"En France, on n'a pas de pétrole mais on a des idées", disait notre bon président Valéry Giscard d'Estaing. Depuis, le Minitel s'est éteint, le Concorde s'est crashé et Bewitched Hands chante en anglais. Réunissant ce qu'il y a de plus lourdingue dans Arcade Fire et de plus agaçant chez MGMT, ils reviennent — une fois de trop — avec "Vampiric Ways", prenant semble-t-il un malin plaisir à faire mentir notre ex-président. Aussi inspiré qu'une éolienne un jour de pluie, Bewitched Hands ouvre la voie à un nouveau rock : propre, renouvelable et sans aucune imagination.

« Oui, j’ai une passion pour les éoliennes. »

Bewitched Hands, c’est quoi ? Pour ceux qui connaissent pas, c’est la musique tête-à-claques de la pub EDF. Sur fond blanc, trois acteurs lancent des punchlines aussi imparables que « Oui, j’ai une passion pour les éoliennes » ou « Il faut aller à un endroit, où… on est les bienvenus », le tout avec un slogan fort : »CHANGER L’ÉNERGIE ENSEMBLE ». Pas question de moteur à explosion ou de fission nucléaire ici. Non, c’est fini tout ça. Bienvenue dans l’ère du renouvelable, l’ère du recyclage.

Sûr que se lancer dans le pop-folk en 2012, armé d’un tambourin et d’une guitare, c’est pas évident. La gamme chromatique ne contient que douze notes, avec plein qu’on n’utilise jamais. Du coup, c’est étrange, mais on a vite fait de se retrouver avec les mêmes accords. Après, tout dépend de ce qu’on en fait. Mais prendre la progression de basse de Our House des sublimes Madness, rencontre de la langueur du rocksteady jamaïcain et de la nervosité punk, pour en faire Boss, premier titre extrait de « Vampiric Ways » ? Non. Et pourquoi ai-je tellement envie de fredonner Girls just want to have fun sur les couplets de Westminster ? Et pourquoi suis-je si triste lorsque le refrain commence, avec son ambiance de feu de camp d’école de commerce ? Qu’ont-ils ont fait à Cyndi ?

« Moi j’ai une petite fille qui s’appelle Dahlia, et j’aimerais bien qu’en 2025 elle puisse consommer de manière intelligente. »

L’ensemble est à l’avenant, à vrai dire cela devient un jeu. Ah ah ah ah est un saccage du riff de Sweet Jane, et Hard Love, une très mauvaise version du Caribou des Pixies. Quand aux autres titres, ils sont tellement sommaires qu’ils ne ressemblent à rien, du moins à aucune bonne chanson de l’histoire de la pop. Alors, c’est quoi qui va pas ? Le tambourin ? Et en plus c’est la fille du groupe qui s’y colle… C’est les chœurs ? Le côté techno rural emprunté à Arcade Fire ? Ou cette impression de manger un yaourt bio, là où le rock devrait nous faire mordre dans un torchon plein d’essence ?

À l’heure où la musique de pub semble être le seul débouché rentable pour les jeunes artistes, il faudrait ne pas dauber cette belle réussite made in France, avec exportation « à l’internationale » s’il vous plaît. Bientôt nous aurons Arnaud Montebourg sur le coup, et ça parlera de redresser productivement la qualité française à grands coups de subventions de la région Champagne-Ardennes. Nos emplettes sont nos emplois ? Il faudrait acheter français ? Vu sous cet angle, Bewitched Hands est un défi au patriotisme.

Bewitched Hands // « Vampiric Way » // Sony
https://www.facebook.com/thebewitchedhands 

4 commentaires

  1. Je trouve que t’exagère un peu pour le coup, les mecs font ce qu’ils peuvent avec leurs références, ce sont les héritiers et représentants d’une musique pop assez typiquement rémoise avec une petite touche de Kim au passage. Ils ont pas inventé le fil à couper le beurre mais ce qu’ils jouent n’est pas désagréable. Après qu’ils aient autant de succès, je concède que c’est un peu hallucinant. On est pas loin du succès parfaitement marketé mais tout autant improbable. Tant mieux pour eux. Pas forcément pour nos oreilles.

  2. J’aborde le problème avec des exigences infinies. Le rock and roll est censé sauver des vies, pas resortir 30 ans après la même ligne de basse que Madness. D’ailleurs je suis resté bloqué sur ce problème là, précisément.
    C’est joliment fait, mais je doute que ça sauve l’industrie du disque

  3. De toute évidence, cet article est bien plus provocateur que ce petit groupe bien sympathique. Il faut tout juste considérer que cela n’est pas du Rock. Voilà tout.
    Le produit fait un peu kermesse à Rock en Seine, mais souvenons nous que du temps de Concorde, la pop française c’était Ange. On se console comme on peut.

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