« Yeah euh… my bass player and drummer can’t make it out tonight […] so euh… these are my friends : The Black Angels… »
Anton Newcombe, 40 ans après Roky Erickson.

La scène se passe à Austin, lors du festival South By Southwest de 2006. Dans le dos de celui pour qui on a tranché entre génie total ou débile profond après avoir téléchargé Dig ! : les Black Angels. S’ils avaient été cyniques et mediums, peut-être auraient-ils profité de leur positionnement stratégique pour ricaner sans risquer de se prendre un poing dans la gueule. Même si chez eux à Austin, Newcombe a bien besoin des Texans ce soir-là, l’homme n’est pas forcément réputé pour donner les meilleures leçons de « vivre ensemble ».

A en croire le guide touristique et musical de la région, des 13th Floor Elevators aux Black Angels, le Texas est un endroit où il fait bon vivre pour ceux qui cherchent à s’élever en mâchouillant. Même le chanteur country Guy Clark reconnait les bienfaits du Lone Star State dans Texas Cookin’, “I’m going down to Austin, Texas. I’m going down to save my soul […] I know a woman makes pan dulce tastes so good it gets you high”. Assis dans le canapé en mezzanine du Nouveau Casino avant leur concert sold-out, Kyle Hunt, le clavier des Black Angels, m’apprend aussi que leur ami Bobby Hecksher des Warlocks a désormais établi ses quartiers à Austin. Il y a deux ans, j’avais demandé aux Black Angels ce que ça leur avait fait, quand les Warlocks, une des plus grosses influences du groupe, avaient ouvert pour eux lors de quelques concerts. Il s’agissait de « la meilleure chose » qui leur soit arrivée, c’était « fou, irréel ». Mais en réalité, pas tant que ça.

Les Black Angels sont devenus plus importants que les Warlocks en trois points principaux : des albums cohérents avec des chansons sous forme de rouleau compresseur, Christian Bland qui organise le festival à l’affiche la plus alléchante du monde, et des pochettes en relief. Si bien que les Black Angels en sont arrivés à jouer leur dernier single, Telephone, chez David Letterman, devant 10 millions et plus de personnes. Ils marquent alors 10 points sur l’axe vertical du psyché contemporain, les Warlocks zéro, selon l’échelle du présentateur télé. On peut penser que c’est aussi grâce à des morceaux allant plus rapidement à l’essentiel, grâce à de gros efforts de promotion online et merci la tournée avec Wolfmother.

Ayant appris qu’ils en avaient eu l’occasion déjà avec Directions To See A Ghost (2008), je pense alors qu’ils y sont enfin arrivé grâce à un processus de mobilité sociale (elle aussi comprise de haut en bas), dont l’élément « drogue » serait un metastatement.

Depuis Heavy Deavy Skull Lover, la musique des Warlocks culmine à son point le plus malsain au niveau ambiance, et s’est même enfoncée encore un peu plus avec The Mirror Explodes. Si l’on prend en compte cette déclaration de Bobby Hecksher en 2001 :  « La période avec les Magic Pacer était la plus désastreuse de ma vie. Je prenais de la drogue en continu, juste occupé à me défoncer et à me foutre du reste », on se dit en écoutant ses derniers disques que ça ne va pas beaucoup mieux, assuré par le tracklisting que Bobby est passé de Shake The Dope Out à There Is A Formula To Your Despair. L’élément « drogue » se traduit ici musicalement (peut-être en différé de quelques années chez les Warlocks), mais aussi socialement sur l’échelle de David Letterman. Quand vous parlez des drogues avec les Black Angels, ils vous répondent aussitôt que « les drogues psychédéliques ne devraient servir qu’à ouvrir l’esprit et ne devraient pas être prises de manière récréative. (…) Quand on chante « bendin’ time, feelin’ fine », c’est aussi parce que les gens se préoccupent trop du temps, une chose à laquelle les drogues psychédéliques, entre autres choses, permettent d’échapper ».
Ce qui reste bien sûr plus acceptable à dire et permet au groupe d’appeler leurs titres River Of Blood, Bad Vibrations ou Entrance Song sans que ça fasse réellement flipper. C’est ainsi que, lorsque les Warlocks tirent leur musique vers la lumpen psychedelia sur l’échelle de David Letterman, les Blacks Angels s’élèvent tout en haut,  jouent au niveau du Reverberation des 13th Floor Elevators sur leur dernier disque comme en live et font découvrir Wes Wilson avec le mérite de se foutre de leur drug cred’ comme d’avoir backé Newcombe. Quatre ans plus tard, on se dit que les Black Angels lui rendaient plutôt un petit service ce soir-là. Et  que ceci sert aussi à expliquer le ratio de bonnes chansons sur la totalité des productions du Brian Jonestown Massacre : environ ¼.

Black Angels // Phosphene Dream // Naive

3 commentaires

Répondre à serlach. Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages