Megève l'été, on y était. On est passé deux jours parce qu'il faisait un temps de station balnéaire allemande en période de canicule. Et puis on a écouté H-burns. Tout le week-end, le reste n'était qu'un décor et c'était pas pour la plus mauvaise des musiques. On était invité à un mariage avec des beautiful people. Il y a un petit centre ville, des chalets en haut des pistes, des chalets pas loin du supermarché, des gens qui y passent, des gens qui y restent. On reviendra peut-être.

Je me trainais sur une autoroute comme un aigle qui survole la plaine. Une vieille amie était au volant, d’autres de plus fraîche date textotaient à l’arrière de la voiture.

– Je connais pas H-Burns.
– Moi non plus.
– Qui a commencé à en parler ?
– C’est pas moi.

La voiture regardait filer les kilomètres en silence, on avait été obligé d’arrêter Radio Libertaire passé l’A86.

– Tiens on est en Bourgogne.
– Pas encore à Bourg-en-Bresse.
– « Qu’est-ce que vous dites ? » rajouta un des textoteurs.
– Il va bientôt falloir changer d’autoroute. Au fait, c’est où Megève ?

Un château impassible dominait la plaine que l’autoroute avait défiguré. On arrêta la radio, on augmenta la climatisation, on s’arrêta sur une aire d’autoroute. Je ne connais plus l’été à la montagne, c’est comme bronzer à Paris, je ne l’ai pas fait depuis que Sarkozy est Président de la République. Pour se consoler, une musique un peu triste comme H-Burns, c’est toujours agréable.

– Qu’est-ce que tu dis ?
– Non, rien, je pensais en silence, c’est le flash info qui annonce un carton sur l’A6 dans l’autre sens.
– C’est où Megève ?
– Je sais pas, mais envoie un texto, peut-être qu’on nous le dira.
– Enfin un geste logique.

On arriva dans une vallée, large, solide, du fond de laquelle on pouvait voir les falaises immobiles et les villages silencieux, perchés sur les flancs.

– On aurait mieux fait de payer l’autoroute jusqu’à la fin.
– De toutes les manières, ce n’est pas nous que la mariée attend.
– Oh les mecs, regardez : des neiges éternelles.
– C’est pas des neiges éternelles, c’est des voies d’escalade.
– Il est pas assuré, en plus, le type là haut.
– Plus dure sera la chute.
– Tais-toi, il choisit sa mort.
– Ça ressemble à une banlieue finalement.
– C’est qu’on n’est pas arrivé.

16501La voiture déposée à l’auberge de jeunesse, les portables sans batterie, les mains dans les poches, ils descendaient la rue au trottoir étroit à la queue-leu-leu, à l’aise et sifflotant, penchés dans le sens inverse de la marche.

– Par contre, les rues piétonnes, ça fait penser au Club Med.
– Oh, les mecs, regardez, il y a une galerie d’art.

La vendeuse nous demanda ce que c’est que barracata. Ce devait être un mot… En sortant, ils reprirent la conversation, ils ne s’étaient pas encore parlé depuis leur arrivée en ville. Elle leur avait juste demandé ce que c’était que barracata.

– Un groupe de red skins, ils font de l’electro trash.
– Un peu comme Sexy Sushi.
– Ouais, mais c’est plus cool.

Philippe Couroye passa par là, expliquant à sa femme que justement pas.

– C’est une conversation saisie au vol.
– Mais non, il ne parlait pas à sa femme.
– C’est pas notre problème, les mecs.
– Qui a le double jack ?

Ils se mirent à écouter H-Burns : Big city blues. Deux écouteurs, un iPhone.

– Il y a quelque chose là-dedans qui rappelle le premier amour d’un vieillard. Ou le dernier salut d’une ex. Une chimère qui planerait, bref, tout le contraire d’un souffle au coeur.
– On t’a pas entendu, s’t’veux.
– Il arrêta le morceau.

Ce qui est bien dans How strange to be anything at all, c’est que c’est un morceau instrumental.

– Quel merdier ton histoire.
– A qui tu parles ?
– Encore plus fort : On the boulevard.

Ils commençaient enfin à penser à autre chose. Chaque boutique portait un nom et avait une petite pancarte qui la désignait, on finirait par en oublier le nombre de zéros sur les étiquettes des articles. Et le rupin est content, les travailleurs aussi, mais H-Burns s’en fiche.

– On va visiter l’église ?
– Autant s’éviter les mauvaises surprises.

