Ça plane pour eux : depuis quatre ans, les activistes derrière le label d’Anvers Belly Button enchaînent les sorties parfaitement bruyantes, au point d’éclipser tout ce qui se vend à moins de 2 000 copies dans le reste de la Belgique. Alors que Gonzaï s’intéresse à la Belgique underground dans son nouveau numéro, reculons un peu, qu’on puisse ouvrir les portes de cet étonnant cabinet des curiosités garage et lo-fi.

« Size matters. » L’adage qui a certainement traumatisé des générations d’ados en quête d’une virilité se comptant en centimètres n’a semble-t-il pas franchi la frontière franco-belge. Et pour ça, il suffit de replonger rapidement dans les livres d’histoire punk pour capter qu’en dépit d’une superficie minuscule, la Belgique a toujours été présente au moment du « 1-2-3 ». Dès 1977, peak time du mouvement, le label bruxellois Romantik Records faisait sauter les plombs du compteur en signant Chainsaw, souvent décrit comme le premier groupe de punk belge. À leur actif, un culte maxi de 4 titres rendant hommage à la folie des Stooges avec des histoires de guerre nucléaire et du proto hardcore joué très vite. Micky Mike y fera ses débuts à la basse avant d’endosser le blaze plus cold wave de Snowy Red, et Chainsaw gagnera au fil des années ses galons de furieux édenté dans les bacs à disque.

Tout cela, c’était il y a plus de quarante ans. Depuis, Plastic Bertrand s’est infiltré dans l’inconscient collectif en tentant de s’imposer (LOL) comme le Sid Vicious grand public du plat pays, et il aura donc fallu attendre quatre décennies pour retrouver la même énergie débile qu’aux débuts grâce à Belly Button (« nombril » en V.F.), un label d’Anvers lancé en 2015 et spécialisé dans la K7 et le vinyle et dont on s’étonne qu’il ait fait si peu de bruit à l’étranger vu le boucan des vingt-cinq références déjà publiées.

Pochettes DIY, parfum d’insouciance adolescente, gros riffs qui tachent partout, police nulle part ; Belly Button n’y va pas franchement avec le dos de la cuillère ni avec les chichis du rock bourgeois. Des exemples ? Pizza Knife et son punk-fuzz à rendre sourd le plus vaillant des speed-freak, Vision 3D, un groupe fondé en 2017 avec des membres de Thee Marvin Gays et Maria Goretti Quartet, et auteur d’un parfait premier EP garage-punk en français dans le texte (ce sont les premiers Wallons signés sur le label) ; bien plus convaincant que les tentatives maladroites de nos rockeurs-étudiants à la faculté Johnny-les-dents-cassés. Ou encore Pink Room, trio de Gand auteur d’un solide album (Zum Kotzen) où l’auditeur pourra enfin hurler à la mort comme les loups de la forêt des Ardennes, et sans oublier non plus Ero Guro, originaire de Diest, et dont le récent deuxième EP (No Nansensu) est une bonne claque dans la gueule qui rappelle – si besoin était – que Jay Reatard est vraiment parti trop tôt.

À chaque fois, quel que soit le disque Belly Button que vous écouterez, l’impression de se faire passer dessus par un train de la SNCB (quand ils ne sont pas en grève) sans jamais un seul synthé à l’horizon reviendra. Longtemps cantonné à la seule région wallonne, où des groupes comme Le Prince Harry ou Spagguetta Orghasmmond (ah, le tube L’amour à Charleroi…) ont pas mal fait danser les consommateurs de Jupiler, la Flandre semble donc enfin disposer d’une riposte. Ça sent la démo, les fins de soirée qui dégénèrent et Rafael Valles Hilario, l’un des mecs derrière Belly Button, peut se frotter les mains avant de s’ouvrir une nouvelle bière : ses disques n’auront pas le temps de prendre la poussière ; ils tournent juste trop vite.

Plus d’infos sur http://www.bellybuttonrec.com.

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