Bloqué chez moi tout l’été, j’ai décidé de regarder ce que la télé offrait de mieux en terme de culture : Voyage au bout de la nuit. De la culture littéraire sans filtres, sans Yann Moix, sans PPDA ni experts; en somme de la pure prose. Un challenge aussi original que chiant, et dont voici le récit.

L’émission dite la moins chère du P.A.F a le concept le plus simple du monde : une femme, un livre classique libre de droit et un canapé. Bon, pour se farcir l’émission en entier, il faut le vouloir et avoir du temps. Heureusement que nous sommes en août. Un thermos de café et toute ma bonne volonté, je suis fin prêt à recevoir un bon shot de culture façon C8 pour vous raconter mon expérience.

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02 : 30 : Annoncé à 2 heures 20, toujours rien. Même les programmes TV ne sont plus fiables, je comprends mieux pourquoi tout le monde va sur Netflix. Télé Loisirs a pourtant une solide réputation dans le milieu, comme quoi les fake news ça touche tout le monde. Les dix minutes de retard se révèlent fatales, à la place de mon show littéraire j’ai le droit à un ersatz de zapping Web. Des chats, des enfants et des skateurs. Médiocre, la télé se met à imiter le Web. Je vais écrire à la rédaction de Télé Loisirs pour les informer de ma mésaventure, ils se rendront compte qu’une information vérifiée peut sauver des nuits.

https://www.dailymotion.com/video/x25v6lv

02 : 43 : Alléluia, la messe commence avec un petit générique sexy. Aujourd’hui c’est Sibylle qui va accompagner ma nuit, lecture de La femme au collier de Velours d’Alexandre Dumas. Une complication se profile : n’étant pas un fidèle, j’ai loupé les précédents épisodes donc ne vais rien comprendre au bouquin. Pour ne pas rester dans l’incompréhension, je me remets à une méthode usée jusqu’à la corde par adolescents et chroniqueurs: taper le nom du bouquin sur Google et me faire une idée de l’oeuvre avec deux phrases de résumé. Selon Wikipedia : c’est un court roman, soit au moins une dizaine d’épisodes de lecture pour Sibylle.

02 : 46 :  trois minutes plus tard, je me fais déjà chier. Afin de chasser l’ennui, je glane des infos sur sur le web. Quelle surprise ! Les suggestions de recherches associées au nom de l’émission sont remarquables : le titre est suivi de Hard, Hot ou bien Oups. Oui, il semble exister une bande de cyber perv prenant des screenshots lors de croisements ou de décroisements de cuisses. Voici ma nouvelle activité pour la nuit.

03 : 02 : Passer trois heures et rester éveiller jusqu’au bout de la nuit sans boire un coup s’avère mission impossible, elle lit d’un ton monocorde à l’extrême. Chez moi, il y a du saké, je me mets dans l’ambiance perv japonais.

03 : 11 : Je pense au mec qui s’est fait toute la discographie de U2 d’une traite, peut-être que ça passerait mieux si Bono lisait à la place de Sibylle et vice-versa.

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03 : 19 : Je ne comprends toujours rien au bouquin, c’est l’histoire d’un gars dans le XIXème qui fait des choses à Paris pendant qu’il y a des gens qui en font d’autres pour aboutir à un truc. Un instant concentration s’impose.

03 : 26 : Putain de moustiques, entre l’humidité et la chaleur c’est le Congo. J’ai envie d’en parler à Sibylle.

J’ai lu sur internet que ces filles sont des comédiennes professionnelles, j’ai peur pour le futur du cinéma français.

03 : 45 : Changement de plan, gros plan. J’ai eu peur, ses jambes ont disparu. Peut être est-ce une astuce du réalisateur pour que je me concentre sur le roman. Heureusement que j’ai gardé une photo.

03 : 52 : « La vision de la nuit avait presque disparue ». Dumas. Oui Sibylle, pour moi cette nuit t’es dédiée et l’astuce du réal’ a marché.

04 : 00 : J’ai lu sur internet que ces filles sont des comédiennes professionnelles, j’ai peur pour le futur du cinéma français. Ceci étant on ne peut pas leur enlever leur endurance, lire autant sans se fatiguer est un vrai tour de force !

04 : 10 : Que se passe t’il ? L’émission semble terminée et se finir ! Incompréhension. Sibylle ferme le livre et me laisse sur ma faim avec une pub KFC. Je sais qu’à 4 heures du matin je ne suis pas fin, tout de même j’aurai bien voulu lui payer un verre avant qu’elle ne parte.

L’émission ne suit donc pas un livre unique toute la nuit, la fille change et le livre aussi sans prévenir. Avec cet échangisme télévisuel je sens un certain malaise dans la culture zapping. Pour suivre une émission, mieux vaut s’accrocher et ne pas avoir peur des transitions moisies. S’en suit une présentation pour un futur programme prime time de la chaîne : Don Camillo en Russie…..

