Si Fritz Lang se repointait aujourd’hui, il se la péterait probablement pas mal : son film Metropolis, chef d’œuvre de 1927, a vachement bien vieilli. Un siècle plus tard, le 5e album de Perturbator (alias James Kent) semble même coller parfaitement à l’esthétique de cette dystopie SF. Pour ce qui est du son, le producteur en profite surtout pour se renouveler en piochant des influences du côté de The Cure, Joy Division et Depeche Mode.

Virus mutants, apocalypse écologique, calvitie de Jean Castex… Le monde d’après sera probablement encore pire que celui d’aujourd’hui. Et si vous espériez un peu de fun pour garder la tête hors de l’eau alors que l’humanité poursuit tranquillement son autodestruction, pas de bol : Perturbator sort « Lustful Sacraments » le 28 mai, chez Blood Music. Un projet dont l’état d’esprit un tantinet pessimiste et blasé suit la droite ligne de son dernier EP en date, New Model (2017), qui évoluait déjà vers des sonorités industrielles et EBM. Dans son nouvel album, le morceau Death of the Soul s’inscrit d’ailleurs toujours à fond dans une ambiance qui peut évoquer Front 242, Nitzer Ebb ou And One.

Perturbator - Obsküre.com

De quoi, dans la même idée, s’éloigner de ses premiers projets. Fils de deux rock critics, Nick Kent et Laurence Romance, James Kent s’est fait connaître pour sa participation aux jeux vidéo Hotline Miami, dès 2012. Avec notamment Dangerous Days (2014) et The Uncanny Valley (2016), le producteur est vite devenu (malgré lui) l’un des poster kids de la synthwave, en associant entre autres l’esthétique pop des années 80, des influences metal, une imagerie sataniste, et les soundtracks horrifiques de John Carpenter (pour qui il a d’ailleurs fait la première partie d’un live à Las Vegas en 2017, à l’occasion d’Halloween).

Plutôt que de tourner en rond pour contenter certains fans parfois un poil accros à la nostalgie, Perturbator a décidé de se sortir les doigts. Avec Lustful Sacraments, toute la couche pop vintage et colorée a été décapée. The Cure, The Sisters of Mercy, Depeche Mode… Les influences sont beaucoup plus post-punk, cold wave et gothiques. Excess – un morceau addictif en live, sorti il y a déjà deux ans mais désormais retravaillé avec toute une nouvelle séquence pour clore le son – fait ainsi penser à Joy Division, mais aussi à A Flock of Seagulls.

Et sur la plupart des neuf titres, on entend d’ailleurs des guitares et des chants, ce qui symbolise l’évolution de l’artiste. C’est notamment le cas de Dethroned Under A Funeral Haze avec Maniac 2121 mais aussi du dernier titre, God Says. Une collaboration avec Hangman’s Chair, dont le son doom et cold bien lent et bien pesant colle pile-poil. Le batteur du groupe, Mehdi Thépegnier, participe d’ailleurs avec Perturbator au projet Ruin of Romantics, formé pendant le confinement. Bref, le producteur évite de faire du surplace, en variant ses références. Un peu comme Dan Terminus, autre artiste souvent cité quand on parle de synthwave, qui lui est allé puiser dans le big beat l’an dernier avec Last call for all passengers.

Cyber-post-punk

Plus important : plutôt que de simplement copier-coller cette flopée d’hommages en les fusionnant de manière bancale ou forcée, Perturbator réussit à garder une cohérence globale. Logique, puisque le producteur a (vraiment) pris son temps pour se faire la main. On peut entres autres citer son remix génial de Cygnus de Cult of Luna et Julie Christmas, sa collaboration avec Health, ou encore son side project de dark ambient, L’enfant de la Foret, pour le coup resté très confidentiel.

On retrouve surtout au fil de l’album la patte du son qu’il avait construit auparavant avec, en gros, des synthés amples avec un maximum de reverb, une ambiance parfois proche de la BO de Blade Runner de Vangelis, mais aussi l’influence électro de Lorn et des rythmes trap présents depuis New Model. Un ensemble qu’on ressent dès l’intro, avec Reaching Xanadu. La composition des morceaux, qui paraissent souvent découpés en plusieurs scènes (comme The Other Place ou Messalina, Messalina par exemple), donne également toujours l’impression d’écouter une bande originale de film, avec des transitions soignées.

Cette cohérence, toujours centrée sur le cyberpunk et la SF, s’exprime parfaitement dans l’esthétique de Lustful Sacraments. En regardant les affiches des futurs concerts ainsi que le clip de Death of the Soul, un univers Art déco dystopique se dégage du tout. Les créations de l’architecte Hugh Ferriss (dont les dessins ont influencé la ville de Gotham dans Batman) semblent avoir particulièrement tapé dans l’œil de James Kent.

Lustful sacraments | Perturbator CD | Large

Mais le style à la fois Art Déco, futuriste et apocalyptique des visuels évoque aussi les gratte-ciels infinis qui dominent la mégapole de Metropolis, réalisé par Fritz Lang en 1927. Avec le nouveau logo de Perturbator (un pentagramme inversé qu’il utilisait déjà par le passé, mais dans une version retravaillée) et la pochette du nouvel album, on retombe enfin sur la touche gothique du long-métrage, visible dans la scène finale de la cathédrale. Figure de l’androïde, exploitation de la majorité des humains via l’industrie, la technologie et le contrôle du temps… Le film peut d’ailleurs être vu comme précurseur du genre cyberpunk. Et, manque de bol, de notre époque.

Perturbator // Lustful Sacraments // Sortie le 28 mai
https://perturbator.bandcamp.com/

Tracklist :

  1. Reaching Xanadu
  2. Lustful Sacraments
  3. Excess
  4. Secret Devotion (ft. True Body)
  5. Death of the Soul
  6. The Other Place
  7. Dethroned Under a Funeral Haze
  8. Messalina, Messalina
  9. God Says (ft. Hangman’s Chair)

4 commentaires

    1. Se barre juste avant le procès de Babylone, vachement courageux, peur du filtre la cigarette ?

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