Marc Hurtado aux instruments, Alan Vega au chant : quand le chanteur de Suicide va faire des vocalises à l’usine, les bricoleurs du dimanche rendent leurs outils. Dommage que « Metal Machine Music » soit déjà pris.

Bon Dieu, le duo Nelly Hurtado et Hélène Vegara aurait encore frappé : ces Reines des Sosies 2004 de Bourg-la-Reine (sa salle des fêtes, ses trottoirs propres et son ennui s’étirant à l’infini) auraient sorti un disque ? D’après mes sources, ça s’appellerait Sniper, mais y a de la friture sur la ligne, pour tout vous dire : ce con de Guy Michel Thor fait des travaux à la perceuse chez ma voisine, qui dit être sa sœur. M’en vais lui dire deux mots.
Deux bourre-pifs et une vérification plus tard, Nelly et Hélène, c’était pour de rire. En revanche, Sniper, c’est du sérieux : à la lecture de la phrase qui va suivre, vous allez regretter Nelly et Hélène. Lydia Lunch, Antonin Artaud, Marcel Duchamp, Beaubourg, Etant Donnés, Christophe, Throbbing Gristle : quand on se rencarde sur la vie de Marc Hurtado, bruitiste en chef d’une galette composée pour que le sieur Alan Vega y éructe gaiement, c’est le Who’s Who de l’internationale underground arty qui tombe dans la boîte aux lettres. Continuer à régler ses factures en bougonnant aurait évité bien des malheurs. La boîte de Pandore ouverte, nous voilà bien obligés d’y mettre le nez. Et les oreilles, accessoirement.

Suicide : n. m, du latin suicidium, du verbe sui caedere « se massacrer soi-même ».

Alors donc, la collaboration Marc Hurtado / Alan Vega, ça donne quoi ? Du TNT à platines, forcément. Quand le premier pilote avec son frère Eric le groupe Etant Donnés, qui doit son nom à la dernière œuvre de Marcel Duchamp (fan d’easy listening, passe ton chemin), Alan Vega  et Martin Rev forment en 71 le premier groupe de rock utilisant des machines ; depuis, leur place au panthéon du genre est réservée (penser à ne pas oublier sa clé de douze pour déboulonner leurs statues). Ces deux-là avaient déjà bossé ensemble il y a dix ans, sur l’album Re-Up. Et quand ils remettent ça, Guy Michel peut bien s’exciter sur sa perceuse dans l’appart mitoyen, à côté de Sniper, son pilonnage ressemble à une comptine pour bisounours sous lexomil.
La bio a beau préciser que la galette a été enregistrée au 6/8 Studio à New York, l’amateur de mécanique aura reconnu tout de suite l’acoustique d’usine. Hurtado compose au concasseur et écrit ses arrangements au fer à souder, tandis que Vega déclame des borborgymes la bouche pleine, avec la hargne des vieux rockers ridés ; gueule de chien un peu pathétique mais encore enragé. Un peu comme Guy Michel, tout ça n’est pas bien beau à voir. Mais le beau, Hurtado et Vega s’en tamponnent comme de leur première boucle de synthé bousillé.

Indus post-Factory, Elvis en cadavre et reste d’étoiles

Sniper tire donc à vue (facile), avec précision (encore facile) mais conserve les soubresauts de ceux qui canardent à la sulfateuse (plus étonnant) :  Bang Bang tire plus que deux coups ; et Vega compte les points  : sorte de western industriel où les deux premières balles sont pour les gentils. Plus loin, Juke Box Done sonne la transe à heure fixe et c’est un peu comme essuyer sa sueur sur le capot d’une auto ; Elvis is dead mais son cadavre transpire encore le rêve américain. Et puisqu’on est dans la bagnole, deux mots à propos de Crazy Driver : parfaite B.O d’un jeu vidéo qui aurait été censuré, vos oreilles vous y attendent tout warning dehors, larguées quelque part sur l’Autobahn (fonctionne également avec tecknival de zombies).  Ca marche également pour War, mais ce coup-ci tout le monde va danser le long d’une voie ferrée aux clous plantés dans l’autre sens.

