Avant toute chose, voyons ce qu'en pense Keith Richards : « Il faudrait que tout le monde naisse avec une guitare - Il y aurait beaucoup moins de suicides »

Avant toute chose, voyons ce qu’en pense Keith Richards : « Il faudrait que tout le monde naisse avec une guitare – Il y aurait beaucoup moins de suicides »

Huit, peut être douze semaines, que je vis sans ne plus vraiment lâcher l’instrument. Chaque moment de solitude est comblé par l’instrument porté contre le corps. Elvis tourne et tourne dans ma tête, mais c’est les mains qui le suivent sur la guitare. Nous avions compris que la musique ne nous lâcherait jamais, alors il faudrait lui rendre ce perpétuel hommage. Louons le mojo…

« Tout ces matins là, ou je me lève en écoutant ce disque, en buvant ce café et en fumant ces cigarettes… je me dis que je vis exactement comme je le veux » T.E.F

Elvis, come back 68 et guitare. Une base solide sur laquelle s’appuyer pour lutter contre les remous du quotidien. Si vivre la musique est une profession de foi, en vivre est un piège classique. C’est sur cet éclairage que l’interview qui va suivre a pris toute sa signification. J’ai beaucoup écrit sur le Black Rebel Motorcycle Club, écouté ce groupe plus que nécessaire pendant mes heures adolescentes. Et ce que j’ai vu, ce 12 mai 2010 au Bataclan, ne m’a pas vraiment plu. Un set ciselé au cordeau, maximisé jusqu’au larsen, rodé au delà du kilométrage autorisé. Un tel groupe pourrait se permettre quelques sorties de piste, dérapages sur la bande d’urgence… il n’en sera rien. Tout est balisé pour amener un public conquis d’avance dans le sentier qu’il désire. Le public, chez le BRMC, est roi. Sa musique est même composée en fonction de lui.
Contrairement a Anton Newcombe (dont je n’ai pourtant foncièrement pas grand chose a foutre), ce groupe a pris la désagréable habitude de caresser son petit monde dans le sens du poil : au dépit même de sa créativité. Le résultat m’emmerde profondément. Même les meilleurs morceaux (Shuffle Your Feet, Whatever Happens to My Rock & Roll…) sont joués sur scène de maniére à ce que le public puisse taper des mains. Pas de prise de pouvoir, pas de prise d’otage… rien que du petit bonheur en barre. Etait-ce réellement souhaitable?

Quelques heures avant, je sortais pourtant comblé de mon interview d’avec Peter Hayes.

En préparant cette interview, j’écoutais les Cramps et me disait : voilà deux groupes qui possèdent une référence commune, la musique traditionnelle américaine, mais qui n’ont pas du tout pris le même chemin.

Ce n’est pas vraiment réfléchi. C’est plutôt… Nous écoutions vraiment Little Walter, Blind Jefferson et tout ces gars. Plus je les écoute, et plus je vois que beaucoup ont des morceaux simplistes. Un lick. Un superbe lick. Je n’avais jamais fait attention a cela. Puis je me suis rendu compte qu’un morceau comme Red Eyes and Tears venait directement de là.

J’ai toujours pensé que ce qui était intéressant dans votre groupe, c’était cette force sourde qui avance dans votre musique malgré des morceaux ultra répétitifs. C’est quelque chose que vous ressentez aussi ?

Oui oui, complètement… Dans les bons jours c’est une expérience complète. Ce n’est pas que dans l’esprit. Il n’y pas d’autre choix que de tout laisser bouger. C’est pour les bons jours. Parfois tu n’es pas dedans et ce n’est pas la même chose. Aussi longtemps que tu ne penses pas trop, c’est facile de laisser la musique faire ce qu’elle a à faire.
A vrai dire, je me fous de tout bien jouer, c’est bien sûr sympathique de ne pas faire trop d’erreurs… Mais je peux trouver un concert superbe et être le seul à ressentir cette émition. Parce que je recherche quelque chose que les autres personnes ne veulent pas.

Qu’est-ce, précisément ?

J’aime me perdre et ressentir cette espèce de connexion avec les gens. Le but est avant tout de se connecter avec la musique, la foule est un peu secondaire. Mais l’espoir, c’est que si on se connecte, eux aussi se connecteront, et nous serons ensemble là dedans. Beaucoup de personnes aiment avoir un feedback direct, des phrases, « oui on vous aime », « ce soir on a du bon temps… ». Mais parfois, quand on en vient à parler, on ne passe pas un si bon moment que ça, on n’a pas vraiment besoin de le dire dans le micro. Nous ne sommes pas trop bons pour cela, en fait. Mais on comprend à quoi cela sert, car si on ne le dit pas, tout le monde pensera que l’on s’emmerde, mais ce n’est pas vrai. De la même façon, si on ne fait que jouer sans feedback, les gens vont penser que l’on apprécie pas, ce qui est faux. Si nous n’aimions pas ce que l’on fait, on ne continuerait pas a faire des albums et des tournées, car les connexions se font à tous les niveaux : avec le corps, avec l’esprit, avec le cœur… Tu ne peux pas l’avoir tout le temps; cela vient à ton mantra, ce n’est pas facile… tu ne peux pas le provoquer.
Parfois, j’aimerais pouvoir m’allonger sur la scène, ce serait un vrai moment de liberté. Sur certains morceau, ça me vient a l’esprit mais je me dis… ils vont plus me voir ! Et pourtant, juste croiser les jambes, descendre le micro et me dire : je vais jouer Whatever Happened to my Rock and Roll comme cela ce soir… Après, la manière dont les gens vont le prendre… c’est le cadet de tes soucis. Mais si tu donnes l’opportunité aux gens de devenir méchants… les gens sont plutôt du genre à la saisir. Donc j’essaye de ne pas trop leur en donner l’occasion.

Pourtant votre public a l’air de vraiment vous aimer. De tous les groupes actuels, vous avez l’air d’avoir vraiment l’une des bases de fans les plus soudée.

Oui… Vraiment…

Ce qui est étrange parce que vous avez battit tout votre univers avec des paroles très dures sur votre génération et la jeunesse.

Oui, mais vrai. Il y a tout un tas de personnes qui sont d’accord, dans un sens ou l’autre… Mais j’espère que les gens comprennent que nous nous incluons dans ce que nous disons.

Vraiment? Moi je pensais que c’était vous contre le reste du monde !

Non. On fait partie de la masse. J’ai causé autant de tord que… C’est de là que vient la frustration: j’ai autant peur d’aider que n’importe qui. Me laisser tomber et m’asseoir devant la télévision pendant un jour et demi et n’avoir rien à faire de rien. Cela fait 8 ans que je n’ai pas voté. Toute ces petites choses… ce ne sont pas de petites choses.

Quelle est l’histoire exacte de ce morceau : U.S Gouvernement, qui devait sortir sur la premier disque et qui a finalement été censuré ?

Ohhh… Nous l’avions appelé Kill The US Gouvernement. C’était son premier nom. Et je crois que… le 11 septembre était passé, non? En fait non, mais nous avions entendu des histoires de groupes qui avaient des chansons comme celle-ci et qui avaient eu des problèmes pour venir aux USA, et puis George Bush venait de faire passer le Patriot Act, ce genre detrucs… Nous ne voulons pas changer le nom. Même si nous l’avons renommé US Gouvernement sur le deuxième album. Mais nous ne voulions pas le changer… nous voulions juste rendre nos vies un peu plus faciles pour voyager. Mais cela n’a pas été le cas; à chaque fois que l’on rentre aux USA… c’est juste un état militaire. Pas facile.

Je dois vous le demander : Pourquoi avez vous fait The Effect of 333 ? Parce que je l’ai acheté et me suis senti… baisé.

Ah ah, oui. Je comprends. Peut-être que moins cher, les gens n’auraient pas penser cela. Pourtant j’ai passé énormément de temps sur ce disque, alors que tout le monde a l’impression que c’est un logiciel qui tourne en boucle, lorsque moi je passais du temps sur ce bruit blanc, à mixer, régler les machines… Cela ne sonne peut-être pas comme cela, c’est très frustrant que cela sonne comme si j’avais appuyé que sur un bouton.
Mais l’idée, c’était de faire un disque pour aller dormir… puis faire des cauchemars. Mais Robert et moi étions assez fans de choses comme Sigur Ros, les B.O de Ry Cooder. Je sais bien que c’est un guitariste de slide guitare, ne me regarde pas comme ça ; mais la B.O de Paris Texas, le disque de Dead Man par Neil Young… On est juste fans de tout ça. Et puis nous ne pouvions pas dormir. Nous voulions faire un disque de bruits qui ne parasitent pas le cerveau. Puis j’avais beaucoup travaillé avec des enregistrements de radio, les « Crime Show », parce que tout le monde est là, à dire que notre société est violente, parce que la TV, les infos…. Les USA sont vraiment un pays où la violence avait une part immense. Des les débuts de la radio, il y avait toutes ces émissions qui racontaient des histoires horribles; je les ai utilisé, coupé, transformé, y ai rajouté des bruits. Cela raconte quelque chose, comme une résurgence de violence brute.

Il y a dans votre carrière un disque qui me semble vraiment important : Howl. Il est vraiment traversé par ce sentiment de mort, commence par cette impossibilité de rédemption, parle de choses difficiles. Quel regard avez-vous de l’intérieur, sur ce disque?

Oui… Tous les albums ont une histoire sous-jacente. Celui-ci tourne autour d’une conversation entre la mort et la rédemption. C’est une conversation. Mais cet album possède aussi un autre niveau de lecture, il aurait pu faire fuir tout nos fans. Cela aurait pu arriver, ils auraient pu se dire que c’était « de la musique acoustique de merde » et se barrer. Je suis sûrr que certains l’on fait, d’ailleurs. Avec Howl, il nous fallait accepter l’idée de peut être ne plus jamais tourner, car personne n’en aurait voulu.

Mais j’ai l’impression que celui-ci est vraiment plus personnel: Vous y parlez beaucoup plus de vous, à la première personne quand la plupart de vos chansons reposent habituellement sur des personnages.

