Et si tout ce que l’on désirait, dans le grand bain informationnel, pédagogique et responsable d’aujourd’hui, c’était justement ne plus rien savoir, ne plus rien comprendre, ne plus rien apprendre ? Mettre à distance égales fake news et campagnes de prévention ? Et si la seule chose que nous espérions, au fond, c’était le flou. Un flou généralisé, total, envahissant, un brouillard de tous les diables, une purée de pois qui obstrue l’horizon. Les 60’s rêveuses ont eu le psychédélisme, les 70’s hédonistes et « rebelles » le disco et le punk, les 80’s désespérées et revendicatrices, la new wave et le rap, les 90’s molles et déboussolées le grunge et l’indie rock. A partir de 2000, l’electro est devenue très populaire dans les ascenseurs, sans oublier les agences de communication, et la grande lessiveuse des rééditions d’albums sortis la semaine précédente s’est mise à tourner à plein régime. Et 2020, alors, dans tout ça ? 2020 réclame du flou, des seaux de fuzz déversés par trois guitares avec le vibrato coincé entre l’auriculaire et l’annulaire, de la reverb de cathédrale, des voix noyées au fond du mix, comme on dit au fond du trou.

« Vaacum Sealed » de Bryan’s Magic Tears, est donc un disque providentiel pour 2021 et ce qui s’en suivra. Le précédent album de BMT avait déjà pavé notre enfer de bonnes intentions avec quatre ou cinq grands titres et deux classiques logés en fin de disque. Vous avez écrit Slamino days, il vous sera beaucoup pardonné, le jugement dernier sera, pour vous, aussi simple qu’un télépaiement.

« Vaacum Sealed » pousse deux ou trois pas plus loin, avec la même franchise, cette fois teintée d’une assurance nouvelle que la production énorme concrétise dès le premier accord du disque. L’enchaînement des quatre premiers titres constitue une expérience jouissive puisqu’elle tient autant de la déclaration sincère que de la démonstration de force. Plus question ici de revival, d’hommages, de clins d’œil… non, les choses sérieuses ont commencé. Vous pouvez imprimer les T-Shirts pour South by Southwest.

Sur ce disque, le flou shoegaze se fait dansant et, bien évidemment, tout le monde identifiera, avec un sérieux d’universitaire, le glissement de « Loveless » vers les Happy Mondays. Le morceau Tuesdays (bye Molly) chante les retours de fête comme les Stones Roses et prouve que tuesday est définitivement le new monday. Les percussions de Sad Toys donnent presque envie de ressortir un bob. Alors la question ne manquera pas de se poser : à quoi bon réanimer un genre qui n’a accouché que d’une dizaine de petits classiques. Fausse piste. L’originalité portée en étendard n’est qu’une impasse fort fréquentée, tous les grands reconnaissent au contraire sans fard leurs influences, s’inscrivent dans un chemin, une tradition et en livrent leur version. C’est même à cela que l’on peut faire le tri entre les petits malins et ceux qui en ont sous le pied. Autre test qui ne trompe pas : un grand groupe n’oublie jamais l’autoradio et écrit au moins un titre pour cette machine à rêves. Ici, Excuses laisse espérer des virées nocturnes, en Jaguar ou en Kangoo, à beugler bêtement, que l’on ait quatorze ou cinquante ans, l’aphorisme du refrain : « you keep me underground / You make my heart upset ».

La fin du disque passe un peu inaperçue lors des premières écoutes, en raison de l’entrée en matière sidérante. Mais, peu à peu, elle s’impose avec le lyrisme froid de Superlava. Là, il ne s’agit plus de noisy truc ou de madchester, Bryan’s Magic Tears passe à autre chose. Les pisse-froids parviendront sans aucun doute à lister toutes les influences de ce morceau mais ce serait passer à côté de l’essentiel : la nuance. Car il existe une différence, un monde, un gouffre entre « copier » et « s’inspirer de… », entre « baisser les bras «  et «produire malgré tout », entre « se plaindre » et « n’en avoir absolument plus rien à branler », entre « renoncer » et « faire avec » . Cet écart, c’est ce que l’on entend sur « Vaacum Sealed ».

Bryan’s Magic Tears // Vaacum Sealed // Born Bad
https://bryanmagictears.bandcamp.com/album/vaacum-sealed

15 commentaires

  1. il s’appelait comment le groupe de la dernière ère qui a sorti ce disque?
    yavait déjà un marlou appelé jb bornbad à l’époque?

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