Avec son troisième album écrit en chelou dans le texte, le collectif Astéréotypie réussit l’exploit de partir d’un rêve éveillé avec un acteur américain millionnaire pour accoucher du meilleur album de rock français de ce début d’année 2022, et tout cela avec le budget d’une PME en faillite. Une grosse dragée pour toute la concurrence, et qui rappelle qu’en art brut, la normalité est une insulte.           

« Maman disait toujours : n’est stupide que la stupidité ». La phrase, lâchée par Forrest Gump dans le film de Robert Zemeckis, illustre à sa manière le lien, invisible mais tenace, qui relie le supposé simple d’esprit qui aimait courir au groupe d’autistes-slameurs formé à l’Institut Médico-Éducatif de Bourg-la-Reine voilà 10 ans.
Dans les deux cas, la notion supposée d’handicap a toute sa place tant elle permet aux protagonistes de se dépasser pour toucher le lâcher prise dont seuls sont capables ceux qui pensent différemment, à voix haute. On ne parle pas ici d’inclusivité à la Eddy de Pretto ou de témoignages face cam sur Instagram sur la diversité désormais devenue un argument marketing pour toutes les marques en manque de valeurs pour leur ADN à la con, mais de véritables éclairs de génie qui oublient la logique pour se concentrer sur la sincérité parfois désarmante de pensées désordonnées. Et cela donne, sur « Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme », des séquences surréalistes telles que celle-ci :

« J’ai fait croire à mon pote Paul que j’étais mort dans une avalanche à Val d’Isère en me faisant pour ma mère / J’ai démonté une platine vinyle pour faire un manège / J’ai bu de la vodka au Nutella ce matin » (Mon chat a 44 ans)

Si musicalement la notion de « collectif » peut faire frémir – on pense autant à Fauve qu’à Breton, souvent considérés comme un agglomérat de graphistes multimédias tapant sur des casseroles – dans le cas d’Astéréotypie, il est surtout question d’alliance. De fous alliés, plutôt, capables de puiser dans la sève du math-rock (et du rock dit « noisy » comme on disait dans les années 2000 de Bertrand Cantat) pour écrire des comptines surréalistes où tout semble écrit de travers. Cette impression de monde décalé avec « Paul McCartney qui a fait ma première partie en juin, au parc de Sceaux » ou de « la copine de 20 euros qui s’appelle 50 euros » constitue un nouveau monde en soi, une nouvelle ère du talk over géré par Stanislas Carmont et ses acolytes (dont deux des membres de Moriarty), sur les traces du Wild Classical Music Ensemble et Musique Post-Bourgeoise récemment, ou encore de Rien ; autre groupe qui refusa en son temps la dictature du normal décevant.

Outre Forrest Gump et ses béquilles mentales, on pense également à Quentin Dupieux et à son « no reason » qui parcourt chacun de ses films, refusant ainsi le pénible besoin d’auto-justification qui cancérise lentement le concept d’œuvre artistique. Pourquoi Brad Pitt ? No reason. Pourquoi la Drôme ? No reason. Pourquoi du vélo à Saint-Malo, et du kayak à Saint-Briac ? Va te faire foutre.
Derrière l’apparent sentiment de n’importe quoi qui se dégage de ce troisième album, avec cela dit des séquences hypnotiques comme cet Iphone X répétant en boucle l’insupportable voix bullshit de Siri, Astéréotypie livre un bloc de béton sur la gueule de l’auditeur espérant encore quelques vibrations à l’écoute d’un disque en 2022. Quelque part entre La Colonie De Vacances, Casse Gueule et Choolers, à mi-chemin entre la Californie et la Drôme et dans un face swap involontaire entre Grand Corps Malade et Alain Damasio, il existe donc une terre vierge. Ca s’appelle la Drôme, et si on aura donc peu de chances d’y croiser Brad Pitt, au moins on y trouvera quatre cinglés qui prouvent que les fous, les vrais, sont tous enfermés dehors.

Astéréotypie // Aucun mec ne ressemble à Brad Pitt dans la Drôme
https://astereotypie.bandcamp.com/

En concert le 5 mai au Centre FGO Barbara avec Infecticide.

6 commentaires

  1. « J’irais chier dans ton vomi » reste quand même la ref’ ultime… sinon je confirme, pour avoir bossé dans la Drome, près de Rémuzat ou un truc dans le genre… pas de Pitt et on s’y fait bien iech mon frère, sauf si tu kiffes les cailloux et la poussière…

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