Joe Haege, sorte d'incarnation indie rock bien connue de ceux qui ont bien connu son groupe 31Knots, vient présenter quelques échantillons de son nouveau projet Vin Blanc/White Wine à l'occasion d'un showcase au Studio Atomino devant une poignée de jeunes teutons entassés à la va comme je te mets en batterie sur des poutrelles ou des marches d'escalier. Mélodies indé en sous-sol.

Mon premier contact avec Joe Haege ne remonte pas à bien loin, quelques semaines à tout casser, par le truchement de la pochette de « In every way but one », l’album de Vin Blanc. Un homme qu’on imaginerait volontiers en chef du service comptabilité d’une PME est-allemande spécialisée dans les fournitures de bureau, photo barrée d’un Vin Blanc/White Wine et sa police de caractères que seule une fillette dépressive qui s’accroche à la vie en lisant des citations de Tuomas Holopainen pourrait considérer supportable. Le genre d’image ignoble qui me donne envie d’aller voir ce que le gars tente de me cacher. Car un type qui semble se foutre aussi ostensiblement de la façade doit avoir soigné la déco à l’intérieur pour espérer survivre. Quand t’as pas de tatouage Duchamp à proposer pour te faire remarquer, mieux vaut en avoir entre les deux Do.

L’esbroufe et le m’as-tu vu ne font pas partie du répertoire de Joe Haege, que ce soit avec 31Knots ou ici avec Vin Blanc. En témoigne cette séance live si dénuée d’effets de manche qu’il n’est même pas nécessaire de se montrer distrait pour confondre ces interprétations avec leur version studio, par moments. Joe Haege, en troquant l’Oregon contre Leipzig, a ajouté un brin de rudesse à sa palette sans pour autant changer (ni charger) le trait. On retrouve cette habileté à semer des faux départs ici et là, dès les premières minutes et un Glassy Eyes qui envisage de ramasser quelques miettes vaguement punk sur le trajet, pour finalement renoncer, comme un El Gringo reniflant avec dédain des grains de café indignes de Mr Vabre. Les cinq titres de cette session live sont truffés de ces accrocs qui leur donnent un côté rafistolés à la va-vite par un bout de tôle abîmée ramassée sur un chantier à la périphérie de la ville.

La musique de Vin Blanc/White Wine n’est pas une longue Ruhr tranquille.

Tour à tour élégante et négligée, parfois les deux en même temps. Une guitare au premier abord timide bien planquée derrière deux cymbales en ferraille peut tout à coup décharger la testo (I’m here). La voix de Joe Haege est à l’aise dans l’exercice, très loin d’être en reste, dispersant de ses légers aigus quantité non négligeable de menaces latentes (et qui n’iront pas plus loin), comme à l’occasion du bien nommé Don’t get romantic, et ses phrases qui commencent sur un mode « cri imminent préparez-vous à vous boucher les esgourdes j’envisage le larsen », avant que le dernier mot vienne calmer tout ça. En l’espace d’une ou deux secondes à chaque fois. Et ainsi de suite. En définitive, cette musique va chercher du côté de l’organique. Et plus que l’organique, du côté de l’organe lui même, quel qu’il soit. Des compos qu’on s’attend à voir trébucher d’une seconde à l’autre, et qui se marient donc à merveille avec la dimension dangereuse inhérente à toute tentative de se pointer jouer quelques machins devant des gens.

Joe Haege est un concentré d’ADN indé à lui seul. Réellement indépendant, il n’appartient à aucune chapelle, pas même à la chapelle indé, si un truc pareil existe. Vin Blanc/White Wine, pour un biberonné au pop-rock RTL2 dans mon genre, c’est goûter pour la première fois un verre de Riesling, ça picote un peu au début, tu te demandes quel peut bien être le putain d’intérêt, mais quand la tête se met à tourner tu regardes les trucs bouger autour de toi, et tu comprends que t’y reviendras. Et que tu ne toucheras plus jamais à la Tourtel.

Vin Blanc/White Wine // Live at Atomino Studio
http://vinblancwhitewine.bandcamp.com

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