Les deux frères, de retour depuis 2007 après neuf ans d’absence, ont retrouvé un second souffle presque inespéré au vu de la relation chaotique qu'ils entretenaient. Avant les deux derniers concerts de la tournée française, on a soufflé les 20 bougies de l'album "Munki" avec Jim.

Il y a 20 ans, Jim et William Reid ne pouvaient même pas être plus de deux minutes dans la même pièce sans s’en mettre plein la gueule. Pourtant 34 ans après leur début en 1984, les Jesus And Mary Chain n’ont peut-être jamais été aussi populaire. Tournées dans le monde entier, nouvel album et complicité retrouvée entre les deux frangins : tout semble aller pour le mieux dans la famille Reid. Pourtant, ils reviennent de loin.

1998. L’un de leurs meilleurs albums, « Munki », sort en pleine vague Britpop et tout le monde passe à côté. Durant l’enregistrement, les deux frères s’évitent et travaillent chacun de leurs côtés. William gère ses démons comme il le peut, Jim boit pas mal, la drogue s’invite et l’atmosphère est forcément très tendue. Une fois le disque fini, Warner leur dit d’aller se faire foutre et ils trouvent une porte de sortie avec Sub Pop aux États-Unis et Creation Records en Grande-Bretagne. Peu enclin à partir en tournée aux États-Unis, William finira par se barrer au bout de quelques dates, laissant Jim et le groupe terminer sans lui. Une fin presque inévitable au vu de la relation tumultueuse qu’entretenait les frangins.

Sur la chanson Birthday écrite par William (qui a composé les meilleurs titres de « Munki »), le guitariste écrit « I’m a mean motherfucker now but I once was cool ». Pourtant, 20 ans après, les JAMC le sont toujours. Ce tour de passe-passe s’est déroulé en plusieurs étapes : reformation en 2007, des concerts un peu partout puis un nouvel album, « Damage and Joy », en 2017. Si cet album a mis 10 ans à voir le jour, c’est parce que Jim n’était pas sûr qu’ils arriveraient à retravailler ensemble. Leur relation était au plus bas et Jim mentait à tout le monde sur l’avancée du disque. Mis tout seul devant le fait accompli, ils n’avaient donc plus le choix. Surprise, les deux frères s’entendent bien et recréent des liens. Au point d’avoir déjà des chansons d’écrites pour un nouvel EP et des idées pour un nouvel album. Ça y est, les Jesus And Mary Chain sont réellement de retour.

Avant de prendre son train pour Brighton, Jim, 56 ans, répond au téléphone.

Jim, tu te souviens des premiers concerts des Jesus And Mary Chain en France, en 1984 ?

C’était le « Creation Tour » avec Alan McGee. C’est un peu flou maintenant pour moi, mais à l’époque, c’était comme un rêve qui se réalisait. On avait le groupe en tête depuis déjà longtemps et on ne s’attendait pas à ce que tout se passe aussi rapidement. On est passé de notre chambre aux salles de concert en fait.

On a l’impression que la transition n’a pas été trop difficile…

Pourtant, j’étais très timide – et je suis toujours la personne la plus timide qu’il existe. En réalité, je suis mal à l’aise devant mon public. La seule manière de surmonter ce malaise, c’était de boire énormément afin d’être complètement saoul. À l’époque, on voulait aller au conflit. L’idée avec les Jesus And Mary Chain, et peu importe ce qui arrivait sur scène, c’était que les gens se souviennent de nous. Il fallait sortir du lot à tout prix, même si ça impliquait s’évanouir sur scène ou vomir.

https://www.youtube.com/watch?v=qdpcexAabgY

Tu es toujours timide sur scène, même aujourd’hui ?

Oui toujours. Je suis alcoolique et j’ai des phases où je bois et d’autres où je ne bois pas. En ce moment, je ne touche pas une goutte d’alcool et honnêtement, c’est parfois difficile à gérer. En général, au bout de quelques minutes sur scène, je me réfugie dans la musique et j’arrive à profiter. C’est quelque chose que je ne pensais pas pouvoir faire sobre, mais en fait, je crois que j’apprécie vraiment jouer live ces derniers temps, encore plus qu’avant.

Pour le dernier album, « Damage and Joy », tu as souvent répété qu’il y avait ce sentiment de « maintenant ou jamais ». Vous vous êtes sentis sous pression quand vous avez fait ce disque ?

Pas plus que pour les autres. Mais ce n’est pas de la pression externe, mais plutôt interne. Il n’y a rien de plus frustrant que de ne pas réussir à retranscrire ce que tu as en tête. On ne s’est jamais soucié, que ce soit avant ou maintenant, de l’avis des autres. Bien sûr, je veux que les gens apprécient l’album, mais en premier, il doit te plaire à toi.

