Ras le cul des street artists ? Des envies de meurtre quand tu fais défiler toute cette bouillie pseudo-subversive sur Instagram ou Pinterest ? Alors direction le K-13, un squat parisien de graffeurs géré par des sauvages bien remontés contre le street art officiel. Faites belek, Banksy et JR !

Les amis, prions tous ensemble pour la mort du Street Art. Il est plus que temps que tous ces artistes vaguement urbains terminent comme Kenny dans South Park : le bide troué par un coup de grenaille, le corps démembré, électrocuté, ou bouffé par des rats. Peu importe, qu’on en finisse avec ces escrocs pseudo-rebelles, à la crédibilité réduite à néant à force de collaborer avec la grande distribution et les marques de luxe. Marre de voir Konbini et L’Express se secouer le Chinois sur des installations ou des peintures aux messages « poil-à-gratter » (Lisez : démago, vide et inoffensif).

Dans la haine, tenons-nous donc main dans la main et entrons dans le squat du K-13, rue de Tolbiac à Paris. Ici, on canarde les Street Artists qui marchandent leurs miches avec les politiques et le grand capitalisme prédateur (pas la peine de te cacher Shepard Fairey, on aura ta peau ! Et non, Obey n’est pas une « extension de ton œuvre militante enracinée dans la contre-culture DIY du punk rock », c’est juste une marque de fringue basique avec des messages politiques niaiseux).

OBEY, CONSUME, SLEEP : MONEY IS YOUR GOD

Premier au front, le « Général » : un type en treillis, casquette de guérilléro vissé sur le crâne, rangos aux panards, et décoration étoilée en toc épinglée sur le t-shirt. « Beaucoup se gavent, parce que le Street Art fait vendre. Il n’y a que quand t’es pauvre que tu peux être créatif. Quand tu cherches en permanence à emmagasiner un peu d’oseille, là, ton cerveau fonctionne à de nouvelles idées. »

(C) Pierre de Baudouin & Levko Wacky
(C) Pierre de Baudouin

Dans les squats, on tombe plus facilement sur des « vandales » prêts à graffer n’importe quoi (murs, plafonds, ou rideaux), que sur de simples « artistes », selon le Général (un surnom que Stéphane Hessel, l’auteur d’Indignez-vous ! crevé il y a quatre ans, lui aurait donné en personne). De quoi faire flipper quelques habitants de Tolbiac pour leur confort bourgeois. « Certains riverains ont du mal, majoritairement des retraités, explique Antonio Xavier (son nom au civil, qu’on a pu fact-cheker directement sur sa carte d’identité). Quand ils voient un lieu comme ça, il y a trop de couleurs, ils ne comprennent pas ce qu’il se passe. C’est une forme libre de culture, non programmée. Du coup c’est un trop gros choc pour eux, leur monde est disloqué. »

« Tu vois une roue ? Et ben j’ai décidé de vivre entre la bande de roulement du pneu, et le goudron. » (Le Général)

Si certains se font chier la bite à faire des détours dans le quartier pour éviter le K-13 « parce qu’ils ne veulent pas t’entendre leur dire bonjour », d’autres optent pour l’action concrète, en loucedé. « Ils passent devant l’entrée et déchirent des trucs, c’est pathétique, regrette le Général, qui garde le hall le cul fixé sur son fauteuil, de 7 à 23 heures. Parfois on les attrape, ils ont les boules ! »

(C) Pierre de Baudouin
(C) Pierre de Baudouin & Levko Wacky

Et comme ça, se faire chopper ne fait pas spécialement bander. Le Général, un peu siphonné du bocal, qu’on se le dise, défend avec une sacrée conviction sa conception bien freak de la société (la citation qui suit est retranscrite quasi telle quelle ; c’est non coupé, ça défonce donc sévèrement le cerveau) :

« Je vis à la marge de la marge de la marge. Ma normalité de vie, c’est l’extraordinaire de la majorité de la grande population. Je fais partie de l’élite de la marge. Tu vois une roue ? Et ben j’ai décidé de vivre entre la bande de roulement du pneu, et le goudron. Sauf que, aujourd’hui à 49 ans, mon pneu fait 100 pouces de large, et je suis sur la 8ème voie de l’autoroute. Quand je m’arrête sur la bande d’arrêt d’urgence, j’ouvre mes portes, je descends et je me rends compte que les gens sont plus ou moins lobotomisés ! Les autres humains sont pressés, ça m’intriguera toujours. Ils sont dans les bouchons, ils ne font que passer, ils courent après le temps. Mais le temps c’est pas que de l’argent, le temps c’est de la vie. Une fois que t’as plus de vie, t’es mort, et c’est définitif. Des Highlanders, j’en n’ai pas encore vu ! »

« Je suis pas un street artist, je suis un graffeur. Eux font ça pour le fric. » (Un graffeur)

