Nous vivons une époque de retournement. La musique d’hier détrône les œuvres de nos troubadours modernes dans les bacs (pas besoin de l’avoir pour sortir un album aujourd’hui, par contre pour se bouger le cul, la restauration du service militaire me paraît plus idoine, on aime bien ce mot ici, vous verrez, tous les bons groupes de krautrock qui pourraient émerger…). Nos contemporains se réfugient volontiers dans les modèles culturels du passé pour éviter de saccager l’avenir avec des idées dont la fébrilité n’a d’égal que le niveau zéro de conscience politique de l’homo economicus occidentalus. Seul le désert inspire encore l’idée de vide et toute velléité créative est adjacente aux plans médias en tous genres à base de so-so-so(cial networking).  L’art fait son intéressant mais c’est le vide qui frétille.

C’est pourquoi parler d’un jeune groupe de rock psychédélique français en 2011, c’est un peu comme mettre une paire de charentaise pour assister à un concert de punk hardcore, cela peut paraître vain. La France ne représente pas grand-chose sur le marché du mercenariat (« C’est dans l’air » du 23/02/2011/- Lybie) mais n’est-elle pas capable de fournir au monde du rock quelques jeunes idéalistes aux idées rebelles et au talent venant forcément d’un autre âge ? Certaines personnes sont capables de parler de rock en vantant les mérites du son Rickenbacker dont la fluidité de la fuzz n’a d’égale que la malignité hybride du grain, entre la Fender et la Gibson, ouvrant un canal dans lequel bon nombre de psyche-cowboys n’ont pas hésité à se noyer.  D’autres, plus vaillants, prennent les armes et démontrent au monde entier que le rock n’est qu’une histoire de passion nerveuse, un positionnement existentiel alimenté par la spéciosité des jugements, les rivalités d’école et la confusion des histoires.

Il y a pour moi, chez les Wall of Death, la synthèse de deux grands courants du rock psyché : l’école anglaise des Floyd et autres Soft Machine (sans oublier les non-idiosyncratiques du genre enrôlés dans la pop-brigade des traîtres à cols roulés) nourris à l’herbe verte des pâturages acides de la perfide Albion, à l’inspiration tout droit sortie d’une floppée de nuages, et au son aussi doux qu’une mélancolie bestiale. Et le nouveau courant stoner-psyché américain dont les plus illustres représentants, Warlocks, Black Angels et parfois Brian Jonestone Massacre (quand leurs délires sous acide ne sont pas pervertis par l’alcool) ont déjà sillonné la voie maltée en prophètes de la parole voilée, celle qui fait renaître un espoir d’arrière-monde et vise à bousiller l’aura libérale à la transparence castratrice planant désormais sur chacun de nos actes. Bon, le problème c’est que ces mecs ont déjà plus de matos par personne que n’importe quel combo spazz du nord-est des Etats-Unis quand ils débarquent sur scène. Et que John Cippolina se serait retourné dans sa tombe s’il avait appris qu’une horde de chevelus texans s’amusait à imiter chacun de ses projets par le biais d’un filtre « shoegaze », lui qui ne connaissait que celui du cowboy Marlboro. Paix à son arme.

En bref, il existe aujourd’hui en France un trio de jeunes gens cultivés et actifs, capables d’établir des passerelles entre le désert et les sols fertiles, aussi férus de distorsion lourde que de riffs fuzzy, aux mélodies imparables rappelant autant l’écho d’un Orient lointain (tout droit sorti de l’orgue vintage Farfisa sur cabine Leslie aux sons électro-spatiaux de Brice ou de la 12-cordes Burns de Gabriel) que l’appel du large et des grandes contrées de l’Ouest (cf le son bien stoner de la Vox de Gaby). Des jeunes gens sensibles, capables de redonner leurs lettres de noblesse aux attitudes vintage déformées par la hype en mal d’imitation.  Mais rien ne sert d’imiter quand on a pas les codes, cette musique croyez-moi n’est pas faite pour l’iPod. Je dégage.

