Un label belge (Freaksville), deux rosbeefs cinglés de synthés (Android 80 et Man From Uranus), un expert es-Fender Rhodes (Georges Hermans), un flûtiste de travers (Jean-François Hustin), une icône de l’underground folk des seventies (Emanuelle Parrenin) et un producteur au pseudo – relativement - plus connu que son patronyme (Benjamin Schoos, alias Miam Monster Miam) : non, il ne s’agit pas de l’Agence tous risques de la console de son, mais du combo improbable ayant couché sur bandes « The Tangible Effect of Love », sous le nom de The Loved Drones. Quittons donc ce chapeau très name dropping pour voir l’effet que ça fait sur les oreilles.

Passée l’impression de réentendre ça et là craquer un vieux vinyle d’Alan Parson’s Project et abstraction faite de deux trois litanies improbables lâchées dans la langue de Molière par une Emmanuelle Parrenin dont les aiguilles seraient restées bloquées en 1972 (« Souvenirs, souvenirs métaphysiques, de notre existence cosmique », sur Cosmic Memories, logique), il faut bien reconnaître que ce « The Tangible Effect of Love » fait de l’effet. Enfin pour peu qu’on soit fan hardcore de RIEN, sensible aux longues plages musicales où les châteaux de sable se bâtissent sur un tempo baroque ou tout simplement adepte de tout ce qui s’est fait après le passage de Pink Floyd – qu’il faudra d’ailleurs penser à réhabiliter One of These Days. Gage numéro un, avant d’enfiler ses écouteurs et son tuba : ne pas utiliser les mots « psychédélique», « jazz rock » et « expérimental ». Ignition.

The Loved drones

En deux mots, tout est dit : Romantic Giallo, qui referme ces quarante-cinq minutes de balade en eaux troublantes, résume parfaitement l’entreprise de studio de cette fédération de musiciens défouraillant de la triple croche et du contretemps à la marge : The Loved Drones fait l’amour et la guerre des nerfs en stéréo. Une caresse dans les boomers, du frisson dans les aiguës ; sueur froide pour tout le monde et chaleur au niveau de la nuque. Et puisque que c’est eux qui ont commencé (« Giallo », suspense et chef-op déclinant les rouges jusqu’à l’échéance redoutée mais niée jusqu’au bout), autopsions ces 8’13 passées à marcher dans l’obscurité. Une entrée en matière dessinant ce qui est tapi hors-champ, un saxo désaxé et une section rythmique venant rapidement jouer les premiers rôles. Ensuite, ensuite… Une guitare qui kraut et qui rocke, hirsute et droite comme un i ; une voix féminine en guise de suspense, une autre masculine pour le storytelling ; un clavier – évidemment -, pour  le maintien en haleine et la peur d’à peu près tout et un final où une voix vocodée se vautre dans les dernières notes égrenées avant que le silence, enfin, ne revienne. Gage numéro deux avant de passer à la suite : ne pas relire ce paragraphe.

Un moustique dans le studio

article_186Autre perle noire hypnotisante de ce drôle de disque, Red City. Là encore, tout ce petit monde déroule du câble pour voir jusqu’où il est possible d’explorer les profondeurs de la répétition sans noyer l’auditeur dans un ennui pourtant dans les starting-blocks dès qu’il est question d’enfiler les mesures à coups de copié-collé. Mention spéciale à la flûte traversière qui s’échappe de la mélodie sans qu’on s’en aperçoive, s’en allant zigzaguer au frein à main au milieu de ce maelstrom qu’on a envie, on ne sait pas trop pourquoi, d’appeler « étoile noire ». Sinon, la guitare électrique ressemblerait à un moustique qu’on n’arriverait pas à chasser du studio.

Comme son nom l’indique, Love Interlude est une parenthèse d’amour, façon film érotique seventies, où des robots fabriqueraient des machines à orgasme testées sur des nymphettes inspirées de la princesse Leïa quand elle porte sa tenue écrue, et dont les voiles seraient ici sans cesse soulevés par le ventilateur du machino. Le scénariste a insisté là-dessus, paraît-il. Gage numéro trois : en venir à la conclusion sans qu’on la voit venir.

La guitare lead de The Hindenburg Omen est d’une beauté singulière ; tantôt papier de soie, tantôt papier de verre. Tout le reste est un manège vintage qui donne le hoquet plutôt que le tournis, ce serait cliché. On allait oublier le gimmick de clavier qui clignote dans l’ascenseur. Le chant d’ Easy Love se rapproche de celui d’un sosie raté de Barry White qui serait né à Charleroi un soir de pluie. Il n’y a pas de gage numéro quatre.

The Loved Drones /// The Tangible Effect of Love /// Freaksville record
http://www.freaksvillerec.com

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