J’ai maté la série-documentaire Netflix de Charli XCX. Charli, c’est est une chanteuse et self-made businesswoman britannique qui prône l’empowerment féminin. Vous avez peut-être pu la voir aux côtés de Christine & the Queens, ligotée sur une grosse voiture en se tortillant comme s’il n’y avait pas de lendemain (ou comme si une pause pipi s’imposait pressement). Le raffinement à l’américaine quoi. Le pitch de la série : Charli décide de créer et de produire un groupe 100% féminin comme elle aurait rêvé qu’il en existe quand elle avait quatorze ans.

Et pour ça, comment s’y prend-elle ? Charli choisit quatre filles, deux Anglaises et deux Américaines, qu’elle enferme dans une maison de Los Angeles pour les filmer avec l’excuse d’un pseudo ‘documentaire’ s’apparentant davantage à de la mauvaise télé-réalité (pléonasme) à but promotionnel. Les filles sont bien évidemment choisies de manière hyper objective, avec une stratégie bien réfléchie, sans faille, digne d’une thèse scientifique : « Gabbi n’a jamais chanté de sa vie, mais elle est mannequin et elle est ‘f-ing cool’ ». « Georgia vient d’apprendre la basse, mais elle a des compétences incroyables, elle est capable de tout faire » nous dit Charli en parlant de sa meilleure copine d’enfance qui a été chronologiquement décoratrice de film, pilote d’avion ou encore taxidermiste. La moitié du groupe n’a donc jamais fait de musique ni ne semble posséder un réel goût pour la forme artistique, présentée un peu ici comme une énième lubie ou un nouveau hobby. Après pourquoi pas…

Bien évidemment, nous ne sommes pas là pour dire qui est légitime ou qui ne l’est pas (*tousse bruyamment*), surtout qu’il n’y a bien évidemment pas de bonne réponse à cette question. Mais j’en connais beaucoup à qui ça ferait grincer les dents, notamment des musicien.ne.s passionné.e.s qui tueraient pour la visibilité qu’on promet à ce nouveau groupe (groupe présenté humblement comme le « meilleur groupe de 2019 » avant même d’avoir pris leurs instruments en mains).

Heureusement, l’autre moitié du band est composée de deux « vraies » musiciennes : une batteuse professionnelle qui a tourné avec Charli et une guitariste frontwoman d’un autre groupe californien. L’honneur est sauf. (L’est-il vraiment ?)

N’oublions pas (gros leitmotiv dans la scénarisation dramatique de l’aventure) que les deux Anglaises du groupe ont « tout abandonné » et fait « d’énormes sacrifices » pour ce projet, comme celui de déménager de Londres à L.A. pour être complètement entretenues dans une super baraque où leur copine Charli aidée de sa renommée internationale les finance, les produit et leur mâche quasiment tout le travail. Oulala. Tension. Drame. Frustration. MAIS QUE VA-T-IL SE PASSER ? Où va les mener cette réelle épée de Damoclès en carton, ce couteau à bout rond, cette feuille de papier si aiguisée que parfois elle te coupe le doigt ?

Pourquoi la série illustre-t-elle parfaitement tout ce qui va de travers dans l’industrie musicale ?

Tout simplement parce qu’elle est la représentation même de la ‘fabrique à idoles’ qui pollue la société. Le groupe est ‘reconnu’ et idolâtré avant même d’avoir crée quoi que ce soit. Tapis rouge, compte Instagram aux centaines de milliers de followers, launching-party avec toute la jet-set avant même d’avoir composé la moindre chanson. L’image passe avant la musique. Le style avant le contenu. Le réseau avant tout. C’est pas ce que tu fais, c’est qui tu connais. Dois-je aller plus loin ?

Résultat de recherche d'images pour ""I’m with the band : Nasty Cherry""Pourquoi j’ai eu un peu mal à mon féminisme ?

Loin de moi l’envie de cracher sur des fellow women qui ont voulu lutter contre la sous-représentation féminine dans le milieu musical et qui ont voulu démontrer encore une fois l’égalité des compétences chez les deux sexes. Pourtant, selon moi, le principe même de Nasty Cherry : I’m with the band va complètement à l’encontre de sa visée féministe initiale, faisant co-exister des idées très nobles au milieu d’un gros lot de conneries. La série est un lave-linge où l’on fait tourner du blanc avec du rouge et où il sort du tambour des énièmes faux-arguments, tout roses et tout amalgamés, pour le plus grand plaisir des gens qui soutiennent encore que « les nanas ne savent pas faire de la musique ». Attention, tu jettes le bébé avec l’eau du bain, Martin ! Et je ne te demanderais de pas tout mettre dans le même panier (quoi? un bébé dans un panier?) si c’était peut-être ce que tu allais faire inconsciemment.
Je ne blâme pas Charli XCX, ni ne condamne catégoriquement la série et la démarche. Seulement, l’exemple de Nasty Cherry ne devrait être qu’une goutte d’eau dans un océan de témoignages et de documentation. Encore une fois, la sous-représentation et la sous-médiatisation des femmes dans l’industrie musicale fait du peu qui est montré un contenu ultra-vulnérable et facilement critiquable (CQFD) créant immédiatement une réalité lacunaire et donc fallacieuse. C’est là que réside l’éternel funambulisme en terme de féminisme, et le comble c’est que j’ai moi-même eu l’impression de marcher sur un fil en rédigeant ce papier.

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