Amis carnivores, si vous salivez à l’idée d’un steak saignant, si l’odeur du poulet grillé éveille en vous une irrépressible envie de manger avec les doigts ou si vous préférez l’agneau ou mouton et tout ça parce que la chair est plus tendre,  cet essai est fait pour vous ! Le romancier Jonathan Safran Foer délaisse un temps la fiction pour enquêter sur une activité primordiale de notre emploi du temps : bouffer. Et plus particulièrement notre rapport à la viande.

L’homme se considère comme omnivore (en gros, un peu comme le cochon, il peut manger n’importe quoi) mais s’il y a une denrée dont il a du mal à se priver, c’est bien la carne. Héritage de nos ancêtres préhistoriques chasseurs de bisons, la présence de la viande à table constitue un signe de réussite (guerrière, ou aujourd’hui sociale) et contribue à la cordialité des convives (imaginez un repas de Noël où la dinde aurait laissé sa place à un plat végétarien et tout de suite la fête est moins folle). En gros, ça fait des plombes que la viande est considérée comme un mets de choix.

Depuis la fin du XIXe siècle et l’industrialisation galopante, la demande de biens explose et la bidoche ne fait pas exception à la règle. Tout le monde veut son bout de gras, midi et soir, Chinois et Indiens compris (soit plus de 2 milliards de nouveaux consommateurs réguliers). Pour répondre à ce désir, l’élevage traditionnel est devenu industriel, la ferme une usine et les animaux, des choses. C’est à ce constat que parvient Safran Foer. La déshumanisation de nos modes d’élevage et d’abattage produit de la souffrance (pour les animaux évidemment, mais aussi pour les hommes qui travaillent à trucider à la chaîne veaux, vaches, cochons…) Plus grave, ce modèle intensif de production, dont le profit exponentiel est le seul horizon, participe à la destruction de l’environnement, à la pollution des sols et des océans…Vous me direz, la planète on s’en fout ? Ok. Mais là où le bât blesse, c’est que l’humain paye lui aussi directement l’addition : multiplication des pandémies (H5N1, le SRASS, H1N1…) et même, paradoxalement, crises alimentaires. Je sens que votre fourchette reste suspendue en l’air. Disons que les ressources (eau, terre) sont mises à disposition du bétail et non plus des populations qui en ont véritablement besoin. Mais si les Américains consomment aujourd’hui 150 fois plus de poulet qu’il y a 80 ans, il faut bien les produire à grande échelle. Un peu comme ça

Cette argumentation économique et écologique donnerait presque envie de devenir végétarien, ou au moins de contrôler drastiquement la provenance et les conditions de production des bestioles qui finissent dans notre assiette, histoire de ne plus engrosser des boîtes qui se sucrent comme des porcs. Foer, grâce à de nombreux entretiens (avec des éleveurs, des épidémiologistes, des nutritionnistes…) embrasse en quelques 350 pages un sujet vaste et complexe qui contamine de nombreuses strates de notre société.

Malheureusement, l’essai de Foer oscille aussi autour d’un autre argumentaire qui prône le végétarisme (voire le végétalisme) pour des raisons morales. A coup de comparaisons douteuses (l’élevage assimilé à l’esclavage) et de leçons humanistes (le poisson est notre ami, il faut l’aimer aussi), l’édifiante démonstration économique prend l’eau. On en vient à être agacé par la bonne conscience d’un mammifère qui refuse son statut de prédateur dans la chaîne alimentaire. Pour l’auteur, manger de la viande relève d’un primitivisme aveugle, d’une incapacité à évoluer (si on ne vit plus dans des grottes, évolution oblige, alors on devrait arrêter la consommation carnée. CQFD…) Pas certaine que cet argument fasse mouche ; il a même une fâcheuse tendance à la contre-productivité. Plus le moraliste s’échine à démontrer l’inanité du carnivore, plus l’envie d’un tartare se fait sentir. Plus il exhorte à la consommation des végétaux, plus l’image d’un Big Mac s’imprègne sur la rétine.

Du coup, le sevrage viandard n’est guère assuré à la lecture de Faut-il manger les animaux ? (titre traduit un brin putassier), mais les éléments factuels et leur mise en perspective pourront au moins faire réfléchir les carnassiers que nous sommes au geste politique que représente, contre toute attente l’achat d’une côte de porc.

Jonathan Safran Foer // Faut-il manger les animaux ? // Éditions de l’Olivier
Extrait de Notre Pain quotidien: http://vimeo.com/4041627

3 commentaires

  1. C’est étrange cette histoire de « mode » pour le végétalisme et la bouffe bio. Je repensais à ça l’autre jour en lisant un article sur le cannibalisme (signé Mister Loïc H. Rechi, dans Snatch). Il finissait son texte en citant Ted Turner, un magnat américain des médias et fondateur de CNN qui aurait déclaré que si réchauffement climatique il y avait, toute forme de culture deviendrait impossible (au sens végétale hein mais à la réflexion pas que sans doute) et que donc pour les survivants le cannibalisme resterait alors la seule échappatoire pour survivre. Voilà, ça m’a fait repenser à cette histoire de bouffons bio, bouffons vert, et donc à une sorte de gros déni de réalité avant l’heure.

    Sylvain
    http://www.parlhot.com

  2. C’est dommage d’avoir lu son livre et d’être passé à coté de l’essentiel … ce n’est pourtant pas bien compliqué.
    Les animaux sont des êtres qui ressentent la douleur, le stress, … et nous devons donc simplement être respecteux de ces animaux. Et les methodes de productions modernes ne sont pas compatibles avec cette notion.
    L’idée est donc de limiter, notre impact négatifs sur les animaux. Mais c’est la même chose dans tous les domaines, par exemple d’éviter d’acheter des objets fabriqués par des enfants en chine, … c’est juste se dire que c’est bien de se faire plaisir mais que l’on est pas seul sur terre et qu’on doit être conscient de nos impacts sur les autres.

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