Comme vous allez le constater, le leader du Brian Jonestown Massacre reste fidèle à sa légende : celle d'un homme jusqu'au-boutiste qui ne se vendra jamais à personne. De retour avec une nouvelle fournée de morceaux, et de la bonne came en plus, l'homme-orchestre nous a fait le plaisir de répondre à notre mail. Avec l'honnêteté prophétique qu'on lui connaît.

Tout comme l’ami Ty Segall, Anton Newcombe boxe dans la catégorie des musiciens super-productifs. Et, tout comme notre fan de garage bruitiste, il réussit l’impensable : la quantité et la qualité. Un acharnement au travail qui comblerait de bonheur Philippe Lucas, visez-plutôt: 15 albums studio et une tripotée dEP depuis ses débuts dans le game psyché en 90, dont les indispensables « Zero », « Their Satanic Majestic Second Request », « Bravery Repetition & Noise », « Take It From The Man! » ou encore « Thanks God For Mental Ilness ». Tantôt folk, tantôt rock versant Stones, tantôt soft rock, tantôt musique expérimentale, toujours psyché, avec un feu sacré impressionnant et une recherche instrumentale sans limites, le mec sachant à peu près tout jouer, et jouer de tout.

Ce qui apparaît en fin de compte assez évident dans le docu DiG!, c’est ce besoin irrépressible et presque maladif de faire de la musique, qu’elle quelle soit, plusieurs scènes le montrant torse poil dans la rue avec un matériel musical des plus rudimentaires : guitare sèche, harmonica, voix. Un artiste total qui n’a jamais voulu “faire carrière”, snobant les maisons de disque, enregistrant ses albums à la maison pour pas grand chose (17 dollars par exemple, NDLR) et publiant une des chansons les plus longues de l’histoire de la pop music (Sound Of Confusion, 33 min). En définitive : Anton est l’un des rares mecs sur cette planète à pouvoir chanter la liberté sans avoir l’air d’un putain de clown.

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Un vrai personnage de roman donc, qui ne semble pas décidé à se calmer : après un retour aux sources flamboyant avec « Revelation » (2014), premier album entièrement enregistré dans son nouveau chez-lui berlinois, Newcombe en est déjà cette année à son troisième album. Qui arrive après le surprenant « Musique de Film Imaginé » et « I Declare Nothing » co-écrit avec la jolie brune Tess Parks et publié cet été.

C’est après tout cela que « Mini Album Thingy Wingy » a déboulé sans prévenir sur la grosse pile de disques de septembre. Et l’on constate non sans plaisir auditif que notre gentil fou, débarassé de ses problèmes de drogues depuis 2 ans, est toujours capable de pondre de très bons trucs. Avec en tête de gondole la chanson-titre Pish, co-écrit avec Tess Parks again, qui sonne comme du gros BJM pur jus, soft-rock psyché romantique de 5 minutes ou la voix de Newcombe perce (encore) admirablement le mur du son. Entre autres réjouissances, on y trouve une reprise du 13th Floor Elevators chanté avec Alex Maas des Black Angels ainsi qu’une chanson chantée en slovaque, rien de moins. Chef de file dans l’âme, Newcombe fait ici le pont entre plusieurs générations de têtes embrumées tout en rameutant ses potes venus des quatre coins de la planète.

Anton ne chie pas des pendules : l’instransigeance, l’honnêteté, la folie et la mégalomanie de l’artiste dont la ligne radicale n’a pas dévié d’un centimètres depuis 25 ans porte ses fruits. Et toujours plus culte à mesure que le temps passe, il apparaît bien décidé à ne pas prendre la poussière avant un bon bout de temps.

Votre voix est quasiment la même que sur vos premiers enregistrements au début des 90’s. Content de voir que vous avez la forme.

Anton Newcombe : Merci, on a fait le premier concert de notre nouvelle tournée l’autre soir à Christchurch, avec mes nouvelles chansons, et j’ai senti que c’était quand même un peu chancelant, mais ça va aller mieux.

J’ai entendu dire qu’il y avait une certaine activité nocturne à Berlin.. Vous êtes-vous déjà rendu dans un de ces clubs électroniques?

A : Pas vraiment non. Moi et mes potes on a organisé pas mal de grosses teufs illégales dans les années 80, et tous les premiers concerts du BJM furent dans des temples maçonniques qu’on louait. Je n’aime pas trop les clubs conventionnels.

J’ai vu tes interviews pour Dead TV. Tu penses à une reconversion dans le journalisme musical?