Cependant, hasard, destinée ou batterie à plat, la perceuse de Guy Michel se tait au moment où Saturn Drive Duplex s’élance : les tireurs à court de munitions ont déposé les armes et laissent au repos le flanc du Christ de la pochette. Le temps d’une prière au milieu des machines à l’arrêt, les vitraux de l’usine laissent à nouveau passer la lumière, Hurtado met Koudlam à l’amende en trois notes de clavier et Vega laisse passer des « too much infinity » entre ses dents.

Après un truc pareil, la machine peut bien repartir de plus belle et Guy Michel s’échiner à nouveau sur sa chignole, plus rien ne sera vraiment comme avant. Quant à Nelly et Hélène, reines d’un soir enjolivé au mauvais champagne, elles s’en sont retournées là où tout avait commencé. A l’usine.

Marc Hurtado &  Alan Vega //  Sniper //  Le Son du Maquis

16 commentaires

  1. cet album est une turie, je l’écoute en boucle depuis 3 jours et putain hier je me suis levé à 3 h du matin pour m’en refoutre encore plein les oreilles, il donne une energie de fou furieux, j’arrivai plus a dormir…

  2. cet album est une bol d’air au millieu des immondes nullités musicales qui nous étouffent.
    vive ces deux fous, les vieux nous fouttent par terre, le son est absolument extraordinaire, la musique furieuse et la voix délirante du vieux maitre défoncent nos derniers neurones

  3. Nelly Hurtado, Hélène Vegara, Guy Michel Thor… Et Sylvie Vatain, tu l’as oubliée ?!

    Bon, sinon, je me souviens d’un ado qui avait écrit son premier (et seul) roman à 16-17 ans, c’était une sorte de road movie, si je me rappelle bien, tout écrit à la main et jamais édité. Il était plein de jolies maladresses pubères et sous forte influence djianesque, je crois qu’il y avait même quelques dessins…
    Bon, sinon, je me souviens que ça m’avait très impressionné, et, par mimétisme fraternel, que ça avait motivé mes velléités scripturales…
    Bon, sinon, 18 ans plus tard, il écrit de mieux en mieux, et moi de moins en moins…
    Bon, sinon, j’en ai pas grand chose à foutre de Véga et Hurtado, mais qu’est-ce que j’ai aimé te lire en parler…

    Bon, sinon, merci.

  4. ce cd est renversant. ll sonne comme aucune Cd actuellement sur le marché. Vega est magistrale, enragé , fou , précis comme une balle de fusil à pompe et la musique magistrale de Hurtado frappe plus fort qu’un revers de Nadal, Bravo .

  5. Quel claque cet album, il remet Alan Vega très haut sur un podium entre Elvis et Iggy.
    La musique ressemble à un cobra levé qui à tout moment peut te sauter à la gorge et te finir aussi sec.
    Vega est loin d’avoir fini de nous étonner, quelle forme!!!! cela fait des années qu’il n’avait pas été aussi fort et cette chanson douce « saturn drive duplex » ressemble à un slow dans les bras du diablesse en collant résille et flingue dans à la ceinture…
    Bravo messieurs, j’attend comme un fou le deuxième album ensemble? vite vite, c’est le désert .

  6. j’ai lu vos commentaires et je suis assez d’accord avec vous tous, cet album est une turie, je l’écoute depuis une semaine en boucle.
    Cela fait des années que je n’ai pas acheté de disque avec une telle énergie , une violence qui te donne simplement envie de te battre , de vivre plus fort.
    Ecoutez bang bang à fond la caisse , vous en perdrez quelques cheveux mais putain ca fait du bien

Répondre à heptanes fraxion Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages