des mathématiques, non ? « Une pratique cachée de l’arithmétique » à ce qu’il paraît…

Les guitares m’ont chamboulé, c’est certain, mais ce n’est pas tout. Ce titre, s’il fait allégeance à la sacro-sainte trame « couplet – refrain – pont – etc. », n’en prend pas moins un malin plaisir à emprunter des chemins buissonniers qui l’éloignent des sentiers battus de l’orthodoxie rock. La samba s’y invite ainsi sans complexe, de manière aussi inattendue que pertinente, et on a droit à la fin à une valse du plus bel effet. Des pas de côté dont le sieur Pop n’est pas coutumier, quand il ne piétine pas Les Feuilles Mortes s’entend.

La rythmique et les chœurs à l’ouvrage

Pas de fantaisie du genre : « T’as imprimé le barouf qu’a fait ce cendrier en fer que j’ai envoyé valdinguer à travers la pièce ? C’est ton drum score, mec. » Si l’on excepte la brève incursion au pays des Cangaceiros, les percussions de Sunday, ça reste du classique, efficace, net et sans bavure. Et même si c’est un singe de l’Arctique qui fait résonner fûts et cymbales, les poumtchaks de la batterie sont peu démonstratifs. Sans fioritures, mais avec ce qu’il faut de groove, ils sont un canevas idéal pour broder la belle ouvrage.

La basse slappe à la Flea, dans un style élastique et percussif jubilatoire. Sortant du cadre rythmique, elle projette sur la toile tissée par les guitares des perles de soie qui tantôt s’y accrochent et tantôt ricochent. Les chœurs : leur présence déjà et leur tonalité ensuite, bousculent les canons mélodiques du crooner sauvage d’Ann Arbor (Muskegon, ça sonne définitivement pas terrible). Inhabituel donc, et plaisant surtout.

Les paroles sont imagées ou sibyllines, au choix. Pas torchées en mode baleck, loin de là. Mais pas de quoi grimper aux rideaux non plus : Iggy, vieille et riche Rock Star, nous y livre ce qu’il pense être les états d’âme d’un Américain moyen. Comme il en a un peu chié par le passé, on lui pardonne. Et si ça se trouve, il nous parle de tout autre chose, va savoir. Cela dit, on est à des galaxies de punchlines telles que « I’m a runaway son of the nuclear A-bomb » ou « That’s like hypnotizing chickens »…

Le cri pas muet de l’Iguane

Et les vocaux d’Iggy dans tout ça ? Il fait le taf, et plutôt bien. Car, contrairement à ce que d’aucuns prétendent, il n’est jamais aussi à l’aise que quand c’est balaise derrière. Il chante, en somme. Vous vous attendiez à quoi ? À ce qu’il confie cette tâche à quelqu’un d’autre ? C’eût été un comble, ce petit chef d’œuvre est quand même estampillé « Iggy Pop ». Pas chien et surtout conscient d’avoir misé sur le bon « Dum Dum Boy », Iggy Pop partage la vedette avec Josh Homme dans le clip promotionnel de « Sunday ». Qui, vous savez, a dit : « It’s the singer, not the song. » Là, je suis désolé, mais c’est exactement l’inverse. Même si c’était Vanessa Paradis qui minaudait sur ce bijou sonore, ça me botterait. Allez quoi, on peut plus déconner ?

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