Ils s’étaient retrouvés dans l’entrée de l’hôtel. Silencieux, ils regardaient la pluie tomber et l’eau qui faisait « floc floc » en tombant de la gouttière. Leurs mines étaient un peu tristes pour un mariage. Un drôle papillonnait, ses parents se demandaient en Anglais si la messe serait catholique. Il y aurait trois prêtres finalement. La mariée serait superbe, le marié fier comme un Artaban, le père de la mariée grave et serein, le père du marié, un sourire léger aux lèvres. Les amis penseraient à autre chose, se sentant chacun un peu seuls, avec leurs passés, leurs histoires. Contrary winds.

On fit des bulles de savon pour chambrer les mariés, et puis on gravit la montagne.

Je me suis saoûlé en deux heures, à la bière, je ne savais plus où étaient passés les trois autres. Ma table n’était visiblement pas la bonne, comme dirait l’autre; avec tout ce qu’on organise, il n’y a pas de raison qu’il y en ait qui se plaignent. Je me demande encore ce que tous ces mots que j’entendais pouvaient bien vouloir dire. En tous cas, j’ai fini par m’endormir debout, en haut de l’escalier, dans une profonde narcose. Les gens pouvaient bien danser, rire ou pleurer, j’étais ailleurs.

On m’a réveillé pour redescendre, j’ai revu le paysage des montagnes de nuit, on ne voyait que des nuages blancs, et le froid qui gelait les os de l’ami qui préférait me raccompagner lui-même. On se serait cru chez les méchants d’un James Bond à l’aller, avec des voitures de luxe pour conduire les invités dans un chalet isolé. Ça n’avait plus beaucoup d’importance au retour, les montagnes dans le nuit faisaient des ombres que j’étais le seul à voir. Et puis des amies m’avaient salué, alors, je pouvais m’endormir pour de bon, heureux et oublieux. Horses with no medals.

Comme tous les matins en ce moment je me suis réveillé seul dans la ville, je suis allé attendre que le café ouvre. La veille, les passants, les badauds, les fonds de commerce, causaient inutilement, et là, sur le soleil pas encore levé, les lumières blafardes au petit jour, dans les rues de la petite ville encore calme, scintillaient au sommet des poteaux. C’est bête, les rues et les stations de ski : elles empêchent de voir les montagnes.

On devait se retrouver à midi, en petit comité. On s’est retrouvé tous les quatre par hasard, eux non plus ne l’avaient pas vu depuis la veille. Les mariés et leurs familles recevaient la famille et les amis proches. Ils l’avaient ramené, parce qu’on n’allait pas le laisser poireauter dans un hall d’hôtel.

– Elle ont la classe avec leur fond de teint de fin d’été.
– Ouais mais mes amies n’ont pas toutes le même style.
– En même temps, les témoins de mariage sont encore là.
– Eh, les mecs, vous pourriez vous taire quand je regarde une partie de badminton.
– Ne te plains pas, c’est encore un jeu, le volant n’est pas cassé.

D’autres s’essayaient à la pétanque, seul un homme étrangement calme, à peine aperçu la veille, regardait le spectacle des invités agglutinés au balcon. Ils échangèrent deux mots. Sa chemise Mao sous sa veste blanche et ses cheveux longs et gras lui donnaient l’allure d’un vieux sage nerd.

– D’ici, on a un autre point de vue sur la réception.
– Evidemment.

Il redescendit la colline du parc, en se disant qu’au moins il y a des gens avec lesquels on n’a pas besoin de parler une demi-heure pour se comprendre. Il se retrouva devant le buffet et regarda pensif des jeunes s’amuser. Il ne trouva qu’une fille pour jouer au badminton. Elle en eut vite marre. Tout comme lui du foot, de la pétanque, de tous ces trucs qui chassent l’ennui. Chasing lights that can’t be tamed.

Avant de partir, vers 17 heures, il alla féliciter le marié. Et à ce moment, il se rappela : un homme grand, mince, élégant et intelligent, mort une nuit, son coeur l’avait lâché après avoir pris de la drogue. C’était son frère qui s’était marié la veille. Forcément Albert n’était pas là.

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21 commentaires

  1. Que c’est mal ecrit!!!
    C’est quoi ce mauvais changement de pronom pour le narrateur? On passe de « nous » a « ils » sans aucune raison valable et les lecteurs, c’est a dire ils ou nous je ne sais plus, sont perdus.
    Du coup, si je ne sais toujours pas quoi penser de H-Burns, je commence a me faire une serieuse opinion de Cefar….

  2. Balzac utilisait l’inversion « il » « je »…. je ne suis pas allé vérifié dans quel roman, mais on l’enseigne parfois au lycée. Cette figure de style doit avoiur un nom.

    En tous cas, quand on lit avec plaisir, ça a un effet sur le récit (philosophie spinoziste, etc…)

  3. Salut Cefar. Je trouvais ton titre assez joli ‘Marions-nous avant de vieillir’ et accessoirement ça m’intéressait de lire un papier sur H-Burns. Mais là j’ai l’impression que ce papier est transposable à n’importe quel artiste et qu’on remplacerait H-Burns par Glenn Gould ou Alain Chamfort, ce serait pareil. C’est dommage de ne laisser à voir que l’exercice de style -assez abscons qui plus est- et de n’en rester qu’à la forme sans absolument aucun fond.

  4. Bien sur que oui elle a un nom cette figure de style, elle s’appelle une faute de francais!
    A part de la confusion, quel effet etait recherche dans le paragraphe ci-dessous?
    « La vendeuse nous demanda ce que c’est que barracata. Ce devait être un mot… En sortant, ils reprirent la conversation, ils ne s’étaient pas encore parlé depuis leur arrivée en ville. Elle leur avait juste demandé ce que c’était que barracata. »

  5. Cela s’appelle une faute de frappe, tout comme pour le « avoiur » de ton premier commentaire, mais malheureusement je ne peux editer mes messages precedents. Et oui je n’ai pas d’accent sur mon clavier.

  6. Sorry je ne crois pas avoir utilisé de point d’exclamation; mais trêve de prise de tête sur les fautes de frappe ou autres espaces manquants. Je ne critiquais pas la forme en priorité -quoique totalement hermétique pour ma part- mais surtout le manque de fond. Je pense qu’on peut tout à fait s’éclater à écrire, à utiliser des figure de style, des gimmicks d’écriture etc. Je suis la première à le faire et j’imagine que tous les rédacteurs ici ou ailleurs kiffent ça, sinon what’s the point? L’idée c’est d’essayer d’allier ces deux concepts que sont la forme et le fond. Sinon ça fait un peu Scrabble belge, tu vois. Mais je pense que tu auras compris mon point de vue.

  7. Mon dieu que cet article est mauvais!
    Rien sur l’album et/ou l’artiste, style très « in » et prétentieux, histoire incompréhensible et globalement pas intéressante… Du grand journalisme en somme.

  8. C’est marrant, souvent les auteurs croient qu’un papier sans commentaire signifie un désintérêt du lectorat (ce qui est faux, bien évidemment). Ce papier tend justement à prouver l’inverse, ah ah ! Bon, je ne vais pas ici prendre parti car c’est perdu d’avance; j’ai toujours trouvé H-Burns d’une platitude à crever (un peu comme Megève finalement), cela dit j’aimais bien l’idée de parler de musique autrement qu’avec une chronique, et cette tranche de vie était ma foi divertissante. Qu’on me parle d’autoroutes et de Philippe Courroye pour évoquer un album à la con, perso ça m’a fait du bien.

  9. Evaluer la qualite de son travail au nombre de « like »… ceci explique probablement cela.. Triste monde. Je preferais quand tu te comparais avec Balzac, au moins la y’avait de l’orgueil.
    Parler de musique autrement est une tres bonne idee, raconter passablement une histoire sans interet entrecoupee d’extraits musicaux meme pas a propos, ca l’est beaucoup moins.

  10. Ah mais on parlais de correspondances? Je comprend mieux alors. Bester pense que H-Burns est « d’une platitude à crever » donc cefar nous pond un article « d’une platitude à crever ». Logique imparable. 🙂

  11. vous vouluez que je dise que c’est un mauvais guitarite qui ne sait pas chanter. Il y a quand mêmedes bêtises plus grosses que mon nez que je me dispense de raconter.

    h-burns est un maitre de la nostalgie.

  12. Vous vous meprenez; je voulais juste que vous ne dites rien du tout.

    « Il y a quand mêmedes bêtises plus grosses que mon nez que je me dispense de raconter. »
    >> c’est vrai qu’en revanche, dans un article titre « H-burns » il etait INDISPENSABLE de nous raconter votre « palpitant » trajet sur la fascinante A86…

  13. Il faut reconnaître qu’il y a de très belles phrases dans ce texte. Et que l’angle d’attaque est intéressant. Une version extrême d’un très bel article de Vernon sur Sufjan Stevens (all delighted people ?).
    Après, je suis d’accord avec Blandine : si on lit c’est pour découvrir un artiste, et donc il y a un moment où l’on attend que l’auteur nous éclaire, montre le parallèle qu’il établit. h-Burns serait-il un musicien pour gosses de riches qui se la jouent en écoutant Radio Libertaire ? Tout l’art est évidemment de faire comprendre sans y aller au bulldozer.
    Bref, l’idée était bonne, mais ça manque peut-être un peu de boulot.
    Et je suis d’accord avec Alan. Les changements de pronom, c’est un tue l’amour.

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