© Chloé Nicosia

Jeudi 11 avril, on avait rendez-vous au Bus Palladium pour prendre part à la représentation unique du spectacle immersif Heroes ; une idée originale de Dot Pierson pour ressusciter, via des acteurs, nos “idoles” des sixties. Bowie, Mercury, Ginsberg, Bukowski, Joplin, Basquiat, ils étaient tous là l’espace d’une soirée. Après tout, pourquoi pas ? Ne nous demandez pas comment on s’est retrouvé là, on y était, on vous raconte.

Lorsqu’on a entendu le pitch de cette soirée, notre premier réflexe, sur le coup bien plus fort que notre curiosité journalistique, a été de se dire : « putain, encore un événement réservé cette ribambelle de passéistes, partisans du “c’était mieux avant”». Mais que nenni ! À peine le temps de terminer ce jugement de valeur, notre sérieux professionnel a repris le dessus et on s’est retrouvé devant le Bus Palladium avec une longue file de spectateurs, à notre étonnement, hétérogène. Nos effets personnels gracieusement déposés au vestiaire, on découvre la salle principale du bien choisit Bus Palladium, en bas, dans laquelle quelques acteurs/trices grimé/ées en zombies errent sans but, sans rien dire, et par moment en nous fixant. « Vous allez passer toute la soirée comme ça, sans parler ? » Pas de réponse, bonne réponse.

© Chloé Nicosia

Il est approximativement 20h30 quand nous commandons un premier double whisky sec, pile le moment ou Tom Jones (classe comme toujours… ou jamais ?), apparaît sur la scène, pour expliquer le concept de cette soirée. Nous le résumerons ainsi : « Qui sont nos héros ? Ils sont morts. Ce soir nous allons les ressusciter. Alors, chauffez-vous, et soyez prêt». Quelques applaudissements suivent, et surtout, résonne une première reprise, celle du splendide Hallelujah de Cohen. Notre crainte ultime de voir cette soirée déraper en une sorte de tribute aux chansons cultes de ses feus artistes s’invite à la danse. Argh… des claquements de mains en rythme sur We Will Rock You se déclenchent. Arrive faux Freddie Mercury qui s’égosille gaiement. Ce whisky cheap n’a jamais paru aussi bon… Le petit numéro s’arrête, et nous retrouvons ce bon vieux Tom Jones qui nous indique cette fois que le préambule du show est terminé. Il nous invite à faire de l’espace du Bus Palladium notre terrain de jeu. Soulagé, notre soirée peut finalement débuter. 

© Chloé Nicosia

Une partie d’échecs avec Ginsberg et Bukowski, Warhol en mode connard

Alors que la foule se disperse, et que nous restons observateur, à boire notre tord-boyaux, l’une des figurantes nous explique « qu’il faut aller échanger avec les acteurs pour faire vivre le spectacle». Elle nous attrape par la main, enthousiaste à l’idée de nous faire rencontrer Messieurs Bukowski et Ginsberg, tranquillement en train de jouer aux échecs — on apprendra plus tard, cerné par des volutes de cigarettes, que le premier est en fait journaliste chez des confrères ; passion quand tu nous tiens. Pendant que les deux acteurs récitent leur texte et s’adaptent aux invectives que nous leur envoyons, difficile de ne pas lâcher des « Bukowski, ta gueule ! », nous explorons les possibles que ce spectacle pourra nous offrir. Ginsberg, lui, débite un poème (apparemment Note à Hurler), ce qui a le don de nous faire aller voir ailleurs ; direction le premier étage, après avoir aperçu John Lennon et son pote, posés au calme sur un lit 

L’image contient peut-être : texteÀ l’étage, le verre vide, nous nous faufilons entre des jolies actrices aux tenues saillantes et un homme-chien, ardemment tenu en laisse, pour arriver

© Chloé Nicosia

au bar. En attendant notre commande, une dame âgée, confortablement assise, nous demande : « ce ne serait pas Warhol et Basquiat là bas ? ». Bien vu, nous fonçons les alpaguer. D’abord Andy ; assit en évidence sur une table, petite caméra en main. Notre esprit taquin ressurgit à son contact. Il nous ignore sèchement, en prenant le soin de laisser transpirer une condescendance certaine. Sa réaction ne sera pas impunie, car, ironie du sort, les prochaines minutes lui rappelleront un moment douloureux de sa vie. C’est ce que nous comprenons quand nous apercevons Valerie Solanas — féministe radicale, et accessoirement à l’origine d’une tentative d’assassinat sur Warhol en 68 — tapie dans le coin de la pièce. Avant que l’histoire ne se répète, Valerie nous préviendra gentiment de nous cacher les oreilles, lorsqu’elle utilisera ce pistolet factice. On vous laisse imaginer la suite.

© Chloé Nicosia

Fin du game

En allant traîner avec Jean-Michel, ce bon vieux Freddie Mercury, à la croisée des genres, nous interpelle pour philosopher : « hey darling, écris-moi sur ce bout de paper cinq choses que tu voudrais faire before you die please, and don’t forget ton email adress ». Demandé comme ça, nous nous exécutons. Sitôt rendu, le moustachu se tire aussi vite qu’il est mort, dès lors qu’il a annoncé être porteur du VIH.
Devant nous, Basquiat répète en boucle un monologue sur les galeries new-yorkaises. Nous commençons simplement par nous asseoir à côté de cette petite scène, histoire d’observer, et pourquoi brouiller un peu son texte. Lors d’un moment de silence, nous attirons son attention sur le tatouage d’un spectateur — un portrait fidèle de sa représentation du boxeur Sugar Ray Robinson —, tout en l’invitant à aller faire un tour du côté de la Fondation Louis Vuitton. L’acteur saisit, sort un brin de son jeu pour rentrer dans le notre, et laisse s’échapper un rire communicatif : « ah ! C’était pas prévu dans le spectacle ça».

© Chloé Nicosia

Il est presque 23h quand la même Valerie Solanas et ses acolytes décident de lancer une manifestation sauvage. Les autres acteurs stoppent leur scène, et le public, surpris, est invité à rejoindre le rez-de-chaussée. De retour là ou tout à commencé, le spectre des reprises que l’on pensait dissipé à jamais, pointe à nouveau le bout de son nez. Les spectateurs l’accueillent chaleureusement, avec enthousiasme même. Nous, on s’en dispensera, pour définitivement s’échapper du Bus Palladium, accompagné par la sensation tenace d’avoir passé une bonne soirée, aussi, ressentant une certaine envie de louer l’audace (et le travail) de la mise en scène.

Heroes – Le spectacle immersif au Bus Palladium // Mise en scène : Dot Pierson et Jules Guillemet
Pour en savoir plus, c’est par là. 

2 commentaires

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