Dans « L’identité malheureuse », Alain Finkielkraut se drape dans le manteau virevoltant d’une nostalgie contrôlée. Trois générations plus loin, un critique littéraire lui rend hommage tant que faire se peut.

J’ai beaucoup travaillé. L’œuvre, la pensée, les diverses prises de paroles d’Alain Finkielkraut dans les médias requièrent une attention extrême. Le lire, c’est déjà se murer dans un silence presque religieux pour y dénoter toutes les significations sous-jacentes de ses assertions souvent très alambiquées (pas comme les miennes, très faciles d’accès, c’est mon côté démocratique ne me remerciez pas, non non je n’en ferai rien). Alain Finkielkraut, quoi qu’on en pense, est un intellectuel à l’immense talent. Je me suis concentré dès lors, avant de me plonger dans le titre si romantique de son nouvel essai, « L’identité malheureuse », paru aux éditions Stock, sur les diverses interprétations journalistiques dont ce même essai a fait l’objet. J’ai même essayé de ne pas me laisser dépasser par le début d’affection qu’a provoqué ce romantique tourmenté façon Goethe lors de son passage chez Ruquier. J’ai refréné en moi ce véritable élan d’affection après visionnage du sublime documentaire dont il fut le sujet, dans « Empreintes », où il est remarquable, émouvant, intelligent, passionnant à écouter et à voir. J’ai fait ce travail d’objectivité littéraire que je ne fais que trop rarement (aveu d’un auteur déjà en perdition).

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Toutes les critiques (ou presque) n’ont strictement rien compris aux propos d’Alain Finkielkraut sur le constat d’une époque en déclin. Si j’étais ce « jeune » qu’il fustige à longueur de temps, je rejoindrais l’esprit dialectique d’un auteur réactionnaire et attaquerais (ce que je fais TOUT LE TEMPS) l’émergence d’une culture si globalisante qu’elle en perd ses fondements. Il ne connaît peut-être pas Nabilla ni même Stromae, mais je profiterais d’une tribune de plus de 100 pages dans une maison d’édition de renom pour essayer de tuer l’arrivée désagréablement massive de cette culture. Alain (désolé mon vieux, mais j’adore appeler par leurs prénoms des figures de la pensée) souligne justement que « la quantité et la communion des spectateurs fait désormais la qualité des œuvres ». J’aurais, avec beaucoup moins de talent il est vrai, écrit strictement la même chose. L’appétit culturel pantagruélique des Français n’est pas le bon. La culture est une noblesse, elle est une recherche, une rareté, un raffinement tout particulier. Les « mass medias », chaînes d’information comme stations de radio de grande écoute, ne nous vendent rien d’autres que des supercheries. Quand un film facultatif et fade comme Intouchables dépasse aisément la dizaine de millions d’entrées, c’est qu’il y a un problème. Mais passons, la lassitude un peu mélancolique de l’auteur de ces lignes est un cri de désespoir qui ne sera jamais entendu, alors à quoi bon ?

Tristes généralités

414ki-vN7OL._Disons-le tout de suite, j’ai quelques points de désaccord minimes avec l’auteur de cet essai lumineux : son attachement viscéral (donc légitime) à ce qui a fait la grandeur d’une certaine exception culturelle Française est parfois un peu brouillé par des propos très limites, notamment lorsqu’il utilise le mot intégration qu’il généralise à tel point qu’un refus sémantique doit s’imposer. Jeunes gens qui aimez cette douce conception d’appartenance patriotique à un pays qui a accueilli vos ancêtres, point n’est utile de vous intégrer. Une obligation cependant, qui va de facto si j’ose écrire : évoluer de façon normale, en phase avec le rythme que vous impose la culture française, sans pour autant dédaigner vos appartenances religieuses profondément enracinées. Suis-je assez clair ? En gros, Alain Finkielkraut doit être le penseur le moins réactionnaire et le plus objectivement réaliste qui soit. Ce qu’il fait, c’est démontrer avec brio que les notions de « respect », à l’école notamment, se doivent d’être à nouveau à l’ordre du jour. Rien n’est plus beau qu’une certaine exigence dans un travail de mûrissement intellectuel qui doit être fait à tous les instants. Autre sujet de désaccord majeur : INTERNET MESDAMES ET MESSIEURS. Non, ce monde nouveau et conquérant ne rend pas fou. Mais gageons qu’Alain Finkielkraut (et il l’assume le petit père) est technophobe. Il n’a ni page Facebook, ni Twitter, il récuse catégoriquement toute utilisation de nouvelles technologies. On lui pardonnera.

Quand certains ont voulu enfermer ce génie dans des carcans réactionnaires, quand certains (tous ?) ont voulu placer notre Goethe Français dans l’idéologie rance, maurassienne, proche d’une Action Française belle et bien morte, l’auteur de ces lignes (de confession musulmane et marocain d’origine) fait acte qu’il n’y a rien de plus moderne, qu’il n’y a rien de plus sage, rien de plus pieux et respectable que quelqu’un qui écrit, si joliment d’ailleurs, que : « Une grande quantité peut être investie dans l’ignorance lorsque le besoin d’illusion est profond ». C’est beaucoup mieux que cette merde de Guillaume Musso, Marc Lévy, et tous ces raclures littéraires.

Alain Finkielkraut // L’identité malheureuse // Stock
Illustration : Clairefond

12 commentaires

  1. La phrase « Une grande quantité d’intelligence peut être investie dans l’ignorance lorsque le besoin d’illusion est profond » est de Saul Bellow

  2. J’ai envie de démonter cet article ligne par ligne mais le pire est sans doute qu’il existe. Finkielkraut,
    sérieux ? On l’avait oublié ? On ne le voit plus ailleurs ?

    « En gros, Alain Finkielkraut doit être le penseur le moins réactionnaire et le plus objectivement réaliste qui soit. » Ahahahah. C’est vrai que le « réalisme » est la valeur la moins réactionnaire du monde.

    Franchement si tu n’as pas de meilleurs exemples d’auteurs contemporains que Musso, Lévy, et Finkielkraut, tu ne peux t’en prendre qu’à toi même. Et range tes leçons à la « La culture est une noblesse, elle est une recherche, une rareté, un raffinement tout particulier. »

  3. Certains mesurent la valeur d’un article au nombre des commentaires qu’il suscite.
    Sa capacité réactionnaire, en somme.
    Je participe de ce mouvement « réactionnaire ».
    Mounir, tout ça n’est pas très sérieux.
    Ce gloubi-glouba. Qui mélange et répété poncifs ANTI-presque tout (médias, culture du peuple,etc) et AUTO-justification identitaire déplacée.
    Préférons-en rire.
    Il y a tant de comiques qui s’ignorent.
    In Fine, Quelle Crotte !

  4. C’est justement cet aspect réac aux nouvelles technologies qui me laissent un peu sur ma faim avec ce mec. Je crois qu’il va falloir attendre encore quelques années pour avoir un philosophe qui prenne en compte l’aspect globalisation / informatique qui mène le monde aujourd’hui.

  5. Ce philosophe existe, à la naissance d’un monde globalisant et technique, c’est Gilbert Simondon. Tentative de réconciliation entre la technique et la culture.
    Quant au jeu de mot, cela relève du toc chez cette engeance.

  6. Hey chez Gonzai, qu’est ce qui vous arrive ? Faudrait quand même pas nous faire croire qu’au nom de la subjectivité gonzoloïde vous aller nous faire bouffer du Finkielkraut ! Ou alors si vous avez l’ambition de parler sérieusement de philosophie, de politique et d’identité, laissez ça à ceux qui ont vraiment des choses intéressantes à dire sur le sujet.
    Cet article est d’un vide abyssal, creux et prétentieux. Derrière la fausse ironie, la fausse modestie, la fausse indignation, l’auteur tourne autour du pot pour en somme ne rien nous apprendre sur le fond et le contenu de l’essai dont il prétend parler. Et heureusement pour nous, la pensée et la littérature contemporaines sont assez riches pour qu’on puisse faire le choix de s’élever intellectuellement au-dessus de la fange sans lire ni Finkielkraut, ni Musso, ni Lévy.

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