« Je suis pas super fan de Gonzaï, me dit un ami. Ce style du genre '20 h, je suis devant un bar. Je m'allume une clope'... » Certes. Mais comment décrire la musique de Dead Can Dance autrement qu'en évoquant la grande demeure humide et froide de mes cousins normands ? Je lisais un Corto Maltese à la lueur des derniers rayons du crépuscule lorsque j'entendis pour la première fois les synthétiseurs sinistres de "décédé"...

C’était le début des années 90, on achetait encore des disques et l’acronyme de Dead Can Dance se lisait « décédé » : c’était tellement drôle. Nos vastes provinces étaient sinistrées par leur musique gothique, dont, j’imagine, il ne doit rester aujourd’hui que quelques CD poussiéreux aux boîtiers fendillés dans les recoins de bibliothèques des maisons de campagne. Heureusement, durant les deux décennies suivantes jamais plus je n’entendis parler de ce groupe ni de leur musique ; le revival new wave étant jusque-là passé à côté d’albums tel que « Spleen and Ideal » ou « Within the Realm of a Dying Sun ». Joy Division okay, Cure aussi. Mais personne n’avait jusque-là pensé à exhumer Dead Can Dance. Exhumer : drôle, n’est-ce pas ? Le goth est une espèce en voie de disparition, un peu comme le loup. De là à le réintroduire…

Quelle ne fut pas ma surprise d’entendre la Toile vibrer de bruissements de vieux futals en cuir exhalant la poussière : il y aurait-il du raffut dans la bat-cave ? Quoi, ce groupe qui aurait dû être définitivement enterré avec Jean-Michel Jarre et tous les chevaliers de l’ordre du synthétiseur symphonique referait parler de lui, seize ans après son sabordage ? Sinistre réalité. Et ce qui n’était déjà pas très frais à l’époque a carrément un teint verdâtre aujourd’hui.

L’album s’ouvre avec Children of the sun et la voix de Brendan Perry — il vivrait en France, et certains l’auraient vu traîner en short rue des Pyrénées ce mois d’août à Paris. J’ai pas vérifié mes sources pour cette info, mais Dead Can Dance en short faut dire que ça peut faire son petit effet. Children of the sun, donc : pas de quoi réveiller un mort, et en postprandial la chanson pourrait même s’avérer fatale. Les accords symphoniques s’écoulent comme une cascade sur le tableau animé d’un restaurant chinois après quelques sakés ; c’est-à-dire lentement, voire même à rebours. Les violons sonnent comme la musique du générique final d’un James Bond tandis qu’un clavecin est chargé de dynamiser l’ensemble. Inutile d’enfiler ses chaussures de danse avant d’écouter cet album, vous profiterez plus aimablement d’un bon rocking-chair. En exclusivité pour Gonzaï, je peux vous dire que Dead Can Dance n’a toujours pas opéré de révolution rocksteady.

Ce n’est pourtant pas faute de s’être ouvert depuis longtemps aux musiques du monde. Le deuxième titre, Anabasis, enfile des motifs orientalisants rapidement dilués dans le chant typique de Lisa Gerrard, que certains qualifient de beau. L’esthétique étant un domaine que je ne maîtrise pas, je m’abstiendrai de juger. Agape, titre presque pêchu en comparaison du reste, poursuit dans la même veine, puis nous retrouvons Brendan Perry pour Amnesia, avec sa batterie dub et ses arabesques de piano. J’imagine que le réglage de sa reverb doit s’appeler « tombeau » ou « cave ». Un dernier détour par des sonorités irlandaises — Return of the She-King — et une ballade minimaliste plutôt réussie pour qui aime les longues improvisations au Bontempi avec All in good time, et c’en est fini de l’album.

