Lorsque l’attaché de presse d’un label anglais très respectable m’a d’abord téléphoné pour me demander ce que j’avais pensé du nouvel album de Savages, j’ai commencé par lui répondre que ça tombait bien parce que je venais de trouver le titre d’un papier que je voulais écrire sur elles.

En discutant tout seul au téléphone, pendant les quelques instants où mon interlocuteur avait comme qui dirait disparu, je me rendis bien compte que c’était un peu gratuit de penser que les mignonettes de Savages n’étaient rien de plus qu’un combo féminin, certes du plus bel effet, mais qu’on n’aurait pas daigné écouter sans pouffer s’il avait été question d’un énième groupe composé de pauvres mecs ayant pour seule ambition de collecter plus de 2000 amis sur leur fanpage Facebook. De toute façon, comme j’avais dit au téléphone pour m’éviter tout procès machiste, il était encore trop tôt pour réfléchir à un papier constructif, j’avais arrêté l’écoute du nouvel album la veille après quatre chansons qui m’avaient complètement rincé. Ce soir là, j’avais même pris quelques notes :

Bon en fait, je n’arrive pas à déchiffrer ce que j’avais écrit ce soir là.

De mémoire, lesdits morceaux de ‘’Adore Life’’ étaient encore plus pénibles que le bruit d’une scie sauteuse sur de la tôle rouillée, et non seulement le groupe s’avérait bouffi d’une fausse modestie pas vu depuis Liars, mais il ressortait des quinze minutes de calvaire infligées l’impression que le quartet s’était mis en quête de la sacro-sainte respectabilité en empruntant ce foutu chemin ‘’pop-rock’’ qu’on connaît par cœur, avec à la fois des chansons très énervées façon on n’est pas contente, le monde est injuste et maintenant on va crier très fort, mais aussi des ballades pour prouver que derrière les veste en cuir, il y avait malgré tout de petits cœurs qui battaient. Bon, en vrai, rien de plus qu’une mauvaise copie de Placebo – le groupe, pas le médicament, encore que – avec un gros sticker RIOT GRRRL plastronné sur la gueule d’un Brian Molko en wonderbra.

J’aimerais pouvoir vous dire que mon avis partial sur le branle-bas-de-combat Savages s’est arrêté là.

Que l’écoute attentive de ‘’Adore Life’’ m’a permis de changer d’avis – situation doublement impossible, puisque l’écoute dudit disque est limitée à 5 écoutes. Que des chansons jouées à burne dans les enceintes font toujours un bon album. Que ma vision du féminisme est obsolète et complètement cliché – elle se résume jusque là à tenir la porte aux vieilles dames et mater les nibards des FEMEN à la télé. Et que j’ai réussi à digérer mon premier souvenir du groupe, il y a environ deux ans, lorsque Camille Berthomier, demie-tête pensante du groupe John & Jehn, cranait fièrement dans une pastille du Grand Journal dans un exercice d’autopromotion en Anglais dans le texte alors que la dame en question est originaire d’Angoulême (France).

1035x1035-SAVAGES--ADORE-LIFELe vrai problème avec Savages, au fond, ce n’est pas tant la musique somme tout anodine que cette impression de rébellion marketée par un trio de grands penseurs incluant Hedi Slimane (il les a photographié), Clémentine Autain (c’est simple : elles sont coiffées pareilles) et Courtney Love (fan du groupe avérée, et pas pour rien dans le succès du groupe). Le méta-discours, le rapport de l’insignifiant au signifié, sont de ce groupe dans l’air du temps (insoumission + larsen + féminisme = SON 2016) l’occasion rêvée pour les médias lifestyle d’un parler-rock qui se voudrait intelligent et au dessus de la mêlée, parce que véhiculant des valeurs qui dépassent de loin la bêtise con-con des Ramones. Le problème, encore, c’est que cette tentative ratée d’esbroufe dépressive post-Elastica est tellement bien habillée/maquillée que cela en devient franchement risible et à peine au niveau d’une chute de studio d’un mauvais disque des Kills. Non, prendre la pose pour l’objectif en position fœtal tout en fronçant les sourcils ne fait pas de vous un nouveau martyr du rock. Non, se mettre du cambouis sur les mains pour confectionner une belle pochette en noir et blanc ne constitue pas un passe-droit pour toutes les scènes. Et non, il ne suffit pas de brailler dans un micro des paroles fadasses en Anglais pour se faire entendre.

