Dans un monde composé de Haters qui s’époumonent à critiquer et à ne rien faire de leur vie, ça fait du bien de rencontrer un mec comme Etienne Menu. Passionné de théories pop, tous courants musicaux confondus, il publie le deuxième numéro de sa revue Audimat. On s'est entretenus avec lui sur l'état de la critique musicale en France. Et puis on a parlé de plein d'autres trucs : Yves Simon, Mathieu Valbuena, le groupe Téléphone, la Techno de droite, les Haters de l'internet et même de Jil Caplan... Bref : de POP. C'est comme ça avec Etienne : ça part dans tous les sens. Et c'est bien comme ça.

600-1Quand il ne part pas à l’aventure pour Vice en Laponie ou au Japon, Etienne Menu rêve d’idoles R&B 90’s rétrofuturistes, figées dans le temps, de Brandy ou du spectre d’Aaliyah moulé dans l’aluminium. Un esthète de bon goût, un dandy moderne érudit, un touche à tout, qui place à égalité Lee Hazlewood et Larry Heard, Scott Walker et Timbaland. Il est aussi à l’origine d’une émission qui traite de l’actualité musicale, dans laquelle il accueille des journalistes ou de simples mélomanes: Musique Info Service. On peut le croiser en smoking, dînant dans une magnifique villa Cannoise avec le réalisateur Bruce la Bruce ou sur un bateau, légèrement éméché, avec Booba. Ou encore au volant d’une décapotable rouge dans le prochain Abel Ferrara. Et surtout, il arrive à s’entourer d’une armée de journalistes, d’essayistes pop obsessionnels, pour sa revue Audimat. Il a quand même pris le temps, un dimanche matin en pyjama, de répondre aux questions de Gonzai.

Hello Etienne, tu parles de musique de manière très passionnée depuis des années en France.

Ouais, le premier support dans lequel je me suis exprimé c’est le fanzine Octopus, vers 95-96, où je parlais de Techno. J’y ai interviewé Aphex Twin, j’y ai fait des articles sur la techno de Detroit à l’époque où des mecs comme Robert Hood ou Carl Craig sortaient des albums relativement crossover. Si je fais plein de choses,  c’est pas forcément de manière intense, c’est parce que j’aime plein de musiques différentes et parce que j’apprécie le fait d’avoir des activités variées autour de la musique. Les seuls trucs qui ne m’intéressent pas trop, c’est la prod’, l’organisation de concert, ça ne m’a jamais trop branché. Après, la plupart des « projets » que j’ai eus, que ce soit l’écriture de presse ou ma participation aux débuts du label Institubes, ça a toujours été plus ou moins lié à des histoires de copains. Tout seul, je sais trop pas si j’aurais trouvé ça aussi marrant de me lancer là-dedans.

C’est ce que tu essaies de faire avec l’émission Musique Info Service ?

Oui, quand tu te sens proche des gens à la fois amicalement et aussi dans la sensibilité artistique, et que celle-ci est rare, tu te dis qu’il faut exprimer cela, sinon personne ne le fera. Sinon on se contenterait juste d’en parler entre nous sur un canapé, sans que ça touche personne d’extérieur. C’est d’ailleurs un reproche que les gens font à Musique Info Service, du genre : « Hey mais pourquoi vous vous retrouvez pas chez vous pour boire un café et parler de musique entre vous ? Parce que là vous nous faites chier ». Bon, moi je prends ça un peu comme un compliment (rires). Et d’ailleurs c’est un peu ce qui ce passe quand tu regardes des émissions de sport. Les mecs parlent de foot comme au café du commerce, c’est hyper pointu. Ils sont là à te parler de la carrière de Mathieu Valbuena comme si tout le monde connaissait son palmarès, son parcours ou son style de jeu en détail. Mais personne n’est là pour dire « Bah dis donc, c’est comme s’ils étaient au café du commerce », comme s’il parlaient qu’entre eux. Mais avec la musique il y a un traitement différent.

Quand tu écoutes des émissions de critiques d’art sur France culture ou France Inter, comme Le masque et la plume, c‘est quand même vachement écouté comme émission et les gens sont pas là à dire « houlàlà c’est trop pointu ». Avec la musique, il y a moins de tradition critique. En France, la musique est vachement liée au texte, au personnage, à la biographie des gens, etc. L’expérience musicale y est vachement limitée. Elle est déterminée par la personnalité des interprètes, le type de thèmes qu’ils soulèvent. C’est ça en fait, la chanson française. C’est pour ça que le rap français à un statut un peu bizarre. C’est pour ça qu’on a du mal à l’accepter, et que la musique instrumentale marche pas très bien. C’est considérée comme un truc d’accompagnement, comme quelque chose qui n’a pas vraiment d’âme humaine. On est toujours un peu obligé de dire quelque chose, de développer un message ou alors on fait des textes sur le fait qu’on a pas de message, comme Philippe Katerine par exemple. On est obligé de tourner autour de ce truc :  on fait de la musique, il faut que ça reste un accompagnement pour une idée, un message inéligible. Et ça pour moi, ça contredit la nature de la pop.  D’ailleurs c’est dingue car c’est pas du tout quelque chose d’intégré en France, alors qu’aux Etats-Unis par exemple, tu lis le livre de Jay Z (Decoded par Jay Z, non traduit en France, nda) qui parle de sa vie mais aussi du rap, et dedans il dit : « moi en fait la première fois que j’ai entendu RUN DMC c’est pas les paroles que je retenais, mais c’est le son ». Voilà : les mecs disent des trucs pour le pur plaisir du son. C’est juste pour le plaisir de faire sonner des mots comme des sons, les mots comme un instrument de musique, comme une matière musicale. Pas comme une matière à véhiculer du sens. C’est ça que les Français ont l’air d’avoir du mal à comprendre. Et ils disent « ouais le rap, je comprends rien au paroles ». Tu t’en fous, c’est pas grave.

D’où est venue cette esthétique très ORTF des émissions Musique Info Service, ainsi que ce format Gallimard pour la revue Audimat ?

En fait c’est pas moi qui m’en occupe, même si j’y souscrit, mais un directeur artistique qui s’appelle Pierre Vanni. C’était une idée  qu’on a eu en matant une vieille émission française des années 60 avec des gens dans des fauteuils, en noir et blanc avec des plans fixes très longs. L’idée, effectivement, c’est pas de faire un truc qui soit monté, avec pas beaucoup de changement de plans. C’est la régie qui fait ça en direct. Tu vois, comme on parle de choses avec un ton assez léger par moment, c’est pour contraster avec ce ton léger. Ca produit ce truc un peu étrange. C’est vrai que c’est bizarre, il y a plein de gens qui me disent que ça repousse, le noir et blanc, c’est triste, un peu austère. Après il faut savoir qu’il y a des gens qui lancent l’émission mais après ne la regardent pas, mais qui l’écoutent et qui font d’autres choses à coté. Tu regardes pas forcement ce qui ce passe. C’est un choix esthétique, c’est un clin d’œil à la télé pré-internet, la télé pré-années 80 même, l’ORTF comme tu dis, un coté très service public.

Comment expliques tu le manque de papiers sérieux en France sur la techno en tant que mouvement? On a des glossaires sur la French Touch d’un coté, et de l’autre des thèses universitaires sur la Techno et la drogue .

Il faut se rendre compte que c’est un peu normal que les pays qui ont inventé ces musiques soit un peu les premiers à pouvoir en faire la critique. Gérard Berréby des éditions Allia me disait que si pour le moment les trucs sur la musique qu’il publie sont quasiment tous des traductions c’est aussi parce que pour parler du Post Punk il va pas demander à un Français qui a vécu ça juste à travers la presse. Il va plutôt se pencher sur un mec qui, à seize ans, allait à des concerts à Londres et voyait ce qui se passait là bas. Effectivement il vaux mieux avoir une connaissance de première main. On ne pourra jamais dépasser la critique anglo-saxonne dans la mesure où elle est, dans le meilleur des cas, embarquée dans le truc.

Les mecs qui écoutent de l’Indie, dans le genre, c’est un peu fac de lettres. Alors que la Techno c’est plus école de commerce.