Personnellement, j’aime inclure les pensées, le vécu, d’autres personnes dans mes chansons. Je ne pense pas avoir une vie assez intéressante pour faire du JE tout le temps… Parfois, cela arrive et tu ne peux pas le cacher, mais ce sont aussi des « tricks » : parler de quelqu’un d’autre pour parler de soi. Et cela devient une chanson d’amour pour les autres alors que cela n’a pourtant rien à voir avec l’amour. Mais j’aime ça… J’aime que les gens écoutent les chanson d’une façon plus attentive et se disent : « comment cela pourrait-être une chanson d’amour…

Pourtant, ces chanson quasi-traditionnelles, des folk songs comme Restless Sinner ont ce vieux pouvoir d’universalité : une expérience personnelle commune à tous.

Oui, c’est ce que j’espère. Je trouve cela intéressant. Avant, il y avait un autre respect… je ne sais pas si on peut dire respect … Mozart, Beethoven… ils étaient payé par l’état pour faire leurs art mais restaient toujours capables de… baiser le système. Même les peintrespeignaient pour l’église et arrivaient de manière subtile à donner une voix aux gens qui ne pensaient pas en avoir. Cela semble bizarre de dire que l’on puisse donner une voix à quelqu’un… mais c’est comme cela qu’avec Robert nous avons commencé. Juste parce que personne ne faisait ce que nous voulions entendre. Alors nous avons commencé à le crier.

N’est ce pas le rôle premier du groupe de rock ? De donner une voix à la jeunesse ?

Oui oui. C’est toujours ce que nous avons essayé de faire. Si cela marche, on peut faire plein d’argent avec ça. Et il y a des groupes qui ne veulent rien d’autre, et dès lors, il n’y a plus aucune idée derrière leurs musiques.

Mais qu’essayez-vous de faire ? Pourquoi faites vous tous ces concerts, ces albums ?

… Un jour, Robert et moi sommes allés voir June Carter Cash, la femme de Johnny. Et… nous avons vraiment passé du bon temps à regarder son groupe jouer. Ils sont incroyables, nous inspire beaucoup. Mais ce jour là, June nous a fait ressentir… l’église. Je ne vois pas d’autre mot. Enfin, la chose importante, c’est que comme dans une église, la connexion avec dieu… elle avait toute la pièce dans sa main. Et on ne pouvait faire autre chose que de se retourner et sourire. On était tous dans la même pièce, elle parlait peut être d’une histoire épouvantable mais quand je me suis tourné… mon cœur s’est senti putain de bien tout de suite. Dans tel endroit, dans telle situation, on n’est pas assis chez soi, déprimé, il y a comme une communion à célébrer. Il n’y a plus de peine, c’est juste une connexion directe avec la vie. Arriver à faire cela, si nous y arrivons un jour, ce serait incroyable. Donner la possibilité aux gens de se sourire, leur offrir la joie pure. Regardons nous dans les yeux et… partageons ce moment incroyable.

***

« Ne pas trop donner l’occasion aux gens d’être méchants ». Ce que j’avais pris sur le coup pour de l’ironie s’avèrera le soir même être une véritable maladie. Le concert souffrira d’enfermement, des limites que s’impose le groupe, de l’ennui de leur créativité… Un groupe qui affiche les perfectos pour jouer en K-way ; voilà ce qui était donné à voir.
En ayant peur de tout perdre, le Black Rebel Motorcycle Club s’est fané. De la jeune fougue, il ne reste plus que quelques pétales flétris. En cela, ils ont tué le Saint-Anne en nous. Celui qui pouvait aimer ce groupe juste pour son odeur de soufre, avec l’insouciance des premières relations de groupie. Un peu plus tard ce soir là, quand le manageur du jeune groupe de première partie nous invitera à l’aftershow, il m’offrira l’image du cadavre de nos espoirs : des jeunes filles dessinées à grand renfort d’exercices fessiers, au look porte-manteaux dédaigneux pour habit de luxe. Cette jeunesse ennuyée, ce groupe mort avec notre adolescence… quand le Saint-Anne se décompose, il devient un Clay, un moins que zéro… Sans exigence, rien de résiste à l’épreuve du temps.

Black Rebel Motorcycle Club // Beat the devil’s tattoo // Abstract Dragon (Cooperative)

http://www.myspace.com/blackrebelmotorcycleclub

9 commentaires

  1. j’ai lu cet article il y a quelques temps, au moment de sa sortie sur le net; j’ai peut être eu la même impression, je venais de les voir en concert à CLERMONT FERRAND. ET puis je les ai revus encore et encore… et non, ils ont toujours la foi, encore plus, ils deviennent de plus en plus « spirituels » et profonds; il faut peut être savoir les regarder, les écouter, les comprendre , les aimer tout simplement. les soutenir contre vents et marées. je crois en eux, je sais qu’ils vont encore nous apporter leur âme et leur coeur et nous réjouir, emplir nos esprits. attendons… mais ne les « tuons » pas, de « grâce »…

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