« La dernière expérience en studio pour l’album « Munki » en 1998 était affreuse. Ça a mis fin au groupe pendant 9 ans. »

Comment tu te sentais personnellement ?

J’avais replongé à cette époque et je buvais beaucoup. Pas quand on a enregistré, mais au moment du mixage. Cela dit, ça ne m’empêche pas de travailler, je suis un alcoolique travailleur : je peux faire ce que je dois faire, je ne vais pas aller me battre avec tout le monde. Par contre, j’étais très nerveux à propos d’être en studio avec William. Et c’est la raison principale pour laquelle on n’a pas arrêté de reporter l’album : je ne savais pas ce qui allait arriver entre lui et moi. La dernière expérience en studio, pour l’album « Munki » en 1998, était affreuse. Ça a mis fin au groupe pendant 9 ans.

En fait, j’avais envie de le faire, mais j’avais très peur. Le pire, c’est que je n’arrêtais pas de dire aux gens qu’on bossait sur le disque alors que non. Je mentais en disant qu’on était en train de le finir. C’était absurde, il fallait juste qu’on fasse ce putain d’album. À ma grande surprise, on s’est très bien entendu avec William, on s’est même rapproché.

Tu parles de la relation avec ton frère ainé William. Tu ne te disais pas qu’avec le temps, vous finiriez par vous rabibocher ?

Pour être totalement honnête, non. Et quand on s’est reformé en 2007, on s’ignorait souvent, on avait établi des lignes et on ne les franchissait pas : en gros, je faisais mon truc et lui le sien. C’est facile à faire en tournée, mais beaucoup moins en enfermé dans un studio pendant deux mois donc j’étais nerveux. Je n’aurai pas dû car tout s’est bien passé.

« Munki » fête ses 20 ans cette année. Vous reprenez des chansons de ce disque sur scène ou elles sont trop dures à jouer pour vous au vu du contexte de l’album ?

On en joue déjà deux (Cracking Up et I Hate Rock’n’Roll) sur scène et il n’y a aucune chanson qu’on ne jouerait pas. On essaie de varier selon les disques, en général, on joue deux chansons par album.

Mais pour en revenir au fait que ce soit difficile, je pense que l’eau a coulé sous les ponts depuis. J’ai le sentiment que certaines personnes veulent entendre ces chansons en live donc on le fait. Tu ne peux pas rester assis à te ronger les ongles et faire une dépression. Ce n’est que de la musique.

« Ces choses-là que tu chantes, si tu les dis à voix haute, on te prend pour un fou. Mais en musique, on vient de taper dans le dos et on te dit bravo. C’est incroyable quand on y pense. »

Bien sûr, mais pour vous, ce n’est pas juste une musique, c’est votre histoire et celle qui a mené à la fin du groupe en 99.

Bien sûr, mais comme je te disais, assez de temps s’est écoulé. Je pense que « Munki » était un super album et je suis dégoûté qu’il n’ait pas pu avoir sa chance. Il y a 20 ans, l’idée même de rejouer avec les Jesus And Mary Chain me paraissait inenvisageable. Beaucoup de groupes se séparent et disent « plus jamais », mais avec le temps, tu y réfléchis plus calmement. C’est cliché ce que je vais te dire, mais c’est vrai : le temps guérit toutes les blessures.

C’est quand même dommage, car pour moi, « Munki » est l’un de vos meilleurs albums…

Pour moi aussi, j’aime beaucoup cet album et j’adore les faces B. S’il n’a pas marché, c’était parce qu’il y avait le sentiment que c’était la fin pour les Jesus And Mary Chain. Au même moment, il y avait la vague Britpop. Elle s’est faite sans nous et on s’est sentis marginalisés. Il n’y a pas vraiment eu de promotion, le label s’en foutait et personne n’était derrière nous, mais en même temps, on était paumés à cette époque. Les gens se disaient aussi que si nous, on étaient pas prêt à aller mieux, ça n’avait aucun intérêt de nous aider.

Dernière question, c’est quoi pour toi la puissance du rock ?

C’est l’idée que tout est possible et que tu peux faire ce que tu veux. Il ne faut pas se contrôler, plus c’est scandaleux, mieux c’est. Tu peux dire « fuck you » à qui tu veux et mettre toute ton âme dans une chanson. Ces choses-là que tu chantes, si tu les dis à voix haute, on te prend pour un fou. Mais en musique, on vient de taper dans le dos et on te dit bravo. C’est incroyable quand on y pense.

Les Jesus And Mary Chain ont sorti « Damage And Joy » en 2017 et sont en concert à Strasbourg ce soir et à Paris le 27 juin. Ils sortent une réédition de « 21 Singles » le 6 juillet.

2 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages