Nashville c’est loin, trop loin maintenant. Même les Deep Vibration, adoubés par Lou Reed en personne, n’arriveront plus à nous détourner de nos vies ordinaires de bons petits consommateurs américanisés. Strange Love crachouille son rock sudiste sur des vieux amplis Marshall, me rappelant quelques bons vieux groupes, mais le rêve n’y est plus. Agrémentée de poncifs plein le calcif, cette non-chronique se devait donc d’être aussi anecdotique qu’une soirée barbecue au fin fond de la Seine-et-Marne.

Septembre, c’est samedi et ce qui semble être le dernier jour de soleil avant la grande trêve automne/hiver. C’est le week-end du bon côté de la Seine-et-Marne, des cadres et des retraités qui votent UMP les yeux fermés. Sur la route Nationale 3, les réservoirs se remplissent honteusement d’une essence devenue moins chère. Les coffres aussi, croulant sous les packs de bières promo Carrefour et les lots de saucisses limite DLC. Les picolos font du bruit en vomissant des mots, la clope au bec sur le trottoir du bar central de la seule rue de mon patelin. Ils empêchent les gens biens de circuler. Les gens biens qui se pressent dans une course folle à la brochette. Les étals des boucheries et des supérettes sont dévastés, à tel point qu’on ne trouve plus un seul poivron à 20 km à la ronde. Partout autour, les pavillons sentent la pelouse fraîchement coupée et la fumée de barbecue qui envahit tout, qui investit tes fringues jusqu’à te faire gerber. Je pensais échapper à la grande orgie de gras et de rosé mais, pas de bol, je suis invité. La veille au soir, Jean-Louis m’a appelé « Allez le poulpe, viens ! Laisse tomber tes chroniques à deux balles, j’ai de la Kro et des saucisses, de la bonne zic’ moi. Ramène ta copine, on va bien rigoler ah ah !… » Shit ! Je ne peux rien refuser à mon pote Jean-Louis, il se fait beaucoup trop chier dans sa vie de célibataire, ce serait comme lui tirer une balle de 22 long rifle direct dans son crâne de trentenaire boutonneux. Après Tahiti 80, il s’est pris d’affection pour Austra. On va encore l’écouter en boucle toute la soirée. Je vais en avoir de méchants renvois, pire qu’avec le mauvais rosé qu’il nous sert d’habitude. Il me dit que Katie Stelmanis lui rappelle une copine de fac, qu’il n’a forcément jamais pu baiser vu qu’il ne connaît encore que Youporn, sa main et le rouleau de Sopalin.

Moi, de toute façon, je me dis que ça vaut peut-être mieux comme ça. Je me demandais bien ce que j’allais pouvoir en tirer, de ce Strange Love. Nashville c’est trop loin maintenant, assez loin pour transformer le tsunami promis en vaguelette, à peine de quoi s’humecter le bout des orteils de ce côté-ci de la planète. Les Deep Vibration jouent les Easy riders sur des Harley déchromées au cuir un peu trop usé. J’ai bien essayé d’y entendre un soupçon de rock sudiste, des Lynyrd Skynyrd à l’éjaculation un peu trop précoce sur des mini-riffs téléphonés. Une pincée de Creedence Clearwater Revival dans la rythmique, à peine appuyée. Le spectre vocal flou d’un Tom Petty prépubère. La résurgence frêle de l’énergie des Stillwater passés au Karcher. Bref, je ne me suis pas senti d’attaque à en faire la chronique. Trop vieux pour me laisser impressionner, mais aussi trop jeune pour que ça me rappelle le zeste de bonne époque qui aurait pu finir par me faire écrire un texte passionnant le cul vissé sur un ampli Marshall, à plaquer quelques accords fumants sur ma Fender désaccordée. Alors je suis allé traîner mes Levi’s du côté de chez Jean-Louis. Déconner du boulot en décapsulant des Kro. Le gras des saucisses sauce barbec’ en étendard auréolé sur la chemise à carreaux, j’ai fait mon beauf du samedi soir, bien content d’échapper à une prise de tête cosmique. Jean-Louis a encore fini la soirée déchiré, à chialer sur les plans culs qu’il aurait pu se faire. Moi je l’aime bien, je lui dis qu’il faudrait qu’il commence par prendre des douches régulièrement, trouver un shampooing adapté à ses cheveux gras et une lotion pour ses boutons. C’est pas gagné. Au loin, on entend les moteur des Nissan Qashqai, conduites par les gros porcs qui rentrent le cul de leurs pétasses vulgaires du KFC, un dernier restau vite fait avant la fin des vacances, lundi c’est la rentrée, ce soir ils vont baiser. La vie s’écoule paisiblement de ce côté-ci de la Seine-et-Marne. A quoi bon rêver Nashville quand on a déjà Disney ?

The Strange Vibration // Strange Love // Fargo
http://www.myspace.com/thedeepvibration

THE DEEP VIBRATION in the studio from Dualtone on Vimeo.

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