Après neuf années de conservatoire jazz, puis des projets de musique de films, ce Français expatrié au Québec a décidé de tout envoyer chier pour se consacrer à un projet rock psyché hybride, qui tend autant du côté de Thee Oh Sees que Eels, Pond ou encore Beck.

Imaginons un court instant un scénario hypothétique. Beck, Eels, Ty Segall, Pond, Thee Oh Sees et Connan Mockasin se retrouvent par le pur des hasards au chômage, au même moment. Ils pointent tous au même Pôle Emploi, mal rasés et la tête enfarinée. La gueule de bois n’aide pas. Mais au lieu d’aller écouter un conseiller arrogant qui bosse sous Windows leur dire qu’ils feraient mieux de se reconvertir dans l’aide à la personne que d’essayer de vendre des disques physiques en 2022, ils prennent la décision de louer un studio, et d’enregistrer ensemble un album aussi improbable que fou dans le simple but de faire de la musique pour le kif de faire de la musique. Cet objet, à quoi il ressemblerait ? À « Jozef » d’ALIAS. Hein, quoi ?

À chaque rentrée, il faut un OVNI. Un disque impossible à voir venir, même de loin avec des jumelles. Un 33 tours plus rock que le nouvel album de Lomepal. Cet album s’intitule « Jozef ». C’est un Français exilé au Canada, qui se fait appeler ALIAS, qui l’a pensé, imaginé et enregistré. L’objet est composé de 12 titres. Il y a une pochette — genre King Gizzard. Une bio. Un lien pour écouter les chansons. Classique. Mais c’est une fois qu’on appuie sur « play » que le monde bascule dans un grand n’importe quoi, sorte de grand foutoir du rock perdu dans l’espace temps où l’on peut caser toutes ses idées et réaliser tous ses fantasmes, même les plus inavouables.

Tiens, si je faisais du Bikini Kill façon robot sur Fantasy ? Tiens, si je chantais comme Eels en copiant Beck sur Shine ? Tiens, si j’imitais Ty Segall période « Sleeper » sur Les Bois Perdus ? Tiens, j’allais faire un tour dans les sixties pour What a Shame avant de tout envoyer chier à la fin ? Tiens, si je mettais une cartouche à 87% des disques psyché dans le calme le plus total ? Et si, en fait, j’écrivais la chanson Dance With a Psychokiller pour mettre tout le monde d’accord ?

Chaque titre, ou presque, évoque un artiste, un style ou une époque. Parfois, les références s’entrechoquent au sein d’un même morceau. Pour autant, et c’est là où la magie opère, les chansons ne frôlent pas l’overdose. À aucun moment — même si ça contredit ce qui a été écrit ci-dessus — l’œuvre tombe dans le pastiche. Enfin sauf sur Shine. Mais les comparaisons plus haut sont simplement une manière de contextualiser ce disque. C’est pour dire : okay, le garçon pioche là où il veut. Mais il en tire un résultat qui dépasse la réplique copie conforme. On pourrait dire que ce sont ses neuf années de conservatoire jazz qui lui ont inculqué une forme de discipline, mais aussi d’audace. On pourrait aussi écrire, à l’image d’un Caleb Landry Jones, qu’ALIAS est cinglé, disproportionné et excentrique. Mais au final, on ne ferait qu’émettre des suppositions.

Ce que l’on sait, c’est que « Jozef » mérite au moins 45 minutes de votre précieux temps. À vous, ensuite, de décider si ce disque continuera de tourner en rond ou s’il finira dans la corbeille des disques « rock » oubliés de 2022 — avec « Ants From Up There » de Black Country, New Road, « This Is A Photograph » de Kevin Morby et« Fever Dreams Pts. 1-4 » de Johnny Marr.

L’album « Jozef » est sorti le 28 septembre. ALIAS sera au festival le MAMA à Paris en octobre.

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