À l’heure où plus personne n’a les yeux rivés sur l’Angleterre pour savoir quelle est la météo musicale de saison, Vanishing Twin pointe du nez comme une Amanite tue-mouches sur les sentiers standardisés du rock Briton.

C’est grâce à Gilles Peterson, DJ influent de la BBC fondateur du Worldwide festival, qu’on a pu contempler les Vanishing Twin dans un cadre féerique : le Théâtre de la Mer sur la jetée du port de Sète en plein foutu coucher de soleil un soir de pleine lune. Autant dire que les astres étaient parfaitement alignés pour voir jouer ce groupe mutant costumé par le magicien d’OZ. Rencontre préambule avec Cathy Lucas et Valentina Magaletti qui ont l’art de transformer les grenouilles en mélodies quand elles ne sont pas à la recherche du Graal en forme de vinyle…

© Pierre Nocca
© Pierre Nocca

Dans votre description on peut lire : « Music for telepathic amphibians ». À qui s’adresse vraiment votre musique ?

Cathy Lucas : « Music for telepathic amphibians » a marqué la naissance de Vanishing Twin. C’était à la base une sorte de concept album que j’ai réalisé. Ça aurait dû devenir une musique de jeux vidéo…

Valentina Magaletti : Un peu comme ce jeu d’arcade à la Space Invaders où la grenouille doit traverser des obstacles sans se faire écraser (Frogger). Cathy est compulsivement obsédée par les grenouilles.

Cathy Lucas : Ceci-dit, il y a toute une mythologie derrière cette chanson. Comme quoi il y aurait une base Alien qui communiquerait par télépathie avec nous sur terre par le biais de la bave de grenouilles psychédéliques.

Tant qu’on y est tu peux peut-être nous éclairer sur le sens médical caché de « Vanishing Twin » ? Tu en aurais apparemment fait toi-même l’expérience ?

Cathy Lucas : Oui, si on peut encore parler d’expérience quand on est un fœtus… « Vanishing Twin » est ce qui arrive au début d’une grossesse quand deux foetus se forment et que l’un absorbe l’autre. On vient donc au monde avec une espèce de double identité schizophrénique. Freak, like me.

C’est une belle histoire…

Cathy Lucas : Il y a une chanson qui raconte cette histoire (Vanishing Twin Syndrome) et nous avons appelé le groupe comme ça suite à cette chanson. Mais on en revient toujours aux grenouille dans le sens ou les êtres amphibiens ont eux aussi une espèce de double-vie : dans l’eau et sur la terre. C’est un thème récurrent dans mes paroles.

L’aventure a commencé pendant les répétitions de ton projet solo Orlando, c’est bien ça ?

Cathy Lucas : Oui, on a commencé à travailler sur mon projet Orlando et puis ça s’est transformé en quelque chose d’autre qui n’avait plus rien à voir avec Orlando car il y avait cinq personnes.

Comment as-tu rassemblé autour de toi ces guerriers spirituels (sic Jodorowsky) qui participent tous autant qu’ils sont à l’identité du groupe (le freak des synthétiseurs Man from Uranus, le clippeur flûtiste Elliott Arndt et le bassiste/illustrateur japonais Susumu Mukai) ?

Cathy Lucas : À Londres on joue tous dans pleins de projets différents et c’est très facile de rentrer en contact. Il y a plein de gens d’âges et de nationalités très différentes, c’est très cosmopolite.

Valentina Magaletti : Tu finis toujours par te rapprocher des gens qui ont les mêmes affinités musicales que toi. Et il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de filles qui collectionnent les vinyles à Londres, ce qui est triste… Avec Cathy on est tout le temps fourré dans des vieilles caves remplies de vinyles et on adore être en tournée pour découvrir de nouveaux disquaires.

« On s’est demandé : qui serait la meilleure personne pour travailler sur le disque ? C’était Malcom Catto de The Heliocentrics ».

C’est quoi votre dernière trouvaille super deep par exemple?

Cathy Lucas : Valentina m’a offert il y a pas longtemps la réédition de Midori Takada, « Through the looking glass », qu’elle a dealé pour pas cher.

Valentina Magaletti : Ma dernière fierté est d’avoir acheté cet incroyable réédition de 5 EP del Gruppo di Improvvisazione Nuova Consonanza qui était le groupe de free jazz avec qui jouait Ennio Morricone. Le label Die Schachtel que j’adore, a fait de cette réédition une vraie oeuvre d’art dans un coffret en bois limité, c’est mon dernier trophée !

Le jazz est donc une grosse influence pour vous?

Valentina Magaletti : Oui on adore toute les deux le jazz du label Blue Note ; Alice Coltrane et Dorothy Asby, mais aussi des trucs plus cosmiques… On écoute très peu de jazz traditionnel en fait.

Vous avez même été jusqu’à travailler avec le producteur Malcolm Catto qui joue dans ce formidable groupe de jazz expérimental qu’est The Heliocentrics…

Cathy Lucas : Oui à un moment donné, on s’est demandé : qui est la meilleure personne avec qui on pourrait travailler sur ce disque ? Qui est-ce qui fait le meilleur son en ce moment ? Et Malcolm was the guy. Le jour même, je l’ai croisé dans la rue car il habite à côté de chez nous et je lui en ai parlé. Il adore la musique et c’est un homme adorable.

Valentina Magaletti : Il est devenu comme un membre de la famille pour nous…

Le frenchy Syd Kemp est aussi de la partie ?

Cathy Lucas : Oui c’est un très bon ami qui nous accompagne souvent en live car Susumu (basse) est très occupé, il joue avec un autre groupe qui s’appelle Floating Points. On va d’ailleurs retourner en studio avec Syd le week-end prochain, on aimerait sortir un single en fin d’année avant le deuxième album…

En terme d’image, Elliott Arndt qui vous accompagne à la flûte et aux congas, réalise tous vos clips… À t-il contribué à façonner votre esthétique ?

Valentina Magaletti : Oui il est très réceptif, si nous avons une idée ou que nous aimons une chose en particulier il est très bon pour faire que cela se réalise en image ou dans un endroit en particulier. On a des influences très larges allant des arts visuels à la photographie.

Cathy Lucas : Je pense qu’on est tous très impliqué dans l’esthétique, Valentina par exemple a réalisé la pochette de l’album et du dernier EP. L’idée n’est pas de créer juste quelques morceaux mais tout un univers. La musique doit être immersive pour nous aider à franchir d’autres dimensions. Ça fait donc sens de tout inclure à l’intérieur quand tu présentes cela à une audience en live ou sur Youtube…

Récemment sur votre page Facebook, vous disiez avoir annulé un concert pour rejoindre un culte de sorcière, je peux en savoir plus ou je suis déjà allé trop loin…

Cathy Lucas : C’est vrai, c’est vrai…. (hésitation) La première règle en sorcellerie c’est de ne jamais mentionner quel culte, sinon on sera obligé de te tuer… AHAHAHA !

Ok passons à la suite… Pourquoi avoir signé sur un label de réédition de compil africaine (Soundway Records) ?

Cathy Lucas : Ils signent actuellement de nouveaux groupes comme The Heliocentrics ou les Flamingods et je pense qu’ils s’intéressent de plus en plus à ce qui se passe en Angleterre. Même si tout ces groupes partagent des influences world music, jazz et psychédélique, ce ne sont pas des groupes de rock british « standards ». Il y a tellement de musique incroyable dans le monde, la musique indienne, turque… Nous écoutons ce genre de choses et j’espère que ça se ressent dans notre musique.

Et en parallèle tu as aussi ton propre label qui porte ce nom incroyable : The Association for the Re-Alignment of Magnetic Dust (RAM)…

Cathy Lucas : Oui nous avons toute les deux nos propres labels. Valentina tient Negative DAYS et joue dans un autre projet qui s’appelle Tomaga… Enfin je pense que tout le monde fait ça, créer son propre label pour sortir sa propre musique. Parfois quelqu’un t’envoie un album que tu adores mais personne ne veut le sortir… Tu penses que c’est criminel, donc tu le sors. Avec RAM on vient juste de sortir le nouvel album de Man from Uranus qui est fantastique !

À quoi ressemble la scène du East London en ce moment ?

Cathy Lucas : Ça ressemble à ta bande de potes, aha.

Valentina Magaletti : Dans les années passées, il y a quand même eu quelques événements fondateurs qui nous ont rapproché et ont rendu les choses plus faciles : le premier a été l’ouverture du café OTO à Dalston qui regroupe toute une scène jazz expérimentale hyper intéressante. Le deuxième c’est un ami à nous qui a eu la super idée de lancer les soirées « Krautrock Karaoké »…

Cathy Lucas : Oui, ça a été très formateur car il invitait tous ses amis musiciens et tu te retrouvais entouré de fans de Neu! à jouer Hallogallo pendant deux heures… Beaucoup de projets ont démarré à partir de ça.

Question Geek pour en finir, c’est quoi cet instrument bizarroïde dans lequel tu souffles sur scène ?

Cathy Lucas : C’est un synthétiseur de bouche (EVI). Ça a été créée dans les 70’s par Nyle Steiner qui fabriquait des filtres et jouait de la trompette. C’est une espèce de blague tordue qu’il s’est fait à lui-même je pense mais cet instrument est devenu culte !

Le dernier EP de Vanishing Twins, « Dream by Numbers », est sorti en mai dernier. 
https://v-twin.bandcamp.com/album/dream-by-numbers-ep

En concert avec The Heliocentrics le 29 septembre à FGO (Paris)

4 commentaires

  1. je prononce une fatwa sur le rond de cuir de pigiste qui a écrit  » UN LABEL DE RÉÉDITION DE COMPIL AFRICAINE (SOUNDWAY RECORDS) » c’est ultra réducteur ,d’abord premièrement Soundway n’a pas reedité que de l’afro,bien au contraire leur choix éditoriaux en matière de réédition sont super éclectique et une bonne partie de leur catalogue comporte bon nombre de de signature de groupe contemporain ,pour ne cité que les plus connu : Meridian Brothers,Fumaça Preta,batida,Family Atlantica etc …il se positionne de moins en moins sur des reeditions afro ,a bon entendeur salut

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