Ought a marqué les années précédentes avec son post-punk et la voix caméléon de son chanteur, assez unique en son genre. Pas étonnant alors d'apprendre que Tim Darcy s'aventure en solitaire avec son album "Saturday Night", avec une certaine plume de poète.

On aurait pu croire que Tim Darcy allait continuer sur sa lancée et effectuer une énième embardée post-punk comme seul Ought en avait le secret. Que dalle. Il profite de ce tête-à-tête avec lui-même pour ressortir son carnet de poésie, qu’il traîne depuis des années, et couche sur bande des compositions beaucoup plus douces et qui remontent parfois avant même la création d’Ought. On est allé à sa rencontre, autour d’une tasse de thé, pour quelques questions sur ce solo qui respire le Velvet Underground.

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Pour les français qui comprennent 2 mots sur 3 en anglais, de quoi parlent tes chansons ?

Surtout de choses personnelles, de réflexions, de moments d’introspection et de remise en question de l’existence ; un peu à l’image de ma poésie, que j’ai commencé plutôt jeune, avant même de commencer à faire de la musique. C’est plutôt excitant, quand t’es un ado, de te dire : « je vais donner du sens à mes poèmes en prenant ma guitare ». Ce sont deux formes artistiques sacrées qui fusionnent facilement. En général, ça parle de rencontres humaines et des connexions, un peu comme une romance. Quand j’écoute de la musique dans une langue étrangère, il y a une réponse immédiate qui passe et on ressent toute de suite la passion, la joie, la haine ; ou pas. Mais c’est vrai que de se demander « bordel de quoi ça parle quand même » ça aide, pour être sûr qu’on est accord avec ce que l’on croit comprendre.

Tu as failli ne pas enregistrer cet album au départ, pourquoi ?

C’était une période durant laquelle on enregistrait le deuxième album d’Ought, « Sun Coming Down ». J’avais l’opportunité d’enregistrer gratuitement des chansons chez des amis à Toronto. J’étais excité à l’idée de pouvoir faire ça pour mes musiques personnelles. À la première session d’enregistrement, j’ai eu quelques soucis pour basculer du mode Ought en mode solo. Il fallait que je me concentre uniquement sur un aspect tout en changeant de style en fonction de ce que j’enregistrais. J’ai un peu douté de moi, et mes producteurs m’ont convaincu de continuer, en me disant de me détendre et de profiter de cette expérience, d’échanger…

Tu as donc mené une sorte de double-vie pendant 6 mois alors.

Heureusement que l’endroit était cool. Je venais le week-end pour mon album solo, avec quelques sessions le soir, et le reste de la semaine j’étais avec Ought. C’était stimulant d’avoir deux choses à faire, mais c’était un peu éprouvant parfois.

« Certaines chansons de l’album sont à appréhender comme des œuvres d’arts qui vont bien au-delà de la simple musique. »

Tu sembles avoir participé à beaucoup de projets sur Montréal.

Oui, il y en a tellement… C’était cool de pouvoir de faire plein de choses différentes, de voir différents styles, de faire des concerts dans des appartements… En y repensant, c’était un peu grunge et borderline. Certaines de mes chansons viennent justement de cette période-là, où je parle du fait de jouer un peu partout de la guitare et de traîner dans la ville jusqu’au bout de la nuit.

Ça fait un peu penser à la Factory d’Andy Warhol.

Je ne connais pas vraiment la Factory à vrai dire.

Avec Ought, on identifiait le groupe comme étant punk.Avec ton projet solo, on est plus proche du rock 60’s, de Lou Reed et du Velvet Underground. Ça ne te fait pas chier ce genre de comparaison, à la longue ?

On peut tellement comparer tout avec n’importe quoi. On me mentionne souvent Talking Heads, Sonic Youth, The Fall, Lou Reed… Ce sont tous des artistes que j’apprécie, donc ce n’est pas une mauvaise chose. Mais je pense que la comparaison est inévitable pour n’importe quel groupe, surtout dans le Rock. Les gens sont là pour te rappeler comment tu sonnais avant, à quoi ça leur fait penser, comment ça sonne maintenant, et comment ils aimeraient que ça sonne plus tard. C’est un cercle sans fin. Ça me fait penser à ma mère qui m’avait acheté la biographie de Bruce Springsteen. Je l’ai lu et franchement, j’ai halluciné en découvrant que ses premiers albums ressemblaient limite à du Bob Marley, tu vois, en mode reggae-blues-ska. Alors que maintenant, on sait tous que Springsteen a migré dans le Rock. Et on ne lui en a pas tenu rigueur.

Ça vient sans doute d’une démarche inconsciente des gens qui vise à comparer une chose à une autre pour qu’on identifie mieux la chose.

Totalement, et je fais pareil quand je veux essayer de décrire quelque chose. C’est plutôt difficile en fait. Mais donnes-moi 5 minutes sur une chanson et je pourrais vraiment te dire ce qui fait sa singularité, de mon point de vue.

Même si beaucoup de gens disent ça, c’est indéniable : on entend beaucoup d’inspiration en provenance du Velvet et de leurs expérimentations sonores, comme avec ce violon passé sous disto qu’on entend sur quelques morceaux.

Certaines chansons de l’album sont à appréhender comme des œuvres d’art qui vont bien au-delà de la simple musique. Mes producteurs m’ont appris ça sur l’enregistrement, car moi je suis plutôt guitare à la base. Avant d’essayer des choses pour la première fois, comme jouer de la guitare avec un archet par exemple, c’était plutôt étrange dans mon esprit. Mais en essayant et en improvisant j’ai réussi à produire des sons intéressants qui se sont retrouvés sur les enregistrements ; comme les sons de violon que tu mentionnais.

Tu empruntes une phrase au Velvet d’ailleurs : « si à la fin de la rivière il y a davantage d’eau, oserais-tu nager encore ? ». Explication philosophique ?

Quand on avance dans la vie, on se rend compte qu’on ne peut rien achever véritablement. Ou bien quand on pense s’approcher du but, de nouvelles choses débarquent. C’est la vie. La vie a toujours des requêtes pour nous.

Tim Darcy // Saturday Night // Jagjaguwar
https://www.facebook.com/timdarcymusic/

Tim Darcy sera en concert à l’Olympic Café le vendredi 24 février.

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