Où l’on apprend que même les Dieux de l’Olympe peuvent poser des RTT.

Personne n’a jamais vraiment su ce qui se tramait dans la tête d’Anton Newcombe. C’est à cela qu’on reconnaît les personnes imprévisibles, pour le meilleur comme pour le pire, qu’on devienne tueur en série, président des Etats-Unis ou chanteur rescapé d’un groupe tué par la drogue. Dans le cas présent, face à ce quinzième album officiel en vingt-cinq ans de carrière, on est un peu comme une autruche devant une boîte de conserve. Personne, ici, ne pourrait contester la position dominante du leader du Brian Jonestown Massacre sur la sphère indépendante, et comment il a su retourner depuis une dizaine d’années son public de la première heure pour l’emmener dignement vers une seconde partie de carrière peut-être encore meilleure qu’avant l’effet « Dig ». Tous, à leur manière, de « My Bloody Underground » (2008) à « Revelation » (2014), comportent leur lot de révolutions surprenantes venant d’un quadra défoncé que tout prédestinait à clamser dans un bouge pourri du Dakota.

Si l’on a du mal à ouvrir ce disque et à en comprendre les mécanismes, c’est parce que « Third World Pyramid », derrière sa pochette complotiste au possible, ne cache en réalité pas grand-chose. Les étudiants en Beaux-Arts qui viennent en cours sur un skate avec les yeux défoncés pourront toujours s’émerveiller face à des chansons comme The Sun Ship (c’est la seule brique à sauver dans la maison du petit cochon) que ça ne leur donnera pas un boulot, ni un disque consistant à réécouter dans dix ans sans pouffer. Dépassé sur sa gauche par ses chouchous (les Liminanas) et rattrapé sur sa droite par une nouvelle génération (Twin Peaks, King Gizzard & The Lizard Wizard, Night Beats, etc.), le vieil Anton ne s’est cette fois-ci pas trop cassé les poignets. Mettons de côté ce mauvais jeu de mots en ouverture (Good Mourning) doublée d’un picking à la Marcel Dadi enregistrant avec Nancy Sinatra dans une maison de retraite ; tout est idem ou presque et le comble atteint sur Don’t Get Lost, qui donne l’impression d’être joué au ralenti par un groupe de grabataires à la dérive dans la forêt berlinoise. Deux instrumentaux ou quasi (Oh Bother et Third World Pyramid) relèvent le menton, mais le corps semble ne plus suivre et tous les patterns de batterie ou presque empruntés à Ringo Starr.

Nous voilà donc confrontés à un disque de remplissage, de repassage, voire de sevrage, qui aurait tout aussi bien pu sortir en 1969, 1992, 2001, 2013 ou 2016. Cette intemporalité, longtemps une force du Brian Jonestown Massacre, marque ici un temps d’arrêt. En adepte du déclin de l’empire romain, Newcombe goûterait peut-être ce proverbe latin : qui bene amat bene castigat (soit « qui aime bien, châtie bien« , si vous fumiez des joints au collège au lieu de bosser). Bref, être un génie de la musique contemporaine ne signifie pas pour autant confondre chef-d’œuvre et fainéantise empâtée. Same player shoote (toi) again.

The Brian Jonestown Massacre // Third World Pyramid // A Records (Differ-Ant)
https://thebrianjonestownmassacre.com/

3 commentaires

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