A l’heure du Covid-19, il nous reste encore la musique, elle est partout pour le meilleur et aussi pour le pire mais dans tous les cas, elle reste encore passionnante. A l’image du nouvel album de Donny Benét, « Mr Experience ». 

Après de petits débuts lo-fi dans l’underground musical et pop art australien, Donny Benét a élargi son public à travers le monde grâce à ses nombreux concerts loin de son Australie natale et une série d’albums impeccables traitant de l’amour et tutti quanti sur des rythmes post funky discoïdes taillés sur mesure pour les romantiques du dancefloor.

Son nouvel album Mr. Experience, sorti le 22 mai, marque un nouveau chapitre dans sa carrière. En l’écoutant, on s’aperçoit vite que malgré le côté un peu bling bling et décalé du personnage au même titre qu’un Philippe Katherine ou Sébastien Tellier, la sincérité a toujours été un élément clé de son histoire artistique et musicale à l’instar d’un Bertrand Burgalat en France.

Beneath The Sheets | Donny BenetLe style du personnage, la musicalité et les textes de ses chansons peuvent paraitre assez kitsch; mais les émotions sont simples et authentiques. L’écoute de ce nouvel album peut sembler décrire un Donny Benét un peu plus mature, le personnage a évolué avec les années comme son public. Comme il le dira dans l’interview ci-dessous, il atteint la quarantaine, ses considérations musicales évoluent sans cesse même si la passion de la musique chez lui reste toujours intact et sincère.

Pour ce nouveau projet, Donny a imaginé une bande sonore pour un dîner avec sa bien-aimée que l’on découvrira dans l’un des très bons clips qui illustrent la sortie de l’album et qui se déroulerait à la fin des 80’s. Alors que ses premiers enregistrements s’inspiraient de la pop DIY d’un Ariel Pink, des synthés vintage et sonorités très 80’s d’un John Maus, Donny a su évoluer et canaliser ses inspirations évoquant le style du toujours classieux Bryan Ferry et les sonorités ambient d’un Hiroshi Yoshimura, comme impulsion pour son nouveau projet. Le clip un peu dark en noir et blanc de l’un des titres phares de l’album, « Girl Of My Dreams« , illustre bien cette ballade sirupeuse pour inciter les fans à se lover dans des draps en satin dans un motel perdu non loin de la death valley parce que parfois les rencontres impromptues avec des jeunes filles aux dents longues, ça peut valoir le coup.

Le précédent album du notre crooner Australien, Le Don (sold out partout) a été couronné d’un succès mérité tant critique que commercial (allez voir les clips de titres comme Konichiwa aux effluves de lotus Japonais ou Santorini avec son solo de saxo qui rappelle la beauté italo-disco des îles des Cyclades, dans la mer Égée) ce qui a permis à Donny de gagner en confiance pour aller encore plus sur les chemins de traverse qu’il s’était fixé. Donny Benét évoque cet album comme son disque le mieux produit et un heureux accident. On lui donne raison tellement cet album est comme une petite gourmandise au miel pour l’amateur de sucreries disco-pop des années 80 aux enivrantes effluves japonisantes ou d’italo disco

Mr. Expérience est quant à lui toujours aussi bien produit. Il cultive aussi le clinquant, mais le clinquant adroit. La richesse des synthétiseurs et les sonorités 80’s tant décriées par les ayatollah du bon gout offrent chez lui ce qu’elles ont de meilleur. Donny Benét étant avant tout un musicien chevronné, ça sent le live et la prise directe sans tripatouillages artificiels. Cette sincérité continuera de garantir aux fans ce qui fait à la fois le talent et le charme musical du Don.

Donny pour construire son album s’est surement encore inspiré d’Alan Vega, Giorgio Moroder, Nile Rodgers et même le Love Symbol et s’est constamment posé la question : « Est-ce que j’écouterais cette chanson sur l’album de quelqu’un d’autre ? Est-ce que j’aimerais l’interpréter cette chanson nuit après nuit ?« .

Les pures lignes de basses (instrument de prédilection du Don) sont bien présentes tout au long de cet album notamment sur des titres aux petits oignons comme « Moving Up », « Negroni Summer » (le solo de saxo dans ce titre, nous rappelle le bon coté de Steally Dan avec Aja et l’A.O.R Californien de la fin des 70’s) ou bien « One Night In Paradis » accompagné des traditionnels sons sensuels, suaves et synthétiques aux mains baladeuses.

L’album se termine par Waterfall, un instrumental aux sonorités robotiques comme le générique parfait d’un film que Donny Benét s’est joué peut-être seulement dans sa tête et où Bootsy Collins figurerait en bonne place au casting. Voici maintenant l’heure du making-off avec l’acteur principal.

