Ça donnerait quoi la jeune bande à R.E.M. lâchée dans un hôpital psychiatrique avec des malades armés de seringues contenant du TETANOS acide au parfum caramel ? À peu près ça : un vrai disque de rock comme on en faisait avant ; avant la crise du disque, avant la mort du rock, avant que tu perdes tes cheveux, avant qu’on tombe tous dans l’amnésie générale avec des groupes aux physiques de truites encadrées sous verre.

Ça commence comme un disque gentillet et puis soudain, ça vrille. On ne sait pas vraiment comment les Montréalais s’y sont pris pour déclencher la tempête sur ce qui n’aurait dû être qu’un disque de plus, mais leur « Supermercado » réussit, dès la troisième piste, là où nombre de ses confrères se gaufrent lamentablement : faire relever la tête pendant qu’on bosse. Dès Du Moyen Âge à l’âge moyen – ce titre déjà, que seuls les Canadiens sont capables de pondre – ça devient tellement crade sur le son qu’on se demande s’il ne faudrait pas passer tout le disque à la Javel ou, à l’inverse, tout laisser comme ça et arrêter de se laver pendant une semaine pour se mettre au niveau de ce disque produit d’une main de maitre par un groupe qui refuse le stérile et toutes les positions balais-dans-le-cul que la musique contemporaine nous sert, sourire aux lèvres, tous les jours.

On pourrait faire une thèse sur cette réminiscence électrique qui semble avoir touché Montréal et qui, alors que la flamme semble un peu s’éteindre dans le Garage actuel français, continue de flamber de l’autre côté de l’Atlantique. Il se peut également que rien de ce qui vient d’être écrit ne soit vrai et que la clique composée de quelques bandes éparses (Chocolat, Breastfeeders, Duchess Says) agisse comme un petit village d’irréductibles, en son pays même. Tout cela pour dire que « Supermercado » dépote et que les guitares n’y sont pas pour rien. Il s’en dégage une intelligence primaire, primate, presque au niveau de Television pour les harmonies et entremêlements de notes. La qualité générale de l’album est tellement haute que le groupe, libéré ou inconscient, on s’en fout parce que là il faudrait demander à leur médecin de famille, joue sans avoir besoin d’insérer l’ingrédient morgue ou attitude qui souvent vient pallier un cruel manque d’imagination.

Faire du rock en 2017 : pourquoi ? Et comment ? « Supermercado », qui n’est absolument pas un produit de grande consommation, ne donne pas toutes les clefs de l’énigme, mais comme récemment avec La Terre Tremble !!!, distille un poison lent où de grandes idées pointent leur nez sous une apparente facilité musicale. Forