"L’isolement peut te mettre un flingue entre les mains", tel est le début de "From The Sun", magnifique chanson d'ouverture du deuxième album du groupe néo-zélandais dont on ne sait s’il dégage plus de mélancolie solaire dans la veine de Tame Impala que de groove vicieux à la Funkadelic.

Cette phrase est-elle un gimmick océanien convoquant avec connivence les arrières-mondes brillamment figurés par un Conan Mockasin, une lettre ouverte à la revanche sur le lointain ou bien une forme de déclaration de guerre à la solitude que le groupe viendrait briser grâce au principal outil de libération à sa disposition dans ses contrées reculées d’origine, la musique ?
Toujours est-il qu’une chose transcende cet album dans l’utilisation viscérale des guitares acoustiques scintillantes, les mélodies fuyantes et romantiques évoquant autant MGMT que Love et la section rythmique fusionnelle accompagnant chaque mouvement d’une certaine grâce qu’on pourra attribuer à une forme de retenue laissant toute sa place à l’étonnement auditif.

JAG232Avec « II », on est balloté dans un cocon de mélodies et de rythmes avec la même sensation de douceur qu’une phase descendante de vol où la traversée des nuages déboucherait sur un paysage illuminé de soleil, même quand le groupe emprunte une voix bluesy comme sur la chanson No Need for a leader donnant une leçon de finesse à des Blacks Keys un peu tapageurs.
Les escalades mélodiques, les chœurs, échos et sensations de réminiscence ne permettront certainement pas aux Syd Barrett autres Beatles de plaider l’innocence dans cette affaire. Car alors que coexistaient les genres les plus divers dans un bouillonnement créatif à un âge d’or pas si lointain. cet album est coupable de faire sauter les frontières entre les mondes du visible et de l’invisible, briser les chaînes de l’inconscient pour le mettre en mouvement avec l’intelligence du XXIe siècle, à savoir l’impudeur du mélange des genres à l’ère de la segmentation.

Question : quel supplément d’âme pourrait-il manquer à ce groupe jonglant subtilement avec les meilleurs motifs du rock psyché et de la soul ? Car il faut bien qualifier ce dernier essai comme une arnaque de haut vol si l’on considère que le génie musical actuel appartient aux voleurs qui le diluent, puis font disparaître les traces d’effraction, soit tout l’inverse des imitateurs préférant la transparence aux risques du flagrant délit. La condamnation au ridicule plutôt que le ridicule de la condamnation.
Réponse : elle tient en un mot de trois lettres qui doit être le seul mot existant n’ayant plus aucun sens et qui transformera un jour la collectivité humaine en une masse informe de corps despiritualisés soumis au diktat du désir et à la seule contrainte de la survie : la POP.

Malgré les efforts produits pour tendre vers une subversion toujours calculée, chaque chanson de ce superbe album est potentiellement synchronisable dans les musiques de pub, grâce à son caractère malléable et consensuel . Sur « II », on ne perd jamais véritablement pied même si une forme d’authenticité, une beauté mélodique rare et une production originale génèrent des pistes d’évasion. Comme pour les frères du label Jagjaguwar, Foxygen, on est séduit, voire même parfois conquis, mais jamais malmenés, toujours ménagés, sobrement dérobés à nous-même sans être vraiment bousculés. Est-ce d’un côté punk dont manque cet album, d’une bonne dose d’héroïsme piquant les veines encore disponibles après passage à la lessiveuse du grand tout, de l’immense bordel psyché toujours hyper à la mode, timidement d’avant-garde, avec le cul entre deux dièses ? Peut-être est-ce un faux débat dont la conclusion sera plus consensuelle que la question elle-même; à savoir qu’il faut prendre les bonnes choses comme elles viennent et que bon, ce petit album des UMO, il est pas piqué des hannetons.

Pardonnez l’euphémisme, il est le sens de ce papier.

Unknown Mortal Orchestra // II // Jagjaguwar
http://unknownmortalorchestra.com/

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