« Socio ! Putain ! Mon fils veut faire sociologie. La voie de garage. Et pour faire quel métier ? Journaliste ou négociateur en prise d’otage ! Mais tu trouveras jamais de boulot !!! ». Voilà comment nos géniteurs nous font gentiment remarquer que l’on fait les mauvais choix. On aurait pu faire une école de commerce aussi, ou une filière scientifique, comme notre grande sœur… Mais voilà : parfois, on choisit vraiment la difficulté.

Donner carte blanche à un label inconnu et même pas du genre « confidentiel branché » ; leur offrir une soirée dont tout le monde va se foutre… Ce type d’acte désespéré me rappelle le jour où mon père m’a interdit de faire les études que j’avais choisies. Sa réaction avait tellement été épidermique que j’avais immédiatement rayé cette voie de ma liste mentale, me résignant à l’idée que ma vie ressemblerait à autre chose. Plus de dix ans plus tard, la question tourne en boucle dans mon cerveau : « pourquoi se faire chier à ce point ? » Pourtant, avec le recul, je comprends à quel point la résignation est contre nature.

Organiser des soirées, quand on est professionnel, cela consiste à trouver le juste équilibre entre le plateau qui rapporte et celui qui impressionne. Parfois, les deux se rejoignent naturellement. La plupart du temps, NON. Faire le Gonzaï Club, c’était avant tout vouloir créer le type de soirées dont nous rêvions. Au final, cela ressemble plus à foutre ses parties génitales dans un panier de crabes en espérant y pêcher une perle. Être à la caisse, boire furtivement une bière, le corps écartelé entre les yeux cherchant désespérément les silhouettes d’un public potentiel dans la rue sombre, et les oreilles tendues vers les cris du personnel de la Java évoquant la possibilité d’annuler, 30 minutes avant que le premier groupe monte sur scène… Mon vieil ulcère se réveille à chaque date. Pourtant, nous pourrions aller vers la facilité, inviter des groupes ayant un public fidèle et aveugle (sourd ?), accourant le portefeuille entre les dents pour sponsoriser leurs idoles de proximité. Mais pourquoi ? Pour vivre une soirée mi-chiante mi-passable, avec un public rassuré par un « nom bien connu ». Non de non. Quitte à se faire pincer les couilles, autant le faire avec conviction.

Le 19 avril prochain, c’est Catapulte Records qui mettra le couvert pour trois concerts allant de la musique latine jusqu’à des bizarreries de l’espace, en passant par du surf-rock africain. Un label absolument effarant, précieux, gravant sur vinyle une musique moderne. MODERNE. C’est-à-dire dont on connaît tous les ingrédients mais dont la saveur finale reste à ce jour inédite. Leurs vieilles lunes à eux : le futur, le voyage et l’exotisme. Aussi bien celui de l’espace galactique que celui des pays de l’hémisphère Sud… Bref, l’évasion. Une charge héroïque à coups d’orgue Hamond B3 et de batterie, condensée sur deux albums : Yuri Gagarine du groupe Guess What et le premier LP de L’Orchestre du Montplaisant. Malheureusement, le combat pour l’achat du ticket « pour l’espace » ne fait que commencer.

Chargé de deux mille flyers et d’une dizaine de vinyles transportés dans un sac jaune hideux, je commence le porte-à-porte dans un genre « représentant de commerce ». But de l’opération : faire émerger ces petits bouts de musique dans un monde noyé par le bruit. La tournée des popotes consiste à entrer dans un bar, poser les papiers, bonjour/merci/bonne journée, puis exit jusqu’à l’enseigne la plus proche.

Les patrons s’en foutent, on pourrait aussi bien « flyer » pour un combat de coqs ou le rassemblement de l’amicale des pédophiles du Val-de-Marne, ils ne verraient pas la différence.

S’ensuit la deuxième étape du tour, ma préférée : les disquaires. Exodisque, Vinyle Office, le Silence de la Rue, les Balades Sonores… Tailler le bout de gras avec des gars prénommés Larry, Toma ou Ronan, leur montrer les pochettes, pousser le disque jusqu’à leurs platines… Et là, le miracle de la musique peut se produire. Ils les aiment, les prennent et les vendront. Voilà comment, par un simple acte de foie, les disques Catapulte Records sont distribués dans trois endroits à Paris. C’est ce que l’on appelle une mini-victoire.

O.K KO… Dans dix jours, nous verrons si ces petites graines à la con auront daigné germer. Dix jours où l’on serrera les fesses en se rappelant la volée orale du paternel. Tenir le combat, « beaucoup de bruit pour rien », tenir le combat… Car il n’y a rien de mieux à faire dans cette vie que libérer des otages.

Gonzaï Club #4 , carte blanche à Catapulte Records avec : GUESS WHAT / L’ORCHESTRE DU MONTPLAISANT / PISSINBOYS !

Jeudi, 19 avril à la Java (105, rue du Faubourg du Temple – métro Belleville ou Goncourt)
5 € en prévente en envoyant un mail desk@gonzai.com, 7 € sur place. 

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