Le dernier album du Klub Des Loosers, "La Fin de l’Espèce", convainc en treize morceaux de ne pas faire de gosses et que la vie, c’est finalement pas terrible-terrible. Quelques mois après la sortie du disque, rencontre avec un homme qui porte un masque plutôt flippant pour se permettre de ne pas jouer de double-jeu. Comble.

J’ai un peu eu la trouille. Déjà le masque. Et puis, derrière le masque, un mec qui défend le concept de « La Fin de l’Espèce ». Pas seulement l’album, l’idée de l’album. Pour Fuzati, Fuzati est extra-lucide, n’est pas sympathique et il ne vend pas son cul. Ça s’est dit autour d’une table en verre, dans une salon silencieux où le bruit du verre d’eau que l’on repose claque fort et froid. Voilà pour l’ambiance.
Pour le disque, si le Klub Des Loosers était un groupe de rap, « La Fin de L’Espèce » serait en France le meilleur album rap de l’année. Mais le Klub n’est pas un groupe, Fuzati produit tout seul. Et le Klub n’est pas vraiment du rap non plus, c’est de l’écriture. Loin des codes du hip-hop qui énervent (auto-tune, un ego-trip tout les deux morceaux), Fuzati ne fait pas de refrain et pose sur des instrumentaux jazz-pop. Il a un son très chaud, chaleureux. Lui l’est beaucoup moins. À Paris, tout le monde se connaît. Les médias, les promoteurs et les labels sont des familles consanguines. Et dans ce cadre, rencontrer un animal absolument non social quand on taraude à sec, c’est comme un dialogue de saouls : ça revigore.

« Je tiens à elle comme à un grain de sable trouvé sur la plage
En fait mieux vaut ne pas comprendre ce que chante un oiseau en cage 
» (L’Animal)

Gonzaï : Dans une interview télé, tu disais que l’album de Houellebecq, « Présence Humaine », était ton préféré, c’est toujours vrai ?

Fuzati : Difficile d’avoir un préféré, mais c’est dans le top 5. Ce disque n’est pas très connu, je l’ai découvert grâce à Marc Tessier de chez Records Makers.

Là tu ne sors plus chez Record Makers et tu refuses de mettre le disque sur Deezer ou Spotify. Pourquoi ?

Je sors sur mon propre label que j’ai créé. Ce n’est pas un label pour produire d’autres artistes, sauf énorme coup de cœur. Ou alors pour sortir des trucs de Detect (son arrangeur et Dj en concert — NdlR). Sur ces plateformes, personne n’est poussé à l’acte d’achat et je trouve qu’à la base, c’est un business model basé sur le vol des artistes. Au début, ces plateformes se servaient des titres sans demander aux artistes, et aujourd’hui ils rémunèrent des clopinettes sur les mises en ligne.

Combien tu as vendu de « La Fin de l’Espèce » ?

Je n’ai pas encore les chiffres, mais j’ai fait presser pas mal de fois, donc ça se passe bien pour un label indépendant de une personne. Et sans budget promo.

Ok… C’est quand même un peu chiant de te poser des question avec le masque… Enfin tu t’en fous, mais… euh… Enfin, ça ne t’a jamais joué de tour ?

Non. Comme ça on ne parle que de musique, c’est pour ça que tu es là. Le reste ne regarde personne. Depuis le départ, depuis que je fais de la musique, je maîtrise ce que je fais. On a l’impression aujourd’hui que les artistes se prostituent, qu’ils se montrent sur les réseaux. Si le masque gène pour une interview, on annule l’interview. Je crois que c’est à cause de ça que je n’ai pas fait le portrait de Libération.

Mais si on essaye de te questionner sur tes dix dernières années ?

Je te parlerai de mon parcours musical. J’ai produit entièrement deux albums du Klub des 7.

Mais t’as eu le temps de faire des trucs, de profiter de la vingtaine ?

Oui un peu, mais la musique c’est mon quotidien. Je me suis mis à fond dans le crate digging, ça me prend beaucoup de temps d’aller chercher des disques rares. J’achète un ou deux disques par jour, rien de contemporain en général. Et là, je me mets à travailler sur mon prochain album.

On peut en parler, du prochain album ?

Pas tout de suite, même si j’aimerais le sortir assez vite, en septembre 2013 ou janvier 2014. Ça a l’air loin, mais j’ai une tournée et un album instrumental à sortir pour le Japon, un truc plus électronique fait sous l’influence de diverses substances…

Quelles substances ?

Diverses substances.

« Raconter que tu as serré une meuf au Baron ça ne nourrit pas ton art. »

D’où te vient l’envie de ne pas utiliser de techniques modernes pour les instrus ?

Il ne faut pas dissocier le fond de la forme. Je raconte des choses assez dures, qu’il faut contrebalancer avec une chaleur. Et je me verrais mal poser sur des productions d’aujourd’hui, je ne fais pas du son de voiture. Je pourrais poser sur une instru de Booba, mais je serais un énième rappeur à faire ça. En deux albums, il y a quand même un son du Klub des Loosers qui a émergé, quelque chose de beau et triste. Je fais beaucoup de recherches pour ça.

Il n’y a pas non plus d’ego trip, c’est important pour toi de raconter une histoire à chaque fois ?

J’aime bien faire des albums concepts. C’est un travail lourd parce que je ne fais pas les morceaux un par un, c’est un tout. C’est une méthode de psychopathe. Dans mon prochain album, peut-être que le thème principal s’effacera pour laisser place à des petites histoires. Dans « La Fin de l’Espèce« , le thème de la « non-paternité » est un peu redondant, mais je voulais que le personnage soit enfermé dans cette idée.

C’est voulu ? Tu t’en es rendu compte après coup, ou pendant cinq ans ça été ton obsession ?

Pas du tout, je me suis demandé quel thème je voulais aborder, et avec le Klub des Loosers j’essaie toujours de choisir des sujets qui fâchent.

C’est quoi la prochaine étape alors ? Une secte ?

Je trouve souvent le concept mais il faut le nourrir. C’est pour ça que je n’ai pas enchaîné tout de suite après « Vive la Vie ». Parce que je voulais un point de vue plus mature.

Lola, photographe, détend un peu l’ambiance : Mais au final, c’est autobiographique ?

La haine qu’il y a dans mes textes, tu ne peux pas l’inventer. C’est moi poussé à l’extrême, je ne pourrais pas être comme ça toute la journée, et c’est pour ça qu’il y a le masque, pour prendre un recul. Après, il n’y a pas de prosélytisme, je veux juste amener les gens à réfléchir sur des sujets un peu tabous. Aujourd’hui, quand tu dis que tu veux pas d’enfant, on te dit « t’inquiète pas, t’as le temps de changer d’avis ». Non, vas te faire enculer, je ne veux pas de gosse.

Tu forces les situations ?

Non, j’observe. C’est aussi pour ça que le masque est bien. J’ai quand même un peu été médiatisé, et les gens finissent par reconnaître ta tête. Dans Paris, ce petit milieu, dès que tu as un peu de lumière sur toi ça attire les « insectes ». Le masque m’évite ce rapport avec les gens. Quand j’étais chez Records Makers, label un peu branché, les gens te voyaient en tant qu’artiste, t’invitaient aux soirées. Mais raconter que tu as serré une meuf au Baron, ça ne nourrit pas ton art.

Bonne méthode, alors pourquoi ne pas faire une secte et encourager les artistes à faire comme toi ?

Non, j’exprime juste un point de vue. Que les gens réfléchissent. Et ça serait trop facile d’endoctriner les plus jeunes, je n’ai pas envie de ça.

On sait que tu fais un autre boulot, tu ne préfèrerais pas vivre de ta musique ?

Je pourrais en vivre, mais je ne veux pas faire les mauvais choix pour l’argent. On te dit jamais « tiens, tu vas vendre ton cul », c’est beaucoup plus pernicieux les compromissions. Les directeurs artistiques te conseillent des collaborations, et puis à la fin tu deviens Oxmo Puccino. Je dis ça parce que j’adorais Oxmo Puccino.

Ça ne te fait fatigue pas, du coup, de porter le masque et d’être ton personnage ?

Dans la vraie vie je ne suis pas non plus un mec hyper sympa. Je n’aime pas trop les gens, j’ai cinq potes, j’aime les disques, les bouquins. Je me fais chier dans un dîner, je passe un meilleur moment tout seul avec un pack. D’ailleurs c’est ça la différence entre le premier album, où le personnage subit la solitude, n’arrive pas à serrer de meufs, et le deuxième où le personnage vit une solitude choisie, baise mais s’en fout des filles…

Comment tu t’es mis à écrire ?

J’ai toujours eu des facilités, au début j’écrivais des conneries d’ado, des poèmes… En 88-89 je commençais à écouter du hip-hop. Et puis avec le rap français en 95, je me suis dit : pourquoi pas ? Le fait de poser sur une boucle, cet automatisme, ça m’a parlé tout de suite. Le rap, c’était une manière de mélanger écriture et texte.

« J’ai eu des menaces de mort aussi »

Tu as préféré écrire sur « Vive la Vie » ou « La Fin de l’Espèce » ?

À chaque fois j’ai dit ce que j’avais à dire. Le mal-être adolescent sur le premier, alors que « La Fin de l’Espèce », c’est plus Taxi Driver, ce mec qui se balade dans la ville sans qu’on sache s’il a un bon fond ou s’il est prédateur.

C’est ton ambiance Taxi Driver ?

J’adore ce film. Je l’aurais coupé par contre à la fin, sur tout le sang. J’aime bien l’ambiguïté de ce personnage, comme celle de Fuzati, tu peux avoir de l’empathie, sans savoir si c’est un connard.

Lola : Quand même, il est très pessimiste…

Je dirais réaliste. Quand tu fais une œuvre, je trouve que c’est bien d’aller à l’extrême. Quand tu sens les tripes. Je n’aime pas le milieu, le tiède.

Tu ne regrettes rien ?

Non. Pourquoi, tu as une citation ? Non, il n’y a jamais de provocation, tout est justifiable. En tout cas j’ai l’impression de ne jamais m’être compromis.

On ne t’a jamais fait de coup de pute ?

Parfois des médias, ça s’est réglé juridiquement. J’ai eu des menaces de mort aussi, des fans pas normaux… Je me suis pris une bière dans la gueule aussi… C’est la vie, c’est comme ça.

Klub Des Loosers // « La Fin de l’Espèce » // Les Disques du Manoir
En concert à la Gaîté Lyrique le 12 octobre

http://www.klubdesloosers.com/
Photos : Lola Mirti

15 commentaires

  1. Bastien, tu es un très mauvais journaliste. De plus, tu ferai mieux de relire tes textes avant de les publier car il y a des incohérences.

    Changes de métier.

  2. Good job Bastien !
    Au-delà de l’erreur sur le titre de l’album précédent, j’aurais apprécié également que la misogynie développée par Fuzati soit questionnée…parce que bon, dire qu’il est pessimiste…c’est un peu léger quoi.

    Faire un album sur la non volonté d’avoir un enfant, je dis oui, le faire avec comme argument le fait que les nanas sont des emmerdeuses…on a connu plus innovant…Dommage, j’avais adoré « Vive la vie »

  3. @ Pas content : tu feraiS mieux de relire tes commentaires avant de les publier car il y a des fautes d’orthographe.

  4. « Vive la vie », désolé pour cette coquille. Pas Content, tu es un excellent conseiller d’orientation. Ton esprit m’a percé en plein jour et a éclairé ma route.
    Ne change rien, tu es parfait.

  5. Le mec dont tu découvres en trois clics sur le Net que son boulot, c’est de concevoir des pubs pour la Caisse d’Epargne, moi il me fait bien marrer.

  6. Personnellement, je préférais quand Fuzati faisait du Hardcore à Washington à la charnière 80’s/90’s, mais peut être que je confonds.

    Guitou

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