Le nirvana sans escale, on veut le vivre, quitte à en crever. Jay Reatards en est mort. Seul dans sa chambre, les bras troués, le conduit nasal défoncé, le foie écœuré et l'esprit épuisé. The Death Penalty par déterminisme social. La vie pourrie mène inéluctablement vers une fin anonyme.

Mais contrairement à beaucoup, Jay Reatards a laissé plusieurs centaines de traces avant d’arrêter de courir. Abandon de l’école, les murs ne lui conviennent pas. La rue, les abus et la guitare vont rapidement devenir le pain quotidien de ce loser sans avenir. Et pourtant, Jay Reatard a un vrai sens de la mélodie et dès l’écoute de ses premières cassettes de bric et de broc le label Goner Records de Memphis, mené par Eric Friedl des Oblivians, décèle la pépite sous les hurlements et la cacophonie punk. Il signe le premier LP de The Reatards nom de baptême de ce rude boy indomptable. L’album s’intitule  »Teenage Hate ». Nous sommes en 1998.
 Douze ans plus tard, on retrouve Jay Reatards à l’horizontale. Il a joué dans une dizaine de groupes dont les Lost Sound, trio de synthé punk prophétique et hypnotique. Il a enregistré des centaines de chansons que nous risquons de voir surgir à chaque anniversaire ou pour un futur Record Store Day. Son second LP en 1999 annonçait la couleur « Grow up, fucked up ». Il faut savoir prendre les trains qui passent, Jay Reatard avait un coup d’avance. Fin de L’histoire ? Non.

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En France, un label est né à Lyon – Teenage Hate Records – pour souffler sur les cendres froides du défunt dans l’espoir de faire revivre cette légende restée confidentielle. C’est avec beaucoup de patience et de pugnacité qu’ils sont partis à la recherche des droits pour rendre possible l’entreprise. Plus qu’un disque, cette initiative est une catharsis pour l’ensemble des anciens adolescents que nous sommes. C’est aussi une révérence de la scène rock garage française à la comète Jay Reatards.

L’exercice de la compilation est périlleux pour le label et pour les groupes qui s’y collent. Trop respectueux, trop novateur, trop bricoleur, trop pompeux les écueils sont multiples. Autant vous dire que personne ne s’est planté. La compilation et ses quatorze morceaux sont troussés d’une main de maître. L’ordre des pistes est malin puisqu’il arrive à donner une unité à l’ensemble malgré la forte hétérogénéité des groupes présents sur la compilation. L’équipe de Teenage Hate n’a pas fait dans la facilité en choisissant de confier les covers à des groupes d’horizon bien différents. On y croise les punks à roulette des Uncommonnmenfrommars, les néo technopunk de Kap Bambino, les vieux briscards tel que Didier Wampas et Bikini machine, le folkeux de H-Burns ou les très en vogue Cheveu et Liminanas. « A french tribute to Jay Reatard » est un véritable coup de force que vous devez vous procurer d’urgence.
 Comme un symbole, l’équipe de Teenage Hate Records a choisi d’ouvrir cette compilation par le titre My Family que Von Pariah, trio nantais, reprend avec beaucoup de fidélité. La famille est la chose la plus complexe à appréhender lorsque les hormones commencent à bousculer la banalité de notre vie. Le personnage Jay Reatards a grandi dans les rues de Memphis, livré à lui-même suite au divorce de ses parents. Son refus de grandir, sa passion pour la vie sans frein ni contrainte sont le sel de sa musique. L’espace de trente minutes, la scène garage réussit à faire revivre cet éternel adolescent qui a trouvé la parade pour ne pas vieillir.

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