Le poulpe se souvient de cet âge tendre où il feuilletait les Hara Kiri planqués dans la piaule de ses vieux. Ancré dans l’histoire culturelle franchouillarde, le mensuel a forgé son humour et son esprit critique. L’essentiel était de rire, et de tout. C’est ce que m’a appris mon paternel comme un héritage un peu bidon pour des blagues qui ne l’étaient pas moins.

Le poulpe avait neuf ans lorsqu’il pénétra pour la première fois dans la chambre de ses vieux pour mater la télé en noir et blanc, grosse boîte installée au bout du grand lit style rustique. La télé couleur trônait, elle, dans le salon. Mon pater l’avait achetée pour assister au passage à la couleur de TF1 en 1976. Instant magique sur des images dérisoires. On matait pour la première fois des vaches en couleur dans la verdure des prés au journal de 20h, c’était con et beau à la fois. La télé noir et blanc me servait maintenant à suivre L’île aux enfants, tranquillement installé sur le rebord du lit en attendant que la soupe soit servie. Parfois, sur le grand dessus de lit en moumoute rouge – c’était la mode hein – traînaient quelques journaux humoristiques, du plus trivial au plus gore. Ça pouvait aller du dernier Almanach Vermot, des célèbres et non moins hilarants Marius et Le Hérisson, jusqu’au dernier Hara Kiri. Il faut dire que mon paternel avait toujours été avide de culture au sens le plus large et éclectique du terme. Les soirées télé alternaient les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier, Au théâtre ce soir, Apostrophe et les matchs de foot, alors que ses lectures allaient de Frédéric Dard à Alain Peyrefitte (Quand la Chine s’éveillera… il avait déjà tout compris à ce qu’est devenue la Chine trente ans plus tard). Outre la presse humoristique, il s’imprégnait aussi de toutes les mouvances, de l’Huma au Figaro en passant par Paris Match, le Canard Enchaîné ou le magazine Historia. De mon côté, je profitais de cette générosité culturelle pour poser mes jeunes ventouses à gauche et à droite, pour le meilleur mais jamais pour le pire.

A neuf balais, le côté subversif et choquant des Unes de Hara Kiri m’attirait autant qu’il me faisait peur. Surtout peur de me faire gauler par mon père à le feuilleter comme ça, affalé sur le lit conjugal – fallait quand même pas trop le faire chier. Casimir aurait pu se pignoler en direct devant des milliers de gamins étonnés que je n’aurais même pas levé le moindre sourcil. J’étais plongé dans le vice et rien ne pouvait plus m’arrêter. Je ne comprenais pas tout, mais quand ça montrait du caca, des bites sur le nez ou des mamies qui noyaient des chats, ça me faisait marrer. Sous le couvert de l’humour, je ne faisais rien de mal et en avais donc conclu que m’abandonner à mater des gros nichons, des chattes bien ouvertes et des culs énormes avec le palpitant qui s’accélère et les zigouigouis qu’on ressent à cet âge-là dans son bas-ventre glabre et humecté, tout ça n’était pas bien grave. Les photos étaient toujours crades, les filles souvent des putes payées pour l’occasion, mais c’était franchement mieux que les pages soutien-gorges et petites culottes de La Redoute ! A la maison il n’y avait pas de magazines de cul – le magnétoscope n’avait pas encore envahi les foyers et le carré blanc était interdit aux niards. Pour tout ça, merci Choron, merci de m’avoir donné ma première éducation sexuelle.

Puis avec le temps, les années passant, j’ai aiguisé mon œil critique et arrêté de me palucher la zigounette devant n’importe quoi, j’avais trouvé mieux de ce côté-là… de la ceinture. On était évidemment à cette époque à l’apogée du mensuel, les lecteurs étaient nombreux (de 10.000 exemplaires au début, jusqu’à 250.000 à son climax) et les élucubrations de ses auteurs, de plus en plus avides de rigolade, choquaient la France entière. Le magazine se bidonnait de tout, particulièrement des travers de la société, des intégristes de tous bords, des pubs mensongères, des femmes battues, des militaires, des pédés ou du chômage. Tout le monde en prenait plein la gueule et moi je m’instruisais en rigolant de tous ces éléments de société qu’on évitait d’évoquer dans les autres medias. Les procès pleuvaient, on caillassait les locaux, mais les Choron, Cavanna, Delfeil de Ton, Wolinski, Berroyer, Gourio ne pouvaient s’empêcher de pousser toujours plus loin leur humour.