Les Black Angels ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, adoptant véritablement le groupe suite à la première partie d’un de leurs concerts à Bruxelles, et n’hésitant pas à les embaucher sur toutes les dates de leur tournée européenne qui vient de s’achever.  Ils les invitent également à jouer au Psych Fest d’Austin (le 1er mai) et leur offrent les services de Brett Orrison, leur ingénieur du son, pour l’enregistrement d’un premier album à paraître sur Reverberation Appreciation Society et dont la distribution est encore gardée secrète (mais ça va être du lourd). Alors me direz-vous, quelle est la différence entre un groupe de musiciens pour la plupart originaires de Toulouse (au moins les deux tiers) jouant ensembles depuis plusieurs années, mais dont la collaboration à trois n’a véritablement commencé qu’il y a un an et demi avec pour seules représentations quelques concerts entre la Gare aux Gorilles et d’autres salles underground, et un groupe dont la presse spécialisée américaine risque de s’emparer rapidement et d’adouber comme la relève du rock psyché américain (euh… cherchez l’erreur) ?
Ben à la limite on s’en branle de la différence, nous tout ce qu’on veut c’est que la France permette à cette scène – et au bon rock en général – d’exister dans ce pays où les variétés de fromage sont autant d’insolences faites au formatage. Et si j’oublie des noms, occulte le style et fait l’impasse sur la méthode, ben y a toujours les commentaires. Biz.

http://www.myspace.com/inthewallofdeath
http://www.austinpsychfest.com/

22 commentaires

  1. « Nos contemporains se réfugient volontiers dans les modèles culturels du passé pour éviter de saccager l’avenir avec des idées dont la fébrilité n’a d’égal que le niveau zéro de conscience politique de l’homo economicus occidentalus. »

    Heureusement que ces « modèles culturels » ont eux la présence d’esprit quelque peu plus érudite de ne justement pas se calfeutrer constamment dans les modèles du passé, j’eus bien peur sinon que le paysage du rock français ne se résume qu’au reflet incolore des modes musicales (dont l’actuel TRÈS favorable au psycheshoegaze).

    Se figer dans un genre et y rester semble être le passe temps favoris d’une bonne partie de la scène ‘rock’ parisienne. Si j’apprécie Wall of Death live, cette vague de groupe pseudo blackBJM-iens ne fait que conforter mon avis quant au recyclage assourdissant du passé et du déjà accompli.

    Simeon

  2. C’est une vision des choses mais si j’ai fait ce papier c’est que j’estime qu’il y a quelque chose de plus intéressant chez ce groupe et c’est bien la synthèse entre les influences du psyché anglais 70’s et le shoegaze stoner américain plus récent. Ce groupe n’a rien à voir avec BJM ou BRMC. Il a sa propre identité.

  3. Matt, il n’ est pas ici question de goûts musicaux et je n’ entrerai pas sur le terrain de culture musicale (je me bats encore pour trouver du 70s anglais là dedans, et eux même ne doivent pas y retrouver leurs petits) , mais bel et bien de buzz exagéré et de syndrome français qui consiste à suivre leurs aînés anglos saxons sans jamais rien apporter de neuf, et pour les avoir vu sur scène avant les Black Angels à Lille et Paris, je peux t’ assurer que le résultat en live est vraiment moyen. Loin de moi l’ idée de montrer du doigt les choix de première partie des Black Angels (groupe également surestimé à mon avis, on s’ en rendra compte une fois la vague néo-psychée, qui fait des petits chez les branchés parisiens, passée) même si sur le coup ils restent obscures. Maintenant que Wall of Death a la carte B Angles, ils auront leurs entrées partout, et c’ est malheureux. Il suffit de s’ arrêter à l’ originalité des choix des noms de groupes, pour une scène qui se veut représenter une contre culture contemporaine (je n’ irais pas jusqu’ à avant gardiste), ils font preuve d’ un manque d’ imagination tragique. Et la musique est à l’ unisson de leur patronyme. Ils maîtrisent mal leurs instruments, leurs voix et les compos sont quelque peu vides et sans âme.
    Pour finir, ce groupe est un groupe très moyen de la scène française, comme il en existe une dizaine d’ autres, qui se rassure de leur manque de créativité à coups de 12 cordes mal accordées, et j’ attends enfin une scène française novatrice qui sortirait du troupeau des brebis suivants black Angels, BJM ou Black Lips, dont les soirées underground actuelles regorgent. S’ il vous plaît ne créez pas de buzz immérité (pléonasme?), vous renforceriez les jeunes groupes dans un sentiment de réussite facile et de médiocrité artistique. Soft Machine, Caravan et VdG Generator s’ en retournent dans leur cabine Leslie.
    en peu de mots, messieurs de Gonzai et du néopsychéshoegaze américano anglophone parisien:
    De l’ audace, svp…. Vous êtes chiants.

  4. En fait la personne que tu remets en cause, c’est toi qui aurais écris mon article. Mais je ne reviens pas sur ce que je dis et on en reparlera une fois l’album enregistré. Ciao.

  5. je ne veux remettre personne en cause, mais j’ ai un désir inassouvi depuis des décennies de me prendre des claques musicales françaises, j’ attends impatiemment. Mes potes avaient des groupes bien meilleurs en Bretagne dans les années 80 et ils n’ ont jamais rien concrétisé de plus qu’ une chronique dans le Telegramme et enregistré une cassette à 200 unités. Je trouve gonflé qu’ on ose me dire sans sourciller que ça, c’ est l’ avenir du psyché américain, chinois ou maltais. Parce que le problème, c’ est que des gens vont vous croire, car ils aiment se faire dicter leur goût par la presse à la coule (vous êtes un magazine du web de qualité, les gens boivent vos avis et vos mots, vous avez donc une responsabilité éditoriale, même si j’ admets que tu écris à la première personne). Il faudrait tout d’ abord revenir à la définition originelle de musique psychédélique (qui met l’ âme à jour), et je ne vois pas d’ âme, mais de l’ opportunisme. Encore une fois, ce n’ est pas une question de goût, mais du pur délire hagiographique, cet article. Ou faites un article sur le scène en générale. Ou alors c’ est des potes de Gonzai. Je plaisante. Et oui, attendons l’ album, je fais confiance aux Black Angels et leur studio suréquipé pour masquer leurs défauts. En attendant je m’ ennuie, ou je n’ ai pas lu les bons articles sur les bons groupes. Je vais m’ y mettre.
    Ciao.

  6. OK, pas de soucis, c’est une question de goût mais je trouve que ce groupe a un sacré truc qui vibre en lui et qui peut certes paraître inabouti à l’heure actuelle mais qui révèle un vrai potentiel. C’est pas les studios qui vont masquer tous les défauts mais cette aventure leur permettra au moins de se surpasser et je pense sincèrement qu’on peut s’attendre à de bonne surprise et une confirmation quant à la qualité des influences et compos.

  7. Cette histoire de responsabilité éditoriale c’est vraiment pas très malin, surtout chez gonzaï qui je pense se torche pas mal le cul avec cette idée . Désolé pour tes potes bretons mais encore une fois la musique est un système injuste et on ne va pas se la jouer ancien combattant genre c’était plus dur avant… Et puis même si c’est le cas on ne va pas souhaiter ça à la jeune génération . L’opportunisme, pff franchement si les wall of death voulait faire une carrière de pute ce n’est certainement pas ce créneau qu’il choisirait. Faut revenir sur terre sur le coup.

  8. Gonzaï et ses rédacteurs, tu les aimes ou tu les quittes.
    Ne pas être d’accord sur un papier, c’est un droit. Ecrire un commentaire de la taille d’un article, ce n’est pas forcément un devoir. Ou alors on envoie un mail à desk@gonzai.com avec en objet « droit de réponse » et on se fait publier la semaine suivante.

    Signé,
    le courrier des lecteurs

  9. Merci le courrier des lecteurs mais j’ aime Gonzai et j’ y reste, j’ ai passé l’ âge des remontrances, vieux con qui s’ en dédit.
    Deux mots, alors, courts, je m’ adapte:
    -Ce n’ était pas mieux avant mais on ne s’ enflammait pas pour le moindre groupe qui n’ a rien sorti.
    -Et si, quand on est limité techniquement, ce genre de musique (et c’ est pour ça que tant de groupes s’ y mettent), c’ est le moyen le plus facile de se faire remarquer en ce moment. Tout le monde ne peut pas faire du Justice, Weezer ou Killers pour renverser les stades.
    Point.
    Merci Gonzai, on vous aime, donc on critique et on s’ exprime.
    Amitiés sincères.
    Michel Taliev.