Après, sur la musique électronique, il y a eu une scène française et c’est vrai qu’il y a jamais eu de livres complets sur la French Touch. Il y en a, mais c’est des bouquins un peu courts, un peu génériques. Sur la musique électronique, il y a aussi un autre facteur, qui ne dépend pas du pays. Le public rock, et plus précisément indie rock, me semble assez amateur de bouquins, et aime lire des choses sur cette scène; mais sans forcement vouloir faire de déterminisme social, ce n’est pas le même public concernant la techno. Pour caricaturer, les mecs qui écoutent de l’Indie, c’est un peu fac de lettres. Alors que la Techno c’est plus école de commerce. La première fois que j’ai entendu parler des raves, c’était par des copains de ma grande sœur qui faisaient des écoles de commerce. A l’époque de la pub, durant la French Touch, il y avait souvent des morceaux de house, parfois même assez underground, qui accompagnaient les reportages sur M6. Et c’était le fait de mecs plus créatifs, moins bercés par la lecture. La Techno c’est une expérience qui peut être tellement intense à vivre que t’as pas forcement envie de mettre des mots dessus, c’est peut être ça aussi. Après ,personnellement, je sais que j’aimerais bien écrire un truc sur la Techno. Parler de l’expérience de cette musique et mettre des mots là dessus, oui. En France il y a quand même eu Didier Lestrade qui a fait des chroniques très précises et quelque chose de très généreux à Libération, et qui était un peu comme un ayatollah à l’époque. Le mec parlait vraiment de Todd Terry ou de MAW comme si c’était Johnny ou Calogero. Alors qu’en France, le nombre de gens qui pouvaient connaître Todd Terry en 89 c’était tout au plus une centaine de personnes.

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Un des rares exemples en France c’est le long chapitre dans le livre Nous sommes jeunes nous sommes fiers de Benoit Sabatier qui est très ancré dans une réalité Française. Il y a ce chapitre dingue où Sabatier demande à Christophe Monier des Micronauts de raconter la naissance de ce mouvement à Paris : les bombers siglés French Touch, les imports Fnac, les premières soirées, les premiers synthés, la découverte de l’acid house ..

J’ai pas lu le bouquin de Sabatier, mais sur la scène pré-French touch fin 80 début 90, c’est vrai qu’il n’y a pas énormément de traces. Il y a le fanzine Eden, le film qui va sortir de Mia Hansen Love qui parle de cette époque là (Eden avec Vincent Lacoste sort en France le 19 novembre, nda ). Et d’ailleurs c’est souvent un peu les mêmes gens, ceux qui ont connu cette scène là. C’est vrai qu’il y avait un coté DIY, même si c’est du DIY un peu cool en même temps. Du DIY futuriste, un peu punk, mais pas forcément alternatif. Un peu, comment dire, un genre d’élitisme mais sans personne pour s’en rendre compte, je sais pas trop comment dire ça (rires). Mais oui il y avait ça à l’époque, cette façon de faire de la musique un peu à l’arrache, comme les Anglais ou les Américains avec la jungle ou la techno.

Dans la musique française il y a eu beaucoup de rock progressif, des trucs psychédéliques, une scène Disco, Funk… mais j’ai l’impression que ça n’intéresse pas grand monde.

Ce sur quoi je voulais revenir, par rapport à la critique musicale, c’est que les Français, de la même manière que les Allemands, les Espagnols ou les Italiens n’ont pas une connaissance de première main de la musique Anglo Saxonne. En revanche on pourrait s’intéresser à la musique Française, que cela soit la musique classique depuis Debussy et après, avec tous ce qui c’est passé au vingtième siècle avec d’un coté le sérialisme et de l’autre la musique beaucoup plus accessible. Dans la pop française, par exemple il y a eu beaucoup de rock progressif, des trucs psychédéliques. Il y a aussi eu une scène Disco, Funk. Une scène mineure, mais j’ai l’impression que ça n’intéresse pas grand monde. En fait je trouve assez charmante cette musique de seconde main. Une imitation tellement passionnée qu’elle finit par avoir son identité propre. Et ça c’est un truc que les critiques abordent peu. Les éditions Le mot et le reste pourraient faire un livre sur la musique « secondaire », si je peux le dire ainsi. Récemment je me suis penché sur la discographie de Jay Alanski qui a fait des morceaux pour Lio, pour Marie France la chanteuse punk, et qui, après, en a fait pour Jil Caplan. Le mec dans les années 90 a fait un album pour le label F Com (le label dance de Laurent Garnier, nda) sous le nom de A Reminiscent Drive, un peu ambiant pop. Aujourd’hui le mec continue de faire des trucs sous ce nom là, il a aussi fait des trucs solo fin 70 début 80 où c’est plus disco-funk avec des trucs un peu « chanson francaise ». Alanski c’est un parcours hyper singulier. Alors je vais pas faire le « c’était mieux avant », mais ça serait super compliqué pour un jeune artiste, maintenant, de faire des trucs aussi libres, à la fois variétés ou bien funky branchés.  Il y a un truc assez charmant dans cette approche. Là récemment j’ai découvert un mec qui s’appelle Luc Marianni, qui était un journaliste musical mais qui a fait aussi de la musique et qui aujourd’hui serait prof de méditation et de relaxation en banlieue parisienne. Et il a fait de la musique avec des trucs qui ressemblaient à du Kraftwerk, un peu prog, d’autres trucs ou c’est de la musique New Age. C’est assez dingue comme parcours..

