Ça faisait bien une dizaine de cycles menstruels que j'avais pas peint quelques lignes dans ces contrées. Mais là, sans blague, fallait illico dégoupiller le stérilet 3G pour propager la bonne parole et faire saigner les tympans vierges. C'était l'autre soir, dans ce bon vieux Point Éphémère où je fous rarement les pieds, en dépit d'un excellent burger proposé à la carte du resto... L'affiche ? Esben & the Witch (dont je me passerai ici de commentaires...) et Thought Forms, signature d'Invada Records qui m'a fait mouiller le duffle-coat comme seul un volcan d'Islande en avait d'aventure les moyens. Alors, sors-toi un steak de cheval et écoute ce brave Mathis.

J’étais tout simplement convié à passer un brin de bon temps aux côtés de celui qui m’a fait découvrir les joies de Bangkok l’été dernier. Ensemble, nous avions longuement échangé sur notre vision du chorus et de l’octave et il en résultait qu’on était deux types plutôt bien accordés sur le plan musical. Dès lors, il en allait de soit que si l’un de nous voulait se cogner un concert de qualité, il en avertisse l’autre dans l’heure. Cette soirée entamait le cycle… On aimait bien l’effet rotary. 

En avance d’une demi-heure, nous profitions de nos retrouvailles pour s’irriguer le sang de quelques barons, mais la discussion cette fois-ci, coupait court… comme sciée par une tronçonneuse bien déterminée à éliminer toute trace de vie dans le secteur. Pleins de craintes – à peine dissimulables – face à l’entrée de la salle, nous nous faisions tamponner un sinistre « vérifié » au bas du poignet, qui allait sonner ce soir comme un « bon pour mourir ». Nous pénétrions alors dans ce qui – il fut un temps – devait être une forêt, désormais reconvertie en bunker pour survivants de l’ancien monde. Deux prêcheurs accompagnés d’une Sœur, tous timides de l’extérieur, offraient comme messe une sombre valse bruitiste aux cadences incertaines, témoignant d’un vaste chaos qui les rongeait à l’intérieur. Trois pour faire sonner le monde tel que nous l’avions connu. Trois pour l’enfoncer un peu plus. Depuis cinq minutes, le sol s’était mis à trembler.

L’un sur la gauche, tête enfoncée dans son bonnet, serrait le manche de sa guitare comme la main transpirante de sa mère qui glissait avant de se faire emporter par les flammes ; près de lui, son ami tapait les futs à la manière d’un enfant traumatisé par les images que lui avaient offertes les Hommes. La violence qu’il dissipait et s’infligeait par ailleurs débordaient de grâce, témoignant de cette époque où l’amour rendait aveugle et où les humains rêvaient encore… Quant à la Sœur, infidèle voire lâche, elle était convaincue par la marche. Dans le rang, dissimulant sous ses longs cheveux un sourire confiant face aux lendemains cendreux, elle supportait grâce à sa guitare enveloppée dans une distorsion absorbante le troupeau blessé, prêt à fermer les yeux sur le passé. Une façon comme une autre de traverser la rivière noire en toute sécurité, laissant de côté l’obnubilante peur de recevoir une balle dans la nuque une fois le dos tourné. Un jour, le monde avait voulu les remercier. À eux seuls et dans un silence assourdissant, ils avaient entamé une révolution passionnée. Ils étaient allés chercher ces arguments intarissables que l’on trouvait dans l’âme de leur espèce. En sortant des limbes, mon pote boitait.

Thought Forms // Ghost Mountain // Invada Records

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