Répondre à la question de savoir si cet opus un bon Dead Can Dance revient à tenter de définir quel vin accompagne parfaitement un bon gigot d’agneau sauce menthe. Ou une tentative de suicide au Valium. Dead Can Dance est formidable en fin de soirée pour chasser les derniers ivrognes qui traînent devant votre Xbox Kinect 360 en tentant d’écraser les lapins crétins en beuglant des insanités à caractère sexuel. En revanche, Dead Can Dance est formellement contre-indiqué en voiture, où il aura tôt fait de vous envoyer dans le fossé, vous et votre famille. Pour une sieste, DCD ne vous opposera aucune surprise : leur exploration des musiques du monde s’étant fort heureusement arrêtée avant le ska ou le kuduro, vous pouvez dormir tranquille. Par contre, cet « Anastasis » ne sera que diversement apprécié pendant un enterrement, d’autant que ça manquera d’originalité. Préférez plutôt One Step Beyond, en ayant pris soin d’apprendre à vos invités le célèbre pas de danse Madness. Et puis c’est beaucoup plus drôle et pertinent : la mort n’est elle pas juste « un pas au-delà » ?

Même si « Anastasis » signifie en grec « résurrection », n’attendez rien de primesautier du côté de chez DCD. Je m’en voudrais d’avoir fait découvrir cette musique à un jeune. Ami jeune, va de l’avant, ne te retourne pas, Dead Can Dance fut la peste des années 80, elle en faucha nombre dans la force de l’âge. Certains en portent encore les stigmates. Un jean noir, une simple souris empaillée posée sur un guéridon en marbre, peuvent dire beaucoup de choses. 11 h 43. Gare de Lyon, 43° à l’ombre. TGV pour Sainte-Maxime. Je rejoins un pote d’un pote. Jean noir, tee-shirt noir. « T’es un corbac ou quoi ? ». Il relève ses lunettes noires. « Pour toujours, mec. » Claquement de tongues. Noires.

Dead Can Dance // « Anastasis » // PIAS
http://deadcandance.com 

26 commentaires

  1. J’aime bien ce groupe (découvert ado avec max de fun, j’en suis fier!) et j’aime pourtant ta critique gratos, mais attention aux réactions des fans plus intransigeants et sans trop d’humour… On touche pas à une légende comme cela!

  2. Kikoo

    bon j’ai pas tout lu, trop long, rien à foutre de ce groupe et la meuf n’est même pas bonne, mais putain entre ça et Jay Mascis, on se croirait au musée du Louvre ici.

    Lol

    xoxo

    Guitou

  3. Salut Guitou,

    Je suis attentivement tes commentaires depuis quelques temps déjà et je les trouve super ! (pour la plupart).
    Mais je trouve que ça aurait été plus drôle d’évoquer le musée grévin, pour le côté momie morbide.

  4. Salut la jeunesse,
    Le seul caractère « gothique » de DCD est l’appréciation éronée des journaleux qui croient s’y connaitre. DCD c’est sûr, c’est pas branché à l’époque des pétasses siliconées aphones. Je qualifierai plutôt cette légende de mystico-lugubre. Pas de vernis a ongles noir, pas de boots avec semelles de 30cm, pas de chauve souris en plastique non plus.
    Une certaine mélancolie exprimée dans une composition parfaite avec un talent indéniable.
    Na !

  5. Salut !
    Je suis un fan intransigeant et sans humour 😉 Quand j’ai acheté l’album, je partais sur la route pour une fête de famille. Je suis arrivé stone ! Donc tu as raison. Je te rejoins aussi sur le manque d’originalité et une sonorité « bontempi ».
    Mais pour les avoir vu en concert, Lisa Gerrard (Bouchard ?), aussi mauvais soit-elle selon toi, m’a tiré les larmes juste comme ça, a capella. Et parce que c’était beau (je vous vois venir). On ne peut pas nier leur immense talent et leur originalité… dans la passé !
    Ami jeune, tourne toi vers les anciens albums, et reste en paix 😉

  6. Cher Alain,
    Ouf ! je pensais être un martien. Il est clair que Gonzai, malgré sa volonté affichée d’éclectisme culturel serait en réalité tout aussi fade que toutes ces feuilles de choux de journaleux chébrans. Car la richesse et l’originalité de DCD est précisément dans le détail et la subtilité….
    Gonzai… réveille toi !

  7. Je crois que le plus triste dans l’affaire c’est que j’ai réveillé les derniers fans encore vivants de ces braves DCD, mais en même temps cette tristesse cadre bien avec l’ambiance du disque donc je suis assez content.
    Ca a toujours été plus ou moins le pb avec DCD, j’ai tjrs bien aimé leurs disque y compris celui là même si je taquine un peu, ce qui a tjrs posé problèmes c’est donc : les fans, on se croirait dans le virage d’Auteuil.

  8. S.B t’es sérieux ?
    Tu as le droit de détester DCD, perso je m’en tape. Pourquoi fais tu passer les fans pour des cons dépassés ? Serait ce l’expression de ton ouverture d’esprit ?
    On dirait que tu crains la contradiction. Si tu taquines (au vitriol quand même), accepte le retour. Disons, sauf ton respect, que ta critique ne respire pas le grand journalisme musical et souffre d’arguments techniques et artistiques. J’écoute aussi Mozart, Malmsteen et Pixies, mais tout ça bien sûr, c »est de la m…..
    Bon vent l’ami

  9. Je cite SB: »j’ai tjrs bien aimé leurs disque y compris celui là… » ….lol t’en es sûr ?? As-tu au moins relu ton article ??! C’est toi le crackhead SB…

  10. Attention comme le dit un des commentaires précédent pas touche, lorsque l’on écoute ce groupe il faut évidemment faire attention à ne pas basculer du côté obscur, personnellement si je suis encore en vie c’est un peu grâce à eux n’en déplaise à certains,ce groupe m’a apporté la paix de l’esprit, ne disait-on pas que Lisa incarnait la voix des dieux.En
    ce qui concerne Anastasia je vais m’empresser de le découvrir.

  11. DCD gothique ? Le mouvement gothique en passe de disparaître ?

    L’auteur de cette chronique devrait étudier le phénomène gothique avant d’écrire de pareilles inepsies

  12. On t’as obligé à parler d’eux ou quoi? pourquoi critiquer un groupe que tu n’aime manifestement pas? Et en plus avec une video!!! Ils jouent à guichet fermé EN EUROPE. Et parler de l’esthétique défini ton oreille musicale face à la technique vocale et instrumentale

  13. Tout ca est une histoire de gouts musicaux…
    Perso j’adore DCD et ce depuis bien longtemps, quant aux voix de Lisa Gerrard et Brandon Perry on est bien loin de Madness…

  14. je suis fan intégral de DCD;; mais pas que.
    happy mondays, orbital, telepathe, sepultura, Underworld etc, etc.
    toutes ces musiques ont un point commun, c’est qu’elles sont toutes inspirées et créatives, et non pas déprimantes.
    Rien à voir avec les merdes commerciales du top 50 que l’on entend dans tous les carrefours.
    Donc ami jeune si tu veux rester dans ton destin de mouton nourri à l’avoine de cathy perry, effectivement, passes ton chemin, les vieux anciens ne t’acceptent pas dans leur clan.

  15. quand on ne connait pas quelque chose, on essaye de le faire. DCD c’est avant tout 1985 et ensuite tout s’enchaine jusqu’à into the labyrinth, après il y a répétition, mais entre temps le vieux humide et salpétré est invité par Hector Zazou parce qu’il trouve qu’au niveau de la rythmique il y a quelque chose, évidemment quand on ne connait pas la musique du XII siècle, le travail hespérion XX puis XXI, celui du Clemencic Consort voire même de Sinfonie, il est probable que l’on passe complètement hors du maillage du groupe, sans parler de la période This mortal Coil avec Elizabeth Fraser.
    Goût musicaux certes mais sans ingrédients cela fait un peu juste. Cela ne m’empêche pas d’apprécier Zappa, Cure, Eyeless in Gaza Minimal compact ou Tuxedomoon pour l’époque maintenant des groupes comme the Gathering, Austra, ou Fever Ray et même Sigur Ros sont issu de cette démarche « les pas tatapoum » peuvent quand même faire de la « musique populaire ».

  16. Bof, pas fan de ce genre d’article, faussement humoristique, pleinement narcissique, qui n’a finalement pour objectif que de faire exister son auteur.

  17. Article totalement honteux et d’une nullité extrême. Visiblement, cette personne ne connaît rien et ça se voit. Dead can dance est un groupe fabuleux sur vinyle ou en concert. C’est une référence absolue pour beaucoup de gens, des gens qui s’intéressent à ces musiques qui vont de Trisomie 21 à Martin Dupont, ou encore de Cindytalk à Xymox …ce qui n’est pas du tout ton cas et je t’en plains énormément. La prochaine fois, TAIS TOI STP !

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