L'avenir n'est pas mort. La France n'est pas le talon d'Achille de la musique mondiale. Et si cela vous a paru vrai, la parution dont on parle aujourd'hui vous fera changer de paradigme.

2015, et déjà 2016, ont vu les réseaux sociaux se résumer à de grandes vagues de commisérations plus navrantes les unes que les autres. A des condoléances abjectes parlant de grands vides laissés par des nonagénaires, alors qu’eux-mêmes ne demandaient qu’à avoir une descendance qui ait les couilles de servir cet héritage pour le dépasser, est venu se rajouter un grand déballage de sentiments nostalgiques qui ne cache qu’une seule chose : un manque de confiance hallucinant en l’avenir ou en nos ressources actuelles. Voire un aveuglement. Pourquoi regretter à ce point et nommer « pertes » les offrandes de ces récents morts? Il semblerait que c’est surtout parce qu’on ignore les relèves. Rajoutons là-dessus un intense french bashing dont le moment fondateur tient dans le serment de Lennon (« le rock français c’est comme le vin anglais ») et nous voilà prisonnier d’une injuste sentence.  A quel moment nous y sommes-nous conformés ? Le pouvoir n’est que celui qu’on concède.

Sans chauvinisme aucun (ma discothèque est équitable), on peut néanmoins affirmer avec fierté qu’on a de quoi avoir le port droit. The Adelians n’en est certes pas à son coup d’essai,  mais le disque paru chez Q-Sound Recordings, c’est un peu leur « Back to black », au propre comme au figuré. Sans la prod hyper moderne de la diva destroy. « The Adelians » garde une certaine politesse quand au mythique héritage soul. Le mirage de la Stax n’est pas qu’invoqué par la boule afro de la pochette et ne s’y résume heureusement pas. C’est justement dans cette intégration d’une identité, sans sombrer dans le revival, que le groupe creuse sa distinction : résolument soul mais avec un son dont la dynamique rappelle que quarante années de rock nous sont passées dessus. Tourné outre-Atlantique, les pieds bien en France, voici un groupe qui ne renie rien, et ne laisse aucune sentence ni frustration lui dicter son parcours.

Rajoutons à cela que prendre le chemin de la soul, c’est presque suicidaire. Et pour deux raisons majeures :

– Qui sait vraiment l’enregistrer en France ? A priori pas grand monde. Hormis peut-être un studio (Studio Cargo) capable de relever le défi pour restituer la fièvre et la ferveur de la mise en place du groupe. The Adelians reste carré, mais assez expansif pour retranscrire cette énergie rock qui s’empare de leur soul. Et bien sûr pour donner l’électricité sexuelle nécessaire au genre.

– Va trouver des concerts où t’arrives à six ! Déjà un trio, galère. Il faut donc du courage, et de l’audace. C’est ce qui s’entend le mieux dans ce disque. Ils mettent tout sur la table, comme si c’était le dernier disque. « Casse la baraque ou casse toi » disait David Briggs.

Le choix de faire un album éponyme a du sens, car c’est l’essence du groupe qui est offerte, et comme le montre la pochette, la soul c’est l’énergie et l’introspection. Et aussi une reprise de… Rihanna. Parce qu’avec son titre Stay la reine du tube s’était fourvoyée dans sa collaboration insipide avec Mikky Ekko, notre sextet nous offre ici une réinterprétation que la reine des salopes devrait écouter. Elle y entendrait la conviction qui lui manque et la voix de Charlène (surveillez ce nom, quelque chose arrive) et une technique pour mettre de la fièvre dans du mièvre.

The Adelians // The Adelians // Q-sound recordings et Specific Recodings.
https://q-soundsrecording.bandcamp.com/album/the-adelians

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3 commentaires

  1. Très bon album, mais pour répondre au ton chauvin de l’article, je pense surtout que si la France est un trou noir de la culture mondiale (son manque d’influence, de rayonnement, est incontestable) c’est à cause du goulot d’étranglement parisien, aussi appelé exception culturelle.
    L’album que vous défendez ici en est la preuve : un énième groupe de talent qui n’a aucun avenir dans l’hexagone, qui ne passera jamais dans les radios, se verra voler la vedette par des Vianney et autres chiures de bidet. Depuis les années 60, la merde auteurisante, la varietoche pourrie, qui ne sont que les deux faces d’une même pile de merde, dominent un paysage culturel façonné par l’industrie.
    Chez moi, autour de moi, les discothèques sont remplies de trucs étrangers, et la prod FR ne dépasse pas les 10% (grâce à quelques labels qui font le taf depuis 5 ans environ).
    Pour moi, il faut être lucide sur cette chape de plomb culturelle. S’il faut basher, assumons et bashont intelligement cette France morte des victoires de la musique et des compils vintage. Oui on vit dans un pays de merde culturellement. Le dire ce n’est pas condamner le pays à rester comme tel, c’est exiger autre chose.

    1. Je ne tiens même pas à basher cette France morte tant elle m’indiffère.
      Après c’est surtout cette tendance à l’apitoiement qui me tape sur le système parfois. Il y a de quoi faire ici aussi. C’est ça le sujet (la chauvinisme est ironique, suffit de voir ma collec de disques). Arrêtons de chialer, achetons les bons disques et allons aux concerts qui déboîtent et voilà. La radio ne m’énerve pas, je ne l’écoute pas, je ne regarde pas la télé ni les victoires, je ne trouve pas ça pourri, je m’en contrefous. Je n’en ai jamais rien attendu, ça m’évite bien des frustrations et ça me réserve de bien belles surprises.
      Merci pour ce retour. Je comprends bien ce que tu veux dire

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