  10. Alors là pas du tout d’accord avec toi Michel, c’est pas du tout la limite technique qui impose aux groupes de se lancer dans tel ou tel genre, genre que tu réduis à ses plus simples extrémités sans percer ses motifs profonds qui sont aussi la transgression des moyens techniques pour atteindre une certaine émotion. La technique c’est aussi chiant que tes groupes bretons qu’on ne connaît pas, que tu ne cites pas et dont on ne peut valider l’autorité en matière musicale, l’important c’est ce qu’on peut faire avec et pas besoin de l’utiliser a maxima pour faire du bon son.

  11. Pfff quand je pense qu’à l’époque, y avait FKK, France Kultur et les Kramés, ça c’était du groupe ! Et RIP Yvonne Le Gall …

  12. Aucune intention de rentrer dans un énième débat sans fin, mais il est très clair que tu es obtus, bloqué par ton shoegazo-fanatisme passager. Loin de moi l’idée de dénigrer le genre, en étant moi même friand.

    On ne peut te reprocher d’aimer le groupe, mais quand tu parles de « qualité d’influences et de compo », je me pose véritablement la question de la qualité de ta culture musicale.

    J’essaye, mais je ne vois et n’entend pas ce qui te porte avec tant d’entrain dans leur défense digne d’un banale blog de fan.

    Certes la technique ne fait pas le groupe (et peut même porter préjudice), mais affirmer que « c’est aussi chiant que tes groupes bretons » est digne de la première phrase non réfléchie sur laquelle je suis revenue plus haut.

    Il est inutile d’entrer dans un débat j’aime/j’aime pas mais peut-être devrais tu, pour ton propre intérêt, aller écouter un peu autres chose que des groupes menés par les ribambelles de pédales reverbs.

  13. Alors là Simeon, j’ai envie de te dire: je t’emmerde profond! En effet je ne suis pas du tout fanatique du style shoegaze et j’écoute pleins pleins pleins pleins d’autres choses. C’est moi qui dans le cadre d’un commentaire sur ce site (le rédac chef en retrouvera peut-être la trace mais c’est déjà très très loin) ai peut-être parlé pour la première fois en France d’un groupe comme MGMT, ou encore de Lightspeed Champion et de Cercueil qui étaient absolument inconnus au moment où je les écoutais, c’est-à-dire au tout début. Par ailleurs si tu lis bien mon post, je suis un fan de John Cippolina et du QMS ce qui je pense ne témoigne pas d’influences de merde, ni les Pink Floyd ou Soft Machine. J’écoute aussi bien du hardcore que de la très bonne pop et je pense être plutôt pointu dans pas mal de genres même si je suis pas non plus un boulimique à la recherche du dernier truc et que je me rappelle pas de la moitié des groupes que j’écoute en général. Donc tu vas s’il te plaît fermer ta gueule et arrêter de te défendre de plus en plus mal.

  14. On dirait du mauvais Spacemen 3… dans le style néo-psyché, je préfaire KORAI ÖRÖM… ils sont hongrois et techniquement ils maitrisent !
    Mais bon c vrais qu’il est facile de critiquer et il faut peut-être voir (ou mieux: écouter!) cela dans quelques années, une fois que le buzz sera retombé.

    A propos, est-ce que quelqu’un connait « Salarymen », ils ont sortis 2 albums il y à une dizaine d’année et puis plus rien… si il y as des personnes qui pourrais m’en dire plus, merci !!!! A l’époque, j’était fan !!
    Et puis il y avait aussi les « Anges » il y a 3 ou 4 ans, ils sont Belges.
    Allez A+ une fois

  15. Toutes mes excuses aux personnes que j’ai pu insulter dans mes comments,j’étais jeune et un peu fou(fou)gueux. J’espère que l’album vous a plu en tous cas, je le trouve vraiment énorme en tous cas. Bon vent à tous. Musicalement, Matt OÏ;

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