Donny Benét – Mr Experience (): Dolle eighties disco – Dansende Beren

Salut Donny, comment vas-tu tout d’abord entre la fin de cette tournée nord-américaine et la préparation de la sortie de ce cinquième album ?

Je me sens bien! La tournée nord-américaine a été un véritable triomphe: presque tous les spectacles ont été donnés à guichets fermés et le public américain a été incroyablement accueillant et enthousiaste.  J’ai beaucoup de chance d’avoir un public aussi nombreux dans le monde entier et je me sens toujours le bienvenu et comme chez moi quand je joue de la musique en Amérique du Nord et en Europe.

L’écoute de ce nouvel album Mr. Experience montre qu’il est lui aussi centré sur l’amour et le romantisme à la manière du  »Don » et suit la progression d’une histoire de séduction. Crois-tu encore aux grandes histoires d’amour? 

J’essaie simplement de créer une musique que j’aimerais écouter en tant que musicien et en tant que fan. Pour pouvoir jouer ma musique nuit après nuit, elle doit m’enthousiasmer. Je ne voudrais jamais profiter du succès de quelqu’un d’autre et essayer de copier quelque chose qu’il fait et qui marche en ce moment… C’est un vrai jeu de dupes.

A notre époque où de nombreux artistes sacrifient leur talent sur l’autel de l’audience pour pouvoir vivre ce fameux quart d’heure de gloire cher à Andy Warhol, comment reste-t-on artistiquement pertinent et créatif dans le temps comme tu le fais?

C’est un album qui caractérise le fait de vieillir. Je vais vers mes 40 ans et je commence à me sentir à l’aise avec certains autres aspects de la vie que ceux qui t’intéressent quand tu es plus jeune. Beaucoup de thèmes dans The Don sont ceux de quelqu’un qui s’amuse et qui ne prend pas la vie trop au sérieux. Je suis toujours dans le même état d’esprit, mais j’ai encore quelques années devant moi et j’espère en apprendre un peu plus sur la vie.

« La basse est un instrument tellement génial, vous pouvez contrôler et influencer tant de choses simplement en changeant l’emplacement d’une note ».

Dans ton nouvel album, on retrouve des mélodies aux sonorités synthétiques un peu mélancoliques des années 80, des grooves qui apportent de la chaleur à l’équilibre parfait entre les différents instruments, des grands solos de saxo imparables comme dans la chanson Negroni Summer. Comment expliques-tu le retour de ces sonorités?

Personnellement, j’ai été limité de plusieurs façons avec cet album. En raison de mon programme de tournée très chargé, j’avais peu de temps pour m’asseoir dans mon studio et écrire. J’étais très occupé sur la route et même si je n’écrivais pas, j’écoutais beaucoup de musique variée. Une autre limitation importante était que l’un de mes principaux synthétiseurs, le Prophet 5, ne fonctionnait pas pendant la majeure partie de l’album et m’a obligé à utiliser d’autres claviers que je n’utilisais pas fréquemment d’habitude. J’ai fini par utiliser pas mal le Yamaha DX7 et l’Oberheim OB8. J’ai également mis une fois de plus l’accent sur la basse (qui est mon instrument principal) et je pense que c’est ce qui a influencé l’écriture et les mélodies des chansons. Une grande partie de la musique AOR dont vous parlez a été interprétée par les meilleurs musiciens de studio des années 70 et 80 et je voulais que les performances instrumentales soient concentrées et à l’économie sur l’album, qui rappelle ce type particulier de musique.

Que penses-tu de l’album RAM des Daft Punk en 2013 qui est un peu l’album ultime « Get back to the music » au groove funk disco Californien ? 

Pour être honnête, je ne suis pas un grand fan de RAM, pour moi, cela ressemble à un plaisir que se sont fait Daft Punk mais ça me semble un peu froid. Les musiciens de l’album sont fantastiques et Nile Rodgers est un  »enfoiré » absolu. Une bonne chose de l’album est qu’il a exposé un tout nouveau public à ces incroyables musiciens et leur a rendu un hommage qu’ils méritent amplement.

Rêverais-tu de produire un tel album au budget « no limits  » comme à la fin des 70’s avant la catastrophe « disco sucks ”? 

Bien sûr, ce serait formidable de passer ne serait-ce qu’un mois en studio. J’aime travailler seul et je demanderais probablement à mes amis musiciens de passer me voir pour réchauffer un peu l’atmosphère. Burke Reid, l’ingénieur du son avec lequel je travaille, est un producteur incroyable et il a une oreille si fine et un sens instinctif de la musique. Nous sommes tellement opposés et c’est pourquoi j’aime tant travailler avec lui… J’ai joué de la basse sur quelques albums qu’il a produit et j’ai eu vraiment du plaisir à le faire.

Toi qui pratiques la basse, quels sont les autres bassistes que tu respectes le plus pour leur apport à cet instrument qui a le don de faire tellement groover?

Bernard Edwards, Paul Jackson, Eberhard Weber, Steve Swallow, Pino Palladino, Carol Kaye et tous ces types qui jouaient de manière incomparable sur n’importe quoi dans les années 80. La basse est un instrument tellement génial, vous pouvez contrôler et influencer tant de choses simplement en changeant l’emplacement d’une note. Ce sont les musiciens les plus discrets.

« Pour l’instant je suis un adorable chauve en sursis ».

Le funk blanc à la David Bowie avec les hits Fame ou Let’s Dance, les Talking Heads de l’album Remain in light ou Speaking in tongues, ces hits ont fait danser des millions de gens dans les discothèques. Comment réussir encore aujourd’hui à ne pas faire du simple copier-coller du passé et faire de la musique avec finesse et ‘’éthique » ?

Tout le monde emprunte à tout le monde… Tant que vous ne plagiez pas directement, je pense que ça va. Faites juste la musique que vous aimez et vous serez heureux de jouer encore et encore !

Penses-tu faire évoluer ton personnage de don juan à la Miami Vice pour les prochains albums?

Je ne sais pas… en vieillissant, on verra où ça nous mène ! Pour l’instant je suis un adorable chauve en sursis. Bien que, vers mes 40 ans, j’ai regardé beaucoup de concerts de Robert Palmer du début des années 90 ou des émissions de télévision en Europe et j’essaye de suivre le même chemin.

Nieuwe single Donny Benét – “Second Dinner” – Dansende Beren

Le jazz pourrait-il être un chemin que tu voudrais explorer un peu plus dans tes futurs projets ?

Dans une vie antérieure, j’ai atteint le sommet de la montagne du Jazz. C’était vraiment bien de passer du temps éloigné de ce monde et de jouer devant un public de mon âge ! Je suis un grand fan d’ECM [un label allemand de jazz, de musique classique, de world music et de musique contemporaine, installé dans la banlieue de Munich, Ndr] et lors de ma dernière tournée américaine, mes playlists Spotify étaient strictement avec de la musique venant de ce label . Peut-être qu’un jour je déménagerai en Scandinavie et que je ferais de mon mieux pour imiter Eberhard Weber !

Es-tu curieux de ce qu’il se passe dans la musique en général (les nouvelles tendances, les grosses sorties de disques comme les derniers Tame Impala, Thundercat ou Weekend, le hip hop qui est partout parfois pour le meilleur mais souvent pour le pire en ce moment)?

Pas vraiment… Je suis mon propre chemin et je fixe mes propres règles. C’est génial de voir ces groupes ou ces musiciens partir du bas de l’échelle et arriver à atteindre un succès aussi incroyable, mais c’est ce qui semble fonctionner pour eux. D’un autre côté, Thundercat est un  »enfoiré’‘ et son jeu de basse est incroyable et il est très doué pour cet instrument. Pour le reste, je n’écoute rien venant d’Australie; je suis coincé dans les albums de jazz ECM de la fin des années 70 et du début des années 80.

Ton top 5 de tes albums préférés tous genres confondus ?

En ce moment, je dirais: Hiroshi Yoshimura avec l’album ‘Soundscape’, Later that Evening d’Eberhard Weber, Todd Todd Rungren avec Healing, Robert Palmer avec ‘Cles’ et enfin ‘The Nightfly’ de Donald Fagen.

Pour terminer cette interview : quel est ton but ultime en tant que Don Donny Benet ?

Pouvoir écrire/enregistrer/diffuser de la musique et faire des tournées et gagner suffisamment d’argent pour pouvoir poursuivre ma carrière jusqu’à la fin de mes jours. Être musicien me rend très heureux et je suis très heureux et reconnaissant de ces dernières années. J’aimerais crier au monde entier un grand merci pour m’avoir aidé à faire cela !

Donny Benét // Mr. Experience // Dot Dash Recording/ Remote Control Records
https://donnybenet.bandcamp.com/

11 commentaires

  1. Merci Managueure pour cette belle interview qui nous apprend beaucoup sur ce talentueux et chaleureux artiste et qui donne envie d’en découvrir davantage tant sur le plan musical que personnel. Bonne continuation !

  2. Super article et entretien. Extrêmement intéressant. Je connaissais mal cet artiste et cet entrevue m’a beaucoup instruit.
    En attendant votre prochain article.

  3. Qui est ce MANAGUEURE qui interview , il pose les questions que l’ on a envie de poser. Chapeau ! Quant a l ‘Artiste que je connaissais seulement de nom , il dechire trop. Je l ‘ ecoute sur le net maintenant. Trop fort avec sa gueule en plus.

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