Je devais faire un break, oublier le clavier pour un temps, histoire de retrouver une inspiration que je croyais belle et bien disparue. Puis j'ai reçu "Momentaneus", premier CD du pianiste et compositeur Sylvain Gourlay, qui devait me redonner l'envie d'écrire et de redécouvrir la richesse d'un répertoire minimaliste que j'avais bêtement occulté pendant des années.

C’est souvent comme ça, et on ne sait même pas pourquoi. Le destin avait dû deviner qu’il me fallait m’arrêter, prendre le temps nécessaire pour me remettre à imaginer des mondes fantastiques. Je devais pourtant – et je ne le savais pas encore – retrouver le son pur d’un piano aérien aux mélodies romantiques baignées d’éclats impressionnistes, pour que mon cœur se remette à battre fort au rythme des pulsations photoniques de ces quelques « Momentaneus ». Petits instants de musique n’ayant pas la prétention de bousculer les grandes pages d’un répertoire éculé allant des Préludes de Debussy aux compositions de Glass ou de Sakamoto, mais qui surent chacun leur tour m’inviter à une sereine réflexion, enfin prêt à recevoir leur minimalisme éclairé comme une sorte de révélation. Après plus de quinze ans d’écoute attentive du vaste répertoire classique, et notamment de tout ce qui a pu se faire avec un piano, je n’avais jamais encore accordé une place estimée à ce genre contemporain qui me paraissait fade, peu inspiré et juste bon à agrémenter les BO de bluettes aux scénarios lénifiants. Alors pour en avoir le cœur net, je suis allé réécouter quelques œuvres minimalistes sur YouTube. J’ai soudain pris la musique du film The Hours, composée par Philip Glass, en pleine gueule, avec son romantisme schumannien. Puis j’ai écouté Solitude de Ryuichi Sakamoto et suis resté émerveillé devant ces motifs simples et lumineux mettant le temps en sustentation, cristallisant le froid de l’absence ou de la mort, comme dans l’Andante sostenuto de la Sonate en si bémol majeur de Schubert. Que s’est-il passé pour que j’aie cette subite prise de conscience ? En musique comme dans la vie, on ne peut jamais être sûr de rien. À un moment donné, on est toujours rattrapé par ses propres contradictions. Et ce qu’on croyait acquis n’existe plus. Enregistrer un disque peut être d’une facilité déconcertante, le plus dur est de savoir provoquer chez l’auditeur la résonance ultime, lui ouvrir des mondes nouveaux en libérant son imagination. Sylvain Gourlay a réussi, en quelques morceaux de deux à trois minutes, à créer en moi un tsunami libérateur, m’envoyant rêver sur des plages inconnues à la recherche de trésors enfouis. En cela, je lui suis extrêmement reconnaissant.

Sylvain Gourlay n’a que 26 ans et a déjà travaillé pour une multitude de compositeurs contemporains : Mulsant, Jolas, Pécou, Markeas ou Hersant. « Momentaneus » est son premier recueil de morceaux en forme de Moments Musicaux Éphémères inspirés de l’impressionnisme debussyste et du minimalisme de Glass. Sa musique, attrayante et inspirée, donne envie de crier victoire tant on sent chez lui une capacité à aller très loin. J’attends désormais d’entendre de lui des pièces plus imposantes pour valider mes premières impressions et le suivre sur les traces parsemées d’embûches d’un french minimalism revigoré.

Sylvain Gourlay // Momentaneus // Label Dolala Records (MVS Anticraft)
http://www.myspace.com/sylvaingourlay 

 

7 commentaires

  1. C’est vrai qu’il est très beau ce disque. Mais puisque tu parles de minimalisme, je regrette vraiment l’époque des Terry Riley & co, où les albums avaient de véritables pochette « pop » pour attirer le chaland et permettre au grand public de s’intéresser à des musiques disons, moins accessibles. Ici comme ailleurs avec un nombre incalculable de disques, la musique n’est pas servie par l’esthétique et je trouve cela disons, regrettable.

  2. Oui Bester, en effet, mais je me demande quelle marge de manoeuvre peut avoir un artiste comme Sylvain Gourlay – qui débute – dans la mise en avant de son produit qu’il a déjà du avoir du mal à financer dans l’état. Une photo prise par un(e) ami(e) photographe, pas de livret … Vu comme ça, on a pas forcément envie d’aller à la rencontre de ce disque si jamais on tombe dessus par hasard. C’est plutôt un disque qu’on achète (ou pas) à la fin d’un concert. Bah, c’est une première carte de visite, assez convaincante quand même pour celui qui l’écoute. C’est pour ça que j’attends avec impatience déjà le prochain disque.

  3. L’écriture est pas mal. L’exécution elle, donnerait plutôt le mal de mer. Les variations de tempo comme seule arme d’expression musicale, c’est léger. Même si c’est pas du Bach, il y a des limites.
    Bref. ça me donne envie de réécouter Koudlam. Un bon Sunny Day et ça repart.

  4. Fabien … Je ne comprends pas ce que tu veux dire. J’ai l' »impression » que tu viens de découvrir l’impressionnisme, ça doit être ça qui te chamboule. Le rapport avec Bach je ne le vois pas, ce n’est pas du tout la même époque et les mêmes enjeux en terme d’écriture. Pour ce qui est de Koudlam, je ne connais pas assez et j’ai aussi du mal à relier avec la musique de Gourlay.

  5. Curieux ce phénomène en fait Sylvain … Pour ce qui est du morceau en incrustation oui pourquoi pas la mer … Chacun y trouve son compte, vague à l’âme, fin d’une soirée d’été avec le vent qui se lève etc. c’est la force de l’impressionnisme. Le disque requiert quand même une certaine culture de l’écoute, les néophytes finissent par trouver ça triste … c’est la faiblesse du minimalisme.

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