L’idée d’une critique musicale qui arrête de lorgner vers l’éternel modèle rock critique Anglo-Saxon, et qui se penche sur son patrimoine ?

Oui, c’est ce genre de démarche qui serait intéressante. Parce que souvent la musique Française, elle est considérée comme un peu touristique, dans le sens ou elle imite. Par exemple le groupe Téléphone c’est un peu les Stones mélangé avec un truc un peu New Wave et tout ça avec un son franchouille. Bon c’est pas très beau. Mais si tu regardes par exemple les albums de Veronique Sanson produits aux Etats-Unis, ils sont cools, enfin moi je trouve ça bien (rires). Même Balavoine ou les albums américains – début 80 – de Gainsbourg, sur lesquels beaucoup crachent, je trouve qu’ils ont un certain charme. La critique musicale Française devrait commencer à s’intéresser à ce qui c’est passé en France et pas juste parler de la nouvelle scène baby rocker ou de la nouvelle scène electro, même si c’est intéressant. On a vraiment de la matière, un réel patrimoine, qui vient d’une part de ce coté touristique, à savoir recréer une musique anglo-saxonne à partir d’un fantasme et en même temps on a une culture, par le biais des musiques de films ou on est hyper respecté, une culture de l’arrangement etc…C’est un peu mis de coté, on n’en entend pas trop parler dans les histoires de la musique française.

Oui, ou les mecs qu’on ressort du placard après des années comme Christophe vers 98, ou Jean Michel Jarre après sa période Cousteau…

Ouais, Tu vois un mec comme Yves Simon, bon c’est très caricatural, on dirait presque des parodies, genre le film Mes meilleurs copains ambiance gauchiste à la guitare. Mais en même temps c’est très sincère et hyper bien arrangé. La critique Française pourrait d’une part s’intéresser à plus de choses qui concernent la France, qui dépassent le cap du biographique, de l’historique ou des personnalités. C’est souvent toujours le truc rétrospectif : les années 60, le yéyé, Mai 68, un peu le punk et les jeunes gens modernes ces dernières années, mais c’est toujours axé sur l’angle Palace, les nanas sur-maquillées, Alain Pacadis etc, Bon tout ça je m’en fout pas, c’est important d’en parler, mais finalement la matière théorique derrière tout ça elle est hyper légère, c’est juste genre « Oui, la révolte, la drogue, etc ». J‘aimerais bien en savoir plus.

Et puis pareil, avec les années 90 : Daft Punk, Air, la French touch, voilà c’est tout. C’est comme si avec le cinéma, tu résumais la nouvelle vague à François Truffaut uniquement.

Arriver à creuser un peu plus les sujets, à aller plus loin?

Stracks_GarciaEn fait c’est le dilemme du journaliste musical. J’ai souvent rencontré des journalistes musicaux qui ont fait des études de journalisme et qui à la base sont donc surtout des journalistes qui ont une méthode journalistique. Alors c’est normal, quand t’es dans un magazine, de faire des interviews, s’intéresser à l’actualité, c’est quoi le plan promo de tel machin, etc… Mais c’est souvent une démarche dans le ton, dans le style d’écriture, l’approche. Par exemple, je regardais l’autre fois des encarts publicitaires pour l’album de Christine and the queens, et il y a plusieurs citations de presses sur l’affiche, c’est toutes du genre « elle domine le paysage musical français », mais je veux dire c’est pas une compétition, on s’en fout un peu que ça soit elle la plus forte, c’est pas du sport, c’est pas la ligue 1. C’est hyper bizarre d’aborder ça sous l’angle de la compétition, la hiérarchie. « Elle maitrise son sujet plus que jamais ». L’album je le trouve pas mal, c’est pas le problème, mais je trouve ça un peu étrange comme angle. A coté de ça on parle assez peu de l’effet de la musique. Et pour le coup, c’est un disque qui produit un effet un peu bizarre, qui touche un peu à la variété, avec des trucs à la Drake et des ambiances froides à la The Knife. Au contraire c’est ça qu’on essaie, à notre niveau, de décrire dans Musique Info Service et dans Audimat.

 

Comment c’est passée la création d’Audimat ?

J’ai rencontré Samuel Aubert des siestes électronique, à Radio Campus Paris,où il faisait une émission électronique. Il était un peu tout seul, il avait besoin d’aide, je me suis proposé et au final j’ai un peu hijacké son émission (rires). Guillaume Heuguet et moi, on avait l’idée d’une revue d’articles longs sur la musique. On l’avait proposé dans un premier temps à un éditeur qui s’était montré assez chaud au départ et puis il a fini par nous dire que c’était pas possible. Samuel nous a alors dit : « montrez moi ce que vous voulez faire, je vois si j’ai le budget ». Il a débloqué un peu de pognon et voilà.

Sur la traduction du livre de Simon Reynolds, j’avais des difficultés. Il écrit trois adjectifs de nuances de son qui, en Français, sont un seul et même mot. Des fois j’étais obligé de couper, je pouvais quand même pas inventer des mots !

Tu peux nous parler de ton rapport avec l’essayiste pop anglais, Simon Reynolds, que tu as traduit en France pour les éditions Allia et que tu fais intervenir sur Audimat ?

J’ai eu la chance de le rencontrer à Paris deux fois. Déjà il y a un truc assez frappant, c’est qu’il a dans les 55 ans et il a l’air d’en avoir 35. Avec un visage de poupon, très doux, très Anglais. Pour le coup c’est vraiment l’inverse du rock-critic à la Philippe Manoeuvre. C’est un mec qui pourrait être informaticien dans une boite dans la banlieue de Sheffield. Il n’est pas dépassionné, il met de lui même dans le truc, ça reste toujours une forme de réflexion intérieure qui fait sens. Je l’ai connu d’abord par son blog fin 90’s. Un blog à l’ancienne où il retranscrivait ses articles, où il faisait des classements de fin d’année, avec des très très longs billets d’humeur sur l’année qui venait de s’écouler. Je l’avais déjà lu il y a quelques années dans le Melody Maker, parce qu’il y parlait beaucoup d’electro. J’avais un peu retenu son nom sans aller plus loin. Et puis je me suis rendu compte qu’il avait déjà écris Energy Flash (non traduit en France, sorti en 1998, nda) et un autre bouquin sur le Shoegaze (Blissed out sorti en 1990,nda). Ca m’avait enthousiasmé le fait qu’il puisse parler à la fois de Hip Hop de la Nouvelle Orleans, de Aaliyah ou Timbaland – déjà en 97-98 quand même – et en même temps faire une analyse hyper pointue de ce qui se passait chez Warp Records, Plastikman ou de musique électronique expérimentale. Pour lui ça ne posait absolument aucun problème, de parler de musique hyper pop, on va dire non réflexive, et en même temps de parler de choses beaucoup plus savantes. Et toujours avec ce ton qui donne envie d’aller écouter, c’est ça son truc. Il a toujours son coté hyper enthousiaste quand il  parle de musique.

Comment ca se passe la traduction de bouquins musicaux ?

0¥ion���Ë�R��n���É ™RÀÕë���d�nC’est assez compliqué la traduction, t’es tenté d’adapter, mais tu peux pas trop t’éloigner, il faut garder une fidélité à la langue originale. Garder l’aspect groovy et cool de la langue pour pas trop que ça fasse artificiel en Français. Ca fait beaucoup de boulot. Maintenant, je fais plus trop de traductions de bouquins, je fais plutôt de la traduction de presse, c’est un de mes jobs alimentaires, pour des magazines comme GQ ou d’autres. La traduction des livres pose problème avec la langue parce qu’il faut savoir que la langue anglaise est plus riche en termes de vocabulaire des sons, du toucher et même de la vue. C’est un truc tout con, mais par exemple il existe un bouquin qui s’appelle Le Mot et L’idée que tous ceux qui ont étudié l’anglais à la fac connaissent. C’est un énorme glossaire de vocabulaire technique de tous les domaines, que cela soit la maçonnerie, etc. Et t’as une partie spéciale qui a été ajoutée dans les dernières éditions, qui est axée seulement sur le son et la lumière. Et tu te rends compte à quel point la langue anglaise est plus riche. Par exemple , « un tintement », et bien t’as genre cinq mots différent en anglais pour le dire. C’est dû à cette culture empiriste anglaise qui fait que c’est moins dans l’esprit et plus dans l’expérience. Je me souviens sur la traduction du livre de Reynolds, j’avais des difficultés. Par exemple : il écrit trois adjectifs de nuances de son qui, en Français, sont un seul et même mot Des fois j’étais obligé de couper, je pouvais quand même pas inventer des mots (rires). Et ce qui est paradoxal, c’est que le Français occupe plus d’espace, mettons un texte de quinze pages en Anglais, il va en faire dix huit en Francais. Il est moins compact. C’est ce que l’on appelle le coefficient de foisonnement…

Toi, qui écris depuis un moment sur l’internet, déjà à l’époque du site Wsound, maintenant pour Vice, c’est quoi ton rapport à toute cette haine déversée dans les commentaires. Tous ces truc de Haters sur le net?

(Rires) C’est marrant que tu sois arrivé à ressortir les trucs de Wsound. Là pour le coup c’était l’internet fantomatique, il y avait pas de réseaux sociaux, on pouvait même pas poster de commentaires. Je sais même pas si on arrivait à voir le nombre de visites sur le site, ah ah ! Le cynisme, qu’est ce que je peux en dire ? Je pense qu’internet est un bon espace pour la haine. En revanche les gens qui sont contents ou indifférents ne postent pas forcement, donc on a l’impression qu’il y a plus de gens qui détestent que de gens qui aiment. Mais c’est parce que les haters ont plus envie de se manifester. Ce que je trouve assez déprimant… Par exemple les trucs que j’ai fait pour Vice. Bon, entre parenthèse, Vice ils drainent vraiment un public qui est encore plus haters qu’eux, c’est impressionnant. Les gens sont vraiment agressifs. Là pour le truc que j’ai fait pour eux, il y a quelqu’un sur Twitter qui disait genre « c’est vraiment le pire programme que j’ai jamais vu arrêtez s’il vous plait ! ». Ca c’était pour le premier épisode. Et je me suis rendu compte que le même mec postait des commentaires haineux sur les épisodes suivants. Le mec dit « arrêtez «  mais il continue de regarder (rires).

Économiquement c’est un truc assez étrange, car il y a des sites, et Vice fonctionne un peu comme ça, qui sont obligés de faire des trucs provoc’ pour cliver le public, pour faire du clic. C’est un peu comme les traders qui spéculent à la baisse. Plus leurs articles sont polémiques et vont énerver les gens et plus ils vont faire de pubs. C’est une économie pas très vertueuse…

La revue Audimat traite de sujets divers mais toujours passionnants, comme par exemple le spleen de l’argent chez les rappeurs par un critique du magazine anglais The Wire, qui explique les limites de l’idéologie capitaliste dans le hip hop via l’étude des textes de Drake. Un superbe article traduit du New Yorker, dans lequel un journaliste a passé du temps en studio avec les marionnettistes de Rihanna, où on nage en plein Idoru de William Gibson avec la fabrication d’idoles synthétiques. Un texte passionné sur l’esthétique Mad Max/Need for Speed 90’s du crew Ruff Ryders. Des articles sur Slayer comme le groupe le plus séminal et Punk de 1988. De longs textes sur la house music. Le cirque EDM de Las Vegas,.etc..

BREF. Une revue de pop érudite, racée, dingue et Française, s’il vous plait.

Revue Audimat : http://revue-audimat.fr/
Musique Info Service : http://www.dailymotion.com/audimat

Illustrations : Gerard Love

8 commentaires

  1. De la critique fondée sur la chanson pop et française, n’est-ce pas un peu ce que « Serge » a tenté de faire ? Le magazine n’a pas vu l’hiver… La preuve que le problème ne vient peut-être pas uniquement de la presse, mais de nos oreilles. Arrêtons nous devant un kiosque, il n’y a jamais eu autant de titres de mag musicaux, de critiques à foison, sans compter blogs et consorts, généralistes ou thématiques. Où est le problème, je vous le demande ? Là-dessus, Menu a raison : l’expérience musicale est ailleurs. Moins en France.

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