Dragon Ball, ce serait un concentré de testostérone et de pectoraux, directement injecté dans la rétine de pauvres gamins épileptiques qui se flinguent les yeux sur l’écran cathodique ou les pages de leurs mangas. Enfin ça, c’est ce qu’on a voulu nous faire croire. Malgré les années qui passent, Dragon Ball resteun véritable phénomène culturel couplé à une œuvre classique inspirante pour de nombreux créateurs contemporains. Comme apparemment on nous aurait menti, 30 ans après la première diffusion française, on sort notre radar à mytho et on enquête.

Pour comprendre son succès, il faut partir du fait que Dragon Ball est un shōnen, c’est-à-dire une histoire populaire, essentiellement axée sur les jeunes lecteurs. Depuis les premières pages dans le Weekly Shōnen Jump en 1984, plusieurs générations se sont précipités pour acheter ces dessins arrondis et mignons mêlant scènes d’action et humour selon un schéma simple : mettre des mandales pour sauver le monde. L’ensemble de l’œuvre sort de l’esprit tortueux d’Akira Toriyama, un type qui a connu le succès grâce à Dr. Slump : une petite fille robot scatophile. Avec Dragon Ball, le mangaka est devenu le patron d’une des plus grosses machines à fric de l’industrie culturelle mondiale : un long-seller vendu par centaines de millions, trois séries animées (maintenant quatre), des longs-métrages, des figurines et plus de quatre-vingt jeux-vidéo.

Son Goku, Berlusconi et compagnie

En France, le succès de Dragon Ball est souvent rattaché au Club Dorothée. Pourtant l’émission ne fait que profiter du mouvement de « Japanimation » initié dans les années 80 par nul autre que… Silvio Berlusconi. A l’époque, l’ancien patron de La Cinq bombarde sa chaîne d’animes, achetés pour le prix d’un gressin, et qui rencontrent un succès de plus en plus important. En 1988 Le Club Do’ et Son Goku viennent éclater la concurrence avec 60% de part de marché. Berlusconi est K.O et ses animes se font racheter pour passer sur Dorothée Matin. Goku 1 – Politiques 0.

Diffusé pour la première fois en France le 2 mars 88, Dragon Ball rencontre un succès direct. Impossible de lutter face au mulet de Bernard Minet et la petite robe jaune d’Ariane qui reprendront ensemble les génériques de lancement. Logique qu’après 30 ans les paroles résonnent encore dans la tête des gens. « Dragon Ball, la quête finale des sept boules de cristal… »

Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé. Dans son brulot Le ras-le-bol des bébés zappeurs, publié en 1989, Ségolène Royal se plaint de la violence du manga qui va à l’encontre de l’esprit de tous les dessins-animés français. Des déclarations naïves, mais très mal vues par les éditeurs japonais qui redouteront même, 20 ans plus tard, que Ségolène ne stoppe l’expansion des mangas en accédant à la présidence de la république…. Si on se retient doucement de rire, cette prise de position place en tout cas Dragon Ball comme un objet de contre-culture, un peu rebelle, et bien implanté sur le territoire français. Son Goku 2 – Politiques 0.

Une machine à fric intemporelle

Sans virer au complotisme, dans Dragon Ball tout est calculé pour plaire un maximum aux enfants. A commencer par le générique intemporel. A 10 ans on bombe le torse et on fait tomber son bol de Kix en se levant du canapé pour le chanter, à 40 on le fait avec nostalgie et par ce qu’on connaît encore les paroles par cœur.

C’est aussi un cocktail bien tassé de tout ce qui est susceptible de faire rêver et exciter les gamins. Des bromances à la vie à la mort, des rayons lasers, des poses reproduites dans la cour de récré et des bastons plus longues qu’un marathon : 4h13 pour le combat Goku vs Freezer, c’est quand même long. Mais là où le manga tire réellement son épingle du jeu c’est dans la richesse de l’univers qu’il présente, avec des personnages charismatiques auxquels il est facile de s’identifier. Quand ils ne font pas un Kaméhaméha devant le miroir, les enfants refont les scènes du film avec leurs jouets, dorment sous le poster de Shenron, demandent à leurs parents le t-shirt Vegeta du mec le plus stylé de la classe de CM2, ou bavent devant des figurines hors de prix qu’ils ne peuvent pas encore s’acheter avec leur argent de poche. Leur entourage regorge de références avec lesquelles ils grandissent et qui donnent envie de les collectionner.

Quelque soit l’âge, tout le monde peut s’y retrouver, ce qu’ont bien compris les chaînes de télévision avec leurs rediffusions ininterrompues. L’anime a même ce petit côté pervers suffisamment prononcé pour demander aux parents d’enregistrer l’épisode sur le magnétoscope histoire de revoir la petite culotte de Bulma l’air de rien. Pour certains, ce sont les premiers émois qui se développent avec le boum des hormones à l’adolescence, et qui perdurent avec le temps. Un constat facile à dresser quand on voit les millions de vues générées par Dragon Ball sur les sites interdits aux moins de 18 ans. Le shōnen devient hentai sous l’imagination des fans les plus pervers et doués en dessin. A partir du moment où une œuvre intègre le monde de l’appropriation sexuelle, on peut très facilement parler d’influence culturelle. Et c’est tout aussi logiquement que Dragon Ball deviendra l’anime de toute une génération, qui le considère comme un classique, une œuvre incontournable, un doux souvenir de l’enfance, comme la tranche de Savane et la tasse de Benco sur le carrelage froid, le pyjama en pilou-pilou encore à moitié coincé dans les fesses, ou les combats imaginaires dans la cour de récré.

Les produits dérivés, ou la vie éternelle

En 2018 et depuis de nombreuses années, l’un des moyens privilégié pour retrouver l’esprit Dragon Ball reste de glisser une galette dans la console et d’attraper sa manette. Après Dragon Ball Z : Budokai Tenkaichi 3, on ne compte plus le nombre de moutures souvent considérées comme décevantes. Des jeux vidéo très attendus qui montrent l’attrait qui existe encore autour de la licence et s’intensifie à la veille de chaque sortie comme pour Dragon Ball FighterZ. 

Depuis trois ans les fans ont également une bonne excuse pour enfiler leur crop-top Vegeta qui les suit depuis le CM2 en se vautrant devant la télé : l’arrivée de Dragon Ball Super. Un univers remasterisé et de nouvelles transformations, il n’en fallait pas plus pour raviver l’esprit Dragon Ball que l’on retrouve partout. En 2018 et surtout grâce à Internet, le fan inconditionnel peut se venger en achetant compulsivement tous les goodies qu’il ne pouvait pas s’offrir avec son argent de poche. Des figurines de collection à 800€ pour trôner fièrement sur la table basse en Inox du salon, des répliques officielles des boules de cristal, ou même des sneakers (pas toujours de bons goûts) directement  inspirées de l’univers du manga. L’anime est devenu un véritable objet de merchandising, avec lequel collaborent les plus grandes marques et créateurs contemporains pour leurs projets. Une omniprésence basée sur l’esprit nostalgique et qui donne naissance à des objets de collection exclusifs, par conséquent très demandés. Ce qui laisse penser que tant qu’il restera des personnes sur Terre pour faire des vidéos « Unboxing Dragon Ball » sur Youtube, le manga aura de longs jours devant lui.

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