A: Rien n’est moins sûr.. En revanche, je sais que si je prenais le temps de faire un vrai show, ça serait putain d’intéressant.

“Je ne suis pas un putain d’enfoiré de clochard”

Dans Dig il y a une très belle scène où on te voit marcher seul, sur la route, au soleil couchant. T’as déjà fait ça dans la vraie vie, je veux dire vagabonder seul on the road, où c’était juste pour la photo? [Premier quiproquo : il pense que je le traite de clochard alors que je parle d’une errance volontaire et romantique au sens de la Beat Generation. Mais peut-être que pour lui c’est du pareil au même, NDR]

A : J’adore voyager – mais écoutes-moi bien : j’ai pondu un total de 20 albums. Je ne suis pas un putain d’enfoiré de clochard, je sais exactement ce que je que je fais et je n’ai besoin de l’aide de personne pour le faire. Je suis un homme libre, j’ai des gens à mon service dans le monde entier, et mes gosses sont inscrits à l’école privée. Donc va te faire foutre. Mais oui – Jack [le réal de Dig, NDR] a eût cette idée de montrer ma vie comme la plus pure représentation du rêve américain – c’est moi.

Comment as-tu rencontré Tess Parks? Et que penses-tu de l’actuel gros revival psyché? (Gardner, Foxygen, Kurt Vile)

A : Tess et moi on s’entend vraiment très bien. Je suis content pour tous ceux qui font de la musique. Mais perso je suis déjà trop pris par mes propres projets pour avoir le temps de m’asseoir et de parler de la musique des autres. Mais oui, tous ces gars là sont super… [ouais, il s’en cogne, et c’est tout à son honneur : il se concentre sur SA musique, NDR]

Sans musique tu serais mort, pas vrai?

A : Non, sans art votre monde est mort.

Si tu pouvais passer ta vie dans ton studio à faire de la musique, sans faire aucune représentation publique, tu le ferais?

A : Je ne vois pas la vie comme ça. Même Ennio Morricone sortait pour faire des concerts. D’ailleurs, je vais organiser un passage à la télévision française avec un orchestre de poche et faire « Musique de Film Imaginé » en live sur un grand orgue d’église avec des guests pour 2000 personnes. Ca s’annonce grandiose.

“Je veux être unique donc je suis.”

Y’a une chanson en slovaque dans ton nouvel album, ce qui est bien marrant. T’as voyagé et rencontré des gens là-bas?

A : J’ai rencontré Vlad à Prague. Merci. Tu sais, j’écris et j’enregistre des trucs en Français, en Suédois, en Islandais, en Russe et dans pleins de langues pour la faire la nique à tout ce système anglo-hollywoodien pourri, à toute cette connerie de culture pop idol qui est partout – si je ne le fais pas, ça sera de la connerie urbaine contemporaine pourrie partout – je veux être unique donc je suis.

Here Come The Waiting For The Sun, c’est un hommage aux Doors ?

A : Ouais, c’est un jeu de mots entre ça et here come the sun des Beatles – acid* [Anton adore faire des jeux de mots sur des noms de chansons existantes : I Wanna Hold Your Other Hand, Stairway To The Best Party, NDR]

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T’es devenue une légende du rock sans même avoir besoin de canner à 27 piges. Cool, non?

A : Je m’en cogne. David Crosby de CSNY est aussi une putain de légende, il continue de parler avec des gens sur Twitter et sa musique est toujours géniale en live, en fait. Même ses nouveaux trucs..

J’ai entendu dire que t’allais faire une grosse teuf’ en Australie pour le 25ième anniversaire du BJM. C’est la dernière fois que tu te la mets avec des drogues et tout ça?

A : je ne bois plus et je ne prends plus de drogues.

Quel est ton plus grand regret ?

A : J’aurais aimé être plus productif.  Je voudrais y aller encore plus fort. Rester le même en emmenant ma musique dans encore plus d’endroits.

Ca veut dire quoi psychédelisme pour toi?

A : Expansion de la conscience.

Anton Newcombe // Mini Album Thingy Wingy //A Records (Differ-Ant)
http://thebrianjonestownmassacre.com

6 commentaires

  1. Il faut vraiment être un pur fan de psyché totalement bloqué dans une autre époque et être en plus dépourvu de toute objectivité pour dire que « musique de film imaginé » est « surprenant ». Cet album est de la vraie soupe. Anton commence à divaguer complétement, qu’est-ce qu’il y a de cool ou rock’n’roll à mettre ses enfants dans le privé ? Ce commentaire vient d’un fan du BJM.

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