Mais tous les Parisiens ne sont pas pavlovisés à l’art officiel et au bon goût culturel. « En fait, 90 % des retours du voisinage restent positifs, ça se passe très bien globalement, met au clair le Général. Pour cet habitué des squats (le K-13 représenterait sa 1622ème ouverture de lieu en quelques années – ce qui paraît complétement pété, mais passons), ouvrir le graff à tout le monde est essentiel : « Je suis l’organe de communication entre l’intérieur et l’extérieur, entre nos deux mondes. Tu vois, je sais qui rentre, qui sort, et à ce moment exact, il y a 38 visiteurs dans le bâtiment. Et bien prends par exemple la maman qui vient de rentrer : je suis là depuis trois semaines, je la vois passer tous les matins et soirs… Son cerveau a quand même pris un sacré temps avant de passer nous voir, avec sa fille. »

(C) Pierre de Baudouin
(C) Pierre de Baudouin & Levko Wacky

On laisse ici le Général, sous les regards de Mère Theresa, l’Abbé Pierre et Coluche, transformés pour l’occasion en singes de la sagesse. « Tais-toi, ferme les yeux, bouche-toi les oreilles et tout ira bien ». Un improbable vieux de soixante-dix piges, champion du monde de toupie à croire sur parole, lâche une démo de yo-yo ficelée par une histoire à la mords-moi-le-nœud.

Enculés De Fripouilles

On s’enfonce à travers les six étages du bâtiment, réquisitionné par les mecs du coin pour y partager leur culture. Entre les murs entièrement graffés par Rebus, Crey ou Lady K, on tombe sur une chiotte entrouverte, des slips étendus sur un tancarville, ou une salle de bain occupée par un matelas et un vélo. « On héberge des familles qui sont à la rue », explique Wil. Une gueule à la Kool Shen sous son crâne rasé, bon gros ACAB tatoué sur le bras au milieu du reste, Wil raconte qu’il a été contacté par un mec d’Action Concrète pour ouvrir le lieu. « Mais quand il a vu les avis d’expulsion de la mairie, il a disparu, alors on a récupéré le truc. »

(C) Pierre de Baudouin
(C) Pierre de Baudouin & Levko Wacky

Par « le truc », comprendre : « les emmerdes ». Wil a « commencé le graff très tôt », tout en embrassant le monde merveilleux de la drogue et du deal. C’est « grâce aux petits du quartier » qu’il s’est remis aux bombes et aux Posca. Un moyen de sortir un peu de la merde, dans laquelle il se replonge pour rendre ce qu’on lui a donné : un lieu où s’exprimer. Les murs, eux, hors de question de les rendre. « Le bâtiment a été lâché par la mairie à EDF, qui touche des subventions pour le remettre aux normes, mais ils en font rien. C’était à l’abandon depuis trois ans. Nous, on a retapé le rez-de-chaussée, on a coupé les tuyaux qui dépassaient pour que personne se blesse, on a fait des coffrages, de la peinture, une cabine insonorisée. On bosse tous à côté, on a une vie, ça nous a coûté énormément de temps et de l’argent. »

Faut-il brûler les street artists ?

Après avoir gagné un premier procès pour « occupation illégale » en invoquant la réquisition citoyenne, Wil et son asso, Village 13, ont été réattaqués par l’entreprise : « On a deux mois pour se barrer. On va faire une lourde expo pour finir en beauté, et on va ouvrir un autre truc dans le 7e. Est-ce que j’en serai ? Je sais pas encore… »

(C) Pierre de Baudouin
(C) Pierre de Baudouin & Levko Wacky

L’histoire classique du gros contre le petit, de David contre Goliath et toutes les métaphores mythologico-historiques qu’on ressort à toutes les sauces pour illustrer un monde régi par les nantis et le pognon. Le même qui a fait basculer le graff vers le street art, que Wil dégueule en prenant soin de peser ses mots en posant ses couilles.

« Je suis pas un street artist, je suis un graffeur. Eux font ça pour le fric. Le 13e, c’est le quartier du street art et nous, alors qu’on vient du 13e, on a pas notre place dans ce milieu-là, on est boycotté. On nous donne des bouts de mur ridicules, cachés, on n’a jamais droit aux façades d’immeuble. Donc on a voulu montrer à la mairie qu’on était là. »

Un univers pour faire entendre sa voix, et montrer aux fameux « petits du quartier » qu’on peut exister autrement qu’en cramant des poubelles. Ateliers d’écriture, de dessin, ou de photo, la communauté en guise de passerelle vers le reste du monde. La belle histoire.

On aurait voulu en faire un film, il se serait appelé La Haine et on aurait fini comme Mathieu Kassovitz à vouloir casser des tronches sur un ring minable à quarante berges. Les portes du K-13 vont se refermer, et les dirigeants d’EDF iront acheter du street art en galerie, pour amuser la leur.

Pierre de Baudouin & Levko Wacky

11 commentaires

    1. Bref, ta foutu les pieds là bas ? c’est certainement pas les meilleurs graffs qui sont exposer dans l’article …. on se tait quand on ne sait pas

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