En 1981, la gauche arrivait au pouvoir et abolissait la peine de mort, j’étais heureux. Je me souvenais alors de cette Une du numéro 181 sortie en octobre 76 titrée : « Pour une peine de mort plus humaine : la tronçonneuse ». La France pensait être libérée comme un deuxième Mai 68. Du coup, Hara Kiri perdait pour moi un peu de son goût. Quatre ans plus tard, le mensuel était mort, décapité par je ne sais quel procès et les erreurs éditoriales de Choron. Je crois bien me souvenir que ça ne m’a rien fait du tout. Pourquoi pleurer alors que j’avais tant rigolé ? Mon père, quant à lui, s’est rabattu sur Charlie Hebdo, la satire politique… Mais avec Hara Kiri, mon humour avait été à la bonne école. Je suis encore capable aujourd’hui de rire de tout et même du pire, mais je ne sais pas si je le dois réellement à Hara Kiri ou, finalement, à mon vieux. C’est peut-être aussi pour ça, sans oublier Coluche et Desproges,  que j’ai plus tard apprécié les délires de De Caunes, les Nuls, Palace, Merci Bernard, la grossièreté de Bigard et maintenant l'(ai)Guillon. Tous ont pris leur part d’héritage.

http://www.harakiri-choron.com/


14 commentaires

  1. « C’est peut-être aussi pour ça, sans oublier Coluche et Desproges, que j’ai plus tard apprécié les délires de De Caunes, les Nuls, Palace, Merci Bernard, la grossièreté de Bigard et maintenant l’(ai)Guillon. Tous ont pris leur part d’héritage. »
    Dis nous, c’est une blague j’espère? Tu n’es pas sérieux?

    Finalement on voit l’héritage là où on le veut, et comme cela nous arrange. J’ai du mal à voir Choron et de Caunes, bigard, Guillon dans la même ligné. Pour la simple et bonne raison que Choron était subversif et pas un gesticulateur provocateur, il était politiquement incorrecte et non incorrectement politiquement correcte comme Guillon, Bigard, de Caunes et soit disant autre héritier.
    J’attends de voir un « héritier » comme tu dis, parler comme ça un Aure Atika ou à une chroniqueuse grand journalesque sur ce ton.
    http://dailymotion.virgilio.it/video/x2erqm_clash-choron-aure-atika_news

    Choron n’aurait jamais accepté les scénarios qu’accepte Bigard.
    Choron n’aurait jamais pris l’avion avec le Président de la République pour embrasser la main du Pape , à moins qu’il ne lui donne une photo de lui gamin en lui disant « Je vous offre une photo de moi gamin, j’étais très beau, non? Comme ça vous pourrez vous astiquer sans pécher… »
    Comme de Caunes…qui? il a fait quoi lui pour être citer ici? ah oui, rien.
    Quant à Guillon, laissons le travailler sans déranger Choron, mais c’est vrai qu’il aurait bien aimer se taper Muriel Cousin et rouler a fond la caisse avec sa porsche d’époque.

    Allez le poulpe soit sérieux, fais un effort…allez, un peu plus d’acuité comme ton père Paul Le Poulpe et cherche en quoi la-petite-frappe-tête-à-claque-de-fouine-de-Zemmour ou Dieudonné (bras humoristique des pseudo-néo-naziste décomplexé) sont les seul à avoir plus de Choron aujourd’hui.
    Heureusement que Romain Bouteille est là pour sauver le patrimoine.

  2. ***Allez le poulpe soit sérieux, fais un effort…allez, un peu plus d’acuité comme ton père Paul Le Poulpe et cherche en quoi la-petite-frappe-tête-à-claque-de-fouine-de-Zemmour ou Dieudonné (bras humoristique des pseudo-néo-naziste décomplexé) sont les seul à avoir plus de Choron aujourd’hui.
    ***

    C’est comme tu le sens Andrea mais je ne peux pas saquer Zemmour et encore moins Dieudonné. Tu crois que c’est l’âge qui rend con ? Je préfère citer ceux que j’aiment …

  3. J’aurais aimé une espèce de CHORON dans la hype parisienne tiens ! Quand je dis çà je dis rien de rien nan je ne regrette rien ni le mal tout çà m’est bien illégal. Sinon je suis d’accord avec Andrea, je ne vois que DIEUDONNE pour sauver l’âme et les couilles d’HARA KIRI dans le « éthiquement dégeulasse » (new!) et ensuite faites gaffe au passéisme, aux icônes à la culture bobo dont ce connard de Docteur fait parti et injecter du CHORON dans vos lignes de coke éditoriales sans tomber dans le CANAL + que je déteste parce – transiFION & autopomoFION en con-plainte du soli-loque – qu’ils m’ont chourer un angle d’attaque « casser de la hype » mais de la hype mainstream : le people… Pour la petite info2merde donc, j’ai été convoqué à ANAL + en 2004 à Boulogne-Billancourt (j’étais emmerdé même, je me disais « et merde je vais bosser avec cette engeance bobo ») pour être chroniqueur2merde, j’ai déballé mes concepts2merde et bizarrement le petit journal Actu et People est né. Enculés!

  4. Choron nous apprenait à avoir toujours un oeil critique sur notre temps, à défier le bon sens, le mainstream, et son propre coeur, être toujours en éveil.
    Zemmour est insaquable, mais son personnage est le seul à dire ce qu’il pense, à prendre des risques à la télé. Ça c’est Choron! ensuite sur les propos ou sur le fond…bah, on sait se qu’il en est…pfff! un gâchi complet.

    @TH: Voilà pourquoi tu l’as si forte avec Canal. Par contre au lieu de penser qu’Anal+ te la mise bien profonde jusqu’à en vomir, tu devrais au contraire être fier d’avoir trouver ces « concepts2merde » qu’ils t’ont volés. Si tu ne voulais pas être comme eux, de quoi te plains tu? Propose tes nouveaux concepts à mieux, y trouvera bien à un moment les personnes justes pour l’idée juste.

    http://dailymotion.virgilio.it/video/x28y1t_provocateurs-debat-nabe-choron_people

  5. @abidbol : Ben tu vois, on a de la chance tous les deux … Quand tu penses qu’il y a des types qui abattent froidement leur paternel sans un seul brin d’humour … hein !

  6. C’est effectivement marrant comme les seuls qui pourraient « re-faire » du Hara-Kiri (peut-être parce qu’ils ont bien connu Choron, eux?) sont les estampillés fachos par les sionards/gauchistes : Soral, Nabe, Vuillemin, Dieudonné.
    Le reste, c’est de la blaque pour faire rigoler Môman, pas tendre avec le populo, bien mesquin et ricanant, et surtout sans risque vis-à-vis du pouvoir.
    Guillon et Cie : raus.

  7. C’est marrant comme ce petit article tout naïf réveille les réacs de tous bords. A l’époque je lisais aussi PIF gadget, journal communiste, j’aimais moins le journal de Mickey, un peu trop impérialiste à mon goût.

  8. @ LE POULPE_ je te sens tout visqueux et avec un humour ANAL + je me trompe sucker ? Je vais ramener ANDY VEROL, on va se marrer….

    Tiens j’ai vu les jumeaux Tesson hier à la JAVA, hardcore.

  9. Moi aussi, ce tonton m’attendrit. j’ai usé et abusé d’Hara Kiri a long time ago à des fins diverses, plaisir de l’oeil , surtout, du doigt accessoirement. Ma mère avait d’ailleurs sa « carte de con » issue du magazine, dont l’un des contributeurs fut son amant..

    Un jour, plus tard, alors que j’étais moins têtard et plus fêtard, le professeur Choron en personne a tenté de me vendre un abonnement pour une autre publication ultérieuse, en terrasse d’un café de la butte aux Cailles. J’étais émerveillé. C’est une second life que je lui aurais bien fournie par abonnement, si faire se pouvait. Meeeeee Nachdin bouk, impossible !

  10. @ TH : T’as total raison. J’ai lu l’entretien avec ton illustre personne sur ton site, j’ai rien pipé, et en plus ça m’a total gonflé tes grandes idées, ta façon de te croire super intelligent tout ça … Je ne te mérite pas c’est clair. T’es un grand de chez grand !

  11. ah merde excuse-moi Sylvain ! ma copine me dit au fait que la musique de DEAD SPACE ressemble étrangement à celles de LA PLANETE DES SINGES de Burton !

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