Tiens, encore un hommage à l’un de nos chers disparus ; ce sera le troisième sorti en l’espace de deux mois, c’est dire le vide créatif régnant actuellement dans certaines maisons de disques… Déjà, capitaliser sur le legs d’un mort qui de son vivant a dû lui aussi avoir droit à son tombereau de mépris (Jacno dans les 80’s considéré comme ultra kitsch, son élégance snobée par les vulgaires, les mêmes qui bientôt n’auront d’yeux que pour Dorothée et ses pantalonnades grotesques ; Bashung en 1982, tout juste toléré quand il croassait Play Blessures, et revampé par tout le troupeau bêlant avant de canner) c’est d’un goût…

Enfin, comme il s’agit de Buddy Holly, on se dit qu’avec un tel répertoire sous le coude, ça ne peut pas être foncièrement mauvais. L’histoire du gamin est archi-connue : crashé en plein Dakota hivernal alors qu’il entamait une tournée en compagnie de Richie Valens et du Big Bopper dans tout le midwest des Etats-Unis, en 1959, à 22 ans et quelques. C’est jeune pour se faire rappeler, mais loin d’être une corne verte, il aura largement eu le temps de déblayer le terrain pour les années suivantes, qui verront Beatles, Stones et autres (dont Joe Meek, faut-il encore l’asséner ?) se pencher sur son art si délicat, à mille lieues de ses contemporains, ces rockeurs furieux et débraillés.

McCartney justement, lui le fan absolu, qui connaît tout ça par cœur et qu’on entend se vautrer, braillant ici comme un sportif qu’on égorge dans une version blaireau – c’est le mot – du hit It’s so easy to fall in love (auparavant Linda Ronstadt, cette grosse maline, s’était déjà bien gaufrée sur scène avec). Si Macca l’a joué poussah bandard (tongue in check probablement), que dire de Lou Reed massacrant Peggy Sue ? Rien, n’en déplaise aux maniaques du vieil emmerdeur qu’on imagine sans peine maugréer mollement sur sa Steinberger avant de passer à la caisse (ce qu’il fait sans honte depuis beaucoup trop longtemps). Florence and the Machine s’essaye à Not Fade Away, évoquant en courant le son New Orleans, non sans charme, mais elle sonne beaucoup trop professionnelle de la profession pour être sincère. Patti Smith, sur Words of love, est Patti Smith, etc.

Attention, il n’y a pas que du mauvais dans cette compilation.

L’ex-femme de Jack White, Karen Elson, malgré une sale défaillance de production et un break à la con, s’attaque fièrement à Crying, Waiting, Hoping (originellement overdubée par le producteur génial Norman Petty lui-même, et ses Fireballs). Et le grand Nick Lowe torche dignement Changing all Changes. Un standard déjà visité par Blondie, le Thirteen Floor Elevator et Macca himself : I’m gonna love you too se fait joliment butiner l’entrecuisse par la jeunette Jenny O (sans doute le titre le plus réussi du disque) et, s’il avait franchement lâché la bride (Sune Rose Wagner et Sharin Foo n’étant pas conviés au pince-fesses), Julian Casablancas aurait pu réussir son Rave On. Même critique pour les Detroit Cobras, qu’on préfère sur scène de toute façon.

Bref, tout n’est pas honteux ; il y a qu’en général le machin reste propret, acceptable pour les radios en place ; à se demander ce que Norman Petty, inventif et pertinent, en aurait pensé. Fantasme : briser l’horloge, réunir Petty, Joe Meek et Holly dans le même studio afin d’en sortir quelque chose de neuf. Hélas, tous sont morts et voilà qu’on nous laisse en pleine nuit avec ce pensum d’artistes vachement aventureux sur les bras…

Si l’achat d’un disque foireux coiffé d’une couronne mortuaire peut révulser le client potentiel, on lui conseillera immédiatement sous menace de représailles l’indispensable coffret sorti il y a quelque temps chez Hip-o Select, soit l’intégrale Buddy Holly, assurant le mélomane passionné qu’il y trouvera là une bonne partie de l’écriture pop à venir, guitares, production et voix comprises. Moins cher qu’une soirée au Bus Palladium, mille fois plus amusant qu’un plateau FNAC Jeunes Talents, c’est un cœur qui bat et quand on aime, on ne compte pas.

Tribute à Buddy Holly // Rave On Buddy Holly // Universal
Buddy Holly // Not Fade Away : The Complete Studio Recordings And More // Hip-o Select.

5 commentaires

  1. Tiens c’est marrant à la fin de ton papier j’allais écrire que la reprise de True Love Ways par les Morning Jacket était très réussie. Et paf, c’est la vidéo que tu mets.
    Sinon ça veut dire quoi ‘Si Macca l’a joué poussah bandard (tongue in check probablement)’. Thx.

  2. Chère Blandine,
    Vous avez effectivement raison, la phrase incriminée est un peu délirante. Je voulais juste dire que Macca en faisait des tonnes sur un sujet beaucoup plus léger que son fanatisme (et sa reprise ignoble). Amateur qu’il est du Monty Python, on voit tout de suite le coté farceur – chasse d’eau du machin.

    Sam

    ps : c’est notre rédac chef bien aimé qui a affublé cet article d’une vidéo des Morning trucs. De ma vie, je n’aurais jamais fait une chose pareille.

  3. Hmm ok merci pour l’explication de texte! Et l’article as well.
    PS/ merci au rédac’ chef, avec qui je partage pourtant un énorme point de désaccord musical, d’avoir choisi une bonne chanson comme illustration 😉

  4. C’est quoi cette sale manie de reprendre des morceaux en faisant appel à des musiciens en plastique?
    Maintenant que Bashung n’est plus là,qu’Arthur H a retourné sa veste,je ne vois plus éventuellement qu’Arno pour se prêter à l’exercice et éventuellement Alan Véga et Iggy Pop s’ils sont en forme.
    Pour ma part,je vais plutôt m’acheter la compli’
    Ps:je vais encore me faire traiter de blaireau mais c’est pas grave,j’ai l’habitude…

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