Je viens de me briser les doigts au marteau pour m’éviter de conclure avec une pirouette du genre ‘’à l’album de la maturité, Savages vient de répondre par le disque de la ménopause’’. A la place, mieux vaut encore remonter à la source de cette escroquerie fielleuse en citant les notes écrites par le groupe pour annoncer ‘’Adore Life’’. Un condensé de lapalissades écrites à quatre mains avec Jean-Claude Van Damme et Caroline Fourest :

‘’Savages parle de changement et du pouvoir de changer. De métamorphose et d’évolution. De rester sur ses bases et de les renforcer. Vivre dans le présent, pas dans le futur. Reconnaître son potentiel, parler de ses doutes personnels et de l’inaction. Parler de toi. Parler de moi. Parler de toi et moi et des autres. Parler des choix qu’on prend. Trouver la poésie et éviter les clichés. Être la solution, pas le problème. Montrer ses faiblesses parce qu’elles nous rendent plus fort. Regarder en face nos propres saletés afin de trouver nos propres richesses. Réclamer le droit de penser les pensées inacceptables. Parler d’ennui et de ce qu’on peut faire pour l’éloigner. Savoir être seul pour pouvoir être avec les autres. Savoir ce que ça veut dire que d’être humain, et ce que cela peut vouloir dire un jour. Parler des individus et de la somme de ces individus. Parler de la musique et de son message : ensemble, ne faisant qu’un. Une basse, une guitare, une batterie et une voix. S’ouvrir et ne jamais, jamais mourir. Mais surtout parler d’amour, de toutes sortes d’amour. Love is the answer’’.

La haine aussi, parfois.

Savages // Adore Life // Matador
(Sortie le 22 janvier 2016)

30 commentaires

  1. Et pour parler de musique, plus que d’image, de revendications et de com’. Il y a une approche des sons/rythmes suffisamment originale pour leur donner du crédit. Le niveau instrumental intéressant ajoute une touche peu commune aux autres groupes clichés rock/pop/grunge/wanabeepunk qui n’en branlent pas une. Sans oublier que la chanteuse se donne bien la « peine » de chanter (une siouxie, une octave en moins et sans l’excentricité), ce qui n’est pas vraiment évident dans ce style de musique. Je rajouterai que ce n’est pas vraiment la peine de souligner leur féminité, féminisme, quand on est censé juger la musique et partager ses impressions aux lecteurs… Des impressions beaucoup trop cyniques d’ailleurs, les procès d’intention ne sont pas intéressants dans ce domaine. Vous devriez allumer la radio et concentrer votre désobligeance sur ce qui ternit réellement notre horizon musical.

    1. Non john et jehn c’etait Chiant ( je suis john au fait) et courtney love on lui a dit d aller se faire mettre donc la y’a intox ( je produis savage ). Sinon j’aime bien que tu detestes , etant moi meme une grande geule avérée a mes pires heures d’ennui et moi aussi j’ai un pseudo cretin qui se la raconte. Rien de choquant a l’horizon… Keep Trying. Par contre je supporte pas qu on attaque Jcv. Mon reve le plus fou est de voir tous les petits cretins moqueurs de jcv se faire demonter par Jcv.
      On peut pas test devant jcv.

  2. Désolé, mais il ne suffit pas de nimber des propos sexistes de fausse auto-dérision pour qu’ils soient moins sexistes. On peut – on doit même – critiquer des disques que l’on croit mauvais mais ce n’est pas la peine de convoquer les Femen, Clémentine Autain et Caroline Fourest pour ça.

  3. L’esprit humain est étrange parfois. Il accuse souvent l’autre de ses propres faiblesses. Cet article, joli « condensé de lapalissades » et « d’escroquerie fielleuse » en semble une belle illustration. Je crains que la « ménopause » ne te guette, auteur de cet article, à force de cynisme et d’aigreur.

  4. Olala on s’égare là. Mec, tu fais un amalgame de plein de choses.
    Les meufs sont vénères, et alors ? Il y a plein de groupes qui gueulent tout aussi fort, et à qui on fout la paix.
    Comme l’ont très justement fait remarquer certaines personnes ton discours sonne faux.
    Tu n’aimes pas ce qu’elles font ? Tu en as tout à fait le droit. La musique c’est avant tout un truc perso, je ne vais rien t’apprendre. Mais pourquoi tu es aussi haineux bordel ? Et c’est quoi le rapport avec les Femen ? C’est n’importe quoi et ça me ferait rire si je ne ressentais pas un truc de haine viscérale derrière ces lignes. Arrête d’essayer de te dédouaner d’un sexisme qui transpire par chacun de tes mots.

    Le côte burne-sur-la-table de Gonzai m’a toujours fait marrer, j’avoue. Mais si t’enlèves le second degré, bah désolée mais ça sonne creux.

    En ces temps de merditude, il serait intelligent de faire preuve d’un peu de clémence non ? Ton laïus est plein d’agressivité et c’est assez désolant.

    Allez bisous.

        1. Vas y à un moment donné votre connerie féministe sponsorisée par le système,yen a plein le cul,on veut la paix,et la paix,pigé?,ferme ta bouche Camille,arrête de nous prendre pour des fuckers attardés,ton discours fait rire les vraies femmes et vraies feministes,qui veulent qu’une chose quand elle écoutent de la zique:qu’on les lache,qu’elle se lachent,sans consigne de vote.

  5. Fais chier avec son anglais bidon. Sinon c’est pas si mal, rien de très neuf là-dedans mais c’est quand même plus excitant que john et jehn.
    En fait le problème, c’est que ça brille trop pour être honnête, et le texte de présentation (marketing conscient ?) dit toute la vacuité du propos quant à la poésie et l’amour : l’amour c’est la guerre, la poésie aussi.

  6. Ce n’est pas tant la musique qui est remise en cause que le marketing moisi qui accompagne la sortie de l’album, et l’effet repoussoir d’une presse unanimement moutonnière qui rabâche les mêmes clichés éculés chaque saison avec un groupe différent.
    Je te comprends, Bester. Moi aussi, ça me provoque une poussée d’herpès.

  7. Ouais c’est justice que de dénoncer le marketing de Savages et Pop Noire par la même. Grosse têtes trop vidées (silence yourself) qu’elle passent des messages et solutions personelles au monde entier. Et le musical rattrape pas l’affaire,ne serait ce que l’accent français qui chante l’anglais,ou comment paraître encore plus pretentieux,la française qui s’exile à Londres,deja tu te mefies de ses messages rien que pour ca,bref ouais vos gueules John et jehn,vous en faites trop,ça pue la route vers la starification voulue,alors qu’elle a pas de talent , part sa tronche d’ange,mais à un moment donné un ange se doit de la fermer,parce que c’est lui meme,et qu’il a pas les moyens de faire plus.

  8. C’est marrant, c’est quand Bester essaie d’être un peu fin et moins beauf qu’il se fait écharper le plus.
    Affection pour John & Jehn, désaffection pour Savages, consternation habituelle face aux pathétiques enrobages et à la non-langue de la promo.

  9. Thomas, tu abuses vraiment à mort.
    Je n’écoute plus aucun disque depuis belle lurette, et il y’a deux ans et demi, nous étions dans un catering d’une salle de Verdun avec Poni Hoax (je m’en rappelle grâce à elles), et j’ai entendu une chanson grandiose et ai demandé à notre accueil: c’est quoi ce truc ?
    Les gens, adorables par ailleurs, m’ont répondu qu’ils ne savaient pas. J’ai tout de même perçu la phrase « Waiting for a sign » ; j’ai maté dans Google, et bam: Savages. J’en avais entendu, bien sûr, mais je n’écoute rien. En plus j’avais rencontré Jenn à Bourges et elle m’avait eu l’air super austère. Savages, en tout cas, ça déchire mon gars.
    Maintenant elles ont atteint une dimension internationale et c’est plus que mérité.
    Franchement Thomas, tu es un peu bizarre.

    1. *entendu parler

      Monte vraiment une structure horizontale et verticale dans la musique mon gars, ça sera bien pour tout le monde (tu as toujours soutenu nos projets, à moi et à mon posse, les plus étranges).
      Mais ne t’acharne pas sur ce que tu n’as pas inventé.
      Peace and love.

    2. Salut Nico, j’espère que ce mail te trouvera en bonne forme. Suite à ton message d’insultes cordiales ci-haut, tu trouveras ci-joint ma réponse : Savages se prend trop au sérieux et ses chansons, pour reprendre ta digression sur l’horizontalité de la musique, sont mornes, linéaires et n’évoluent pas sur la partition. C’est une pose absolument détestable et leur révolte à 45 € le sweat-shirt unisexe sur leur site marchand continue de me faire doucement rigoler. Mais après ça, libre à toi d’aimer, et à moi de détester.

      N’hésite pas à revenir vers moi en cas de questions.
      Ton dévoué

  10. J’aimerais également vendre des tee shirts à 45 euros, vraiment, mais je ne le peux malheureusement pas car je suis trop à l’ouest. Bon, peut-être pas à 45 euros, c’est vraiment trop cher. Je les vois déjà: ma face en gros et en blanc sur fond noir et avec inscrit au dessus des slogans genre « Led Zeppelin », « AC/DC », « Bob Marley », « Iron Maiden » etc… Ça défoncerait grave.
    Je t’embrasse.

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