04 : 16 : La pub ne s’arrête jamais. Le Logo C8 m’hante encore plus que les jambes de Sibylle.

https://www.youtube.com/watch?v=ggzJebf5EKU

04 : 22 : Retour dans le coeur du sujet littéraire. Suivant le générique, une rousse un peu comaque apparaît afin de passer son oral de bac avec Bel-Ami. Dès les premières lignes de lecture, première faute de Claire, c’est Georges DUROY pas LEROY. Respect zéro. Touche pas à Bel-Ami. Avec sa pause lascive Maupassant validerait, syphilis oblige. Cependant elle a l’air plus impliqué que Sibylle, est-ce dû à ce nouvel auteur ? On ne peut pas enlever le charme de Guy.

04 : 24 : Fatigué, je commence à voir les limites de mon implication, deuxième verre de Saké. Kanpaï !

04 : 34 : Alors que je fermais les yeux une phrase me tira de mon repos : « L’arabe est la proie naturelle du soldat ». J’avais dit pas de réacs ! Est-ce que Claire veut nous faire passer un message politique ou reste-t-elle fidèle à l’oeuvre ? A creuser.

04 : 38 : Le temps passe et la passion du screenshot de l’entrejambe commence à trouver un écho chez moi.

04 : 40 : En écoutant l’histoire de Bel-Ami, je fais un parallèle avec la mienne. Si je suis Bel-Ami, Claire ne peut être que Madame Forestier. Devrais-je me marier avec elle pour devenir un journaliste reconnu ?

On devrait passer ses vidéos en classe ZEP pour promouvoir la littérature.

04 : 46 : Chacune de ses actions deviennent aussi importantes que celles d’un film avec JCVD. Les changements de plan aussi peu qu’ils sont se caractérisent par force et puissance. Elle tourne la page avec un tel débit que je n’arrive plus à suivre. C’est décevant, nous ne sommes pas en phase, on sent bien qu’elle n’est pas en train de lire l’oeuvre en pleine nuit. En outre, elle fait des erreurs, ça me redonne espoir. Cette femme n’est pas un robot comme l’autre, l’humanité suinte par ses erreurs.

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04 : 50: Par peur de m’endormir, il est l’heure de faire une brève description de la scène. En arrière plan vous trouverez un fond, de couleur vert, qui pour nous est celui d’une ville la nuit. C’est beau une ville la nuit. Ça pourrait être n’importe laquelle, nous dirons ici que c’est Düsseldorf, rien de plus neutre qu’une ville allemande. Au premier plan, un canapé qui parait confortable, mais de piètre facture; cela demande une investigation plus poussée. On ne sait jamais, ça peut être un convertible au cas où elle s’endorme, donc une information croustillante. A gauche une pile de livres probablement d’occasion, chopés à la cafétéria. Peut-être est-ce ainsi qu’ils choisissent leurs thèmes.

04 : 55 : On s’endort en écoutant Bel-Ami. Un vrai plaisir de redécouvrir cette oeuvre, le charme de l’émission commence à marcher. C’est beau, c’est chaud c’est Maupassant, et la voix de Claire donne vie à tout ça. On devrait passer ses vidéos en classe ZEP pour promouvoir la littérature.

05 : 00 : Combien de temps Claire arrive t-elle à passer les jambes croisées ? Peut être Siri pourra me le dire. Elle me répond « Voici l’état de la circulation ». Je crois qu’on ne se comprend plus.

La télé est vraiment le média du monde d’avant : sur Youtube il existe une avance rapide.

05 : 10 : Je devrais compter le nombre de fois où elle dit « Bock ». Le langage fin XIX ème est fleuri, ça parle de croupe, de pâté et du temps où les femmes appelaient les hommes « mon chat ». Je me sens mieux avec Claire et Maupassant qu’avec Sibylle et Dumas.

05 : 22 : Si j’étais en prison ou illettré, je serais fan de cette émission. Fin de l’épisode, si pub il y a, je me coupe les veines. Finalement non ça continue….. Même robe, même canapé l’émission littéraire la moins chère du PAF mérite bien son titre.

Les femmes et livres changent, le décor reste

05 : 26 : Je vais sur les réseaux sociaux et constate que l’on parle toujours de Clara Luciani…. Le monde est donc resté le même, je préfère rester enfermé avec Claire et Bel-AMi.

05 : 43 : Encore une question existentielle, pourquoi ai-je proposé ce papier ? Non, je ne suis pas plus malin que les autres, il y a donc bien une raison pour laquelle il y a si peu d’articles sur cette émission. La télé est vraiment le média du monde d’avant, sur Youtube il existe une avance rapide, ici pas le choix…. Seul face à ma propre histoire.

11 : 58 : Je me fais réveiller par une série intitulé Petits Meurtres entre riches, la transition est brutale. En pressant le bouton 1 de ma télécommande je tombe sur Jean Luc Reichmann. Les douze coups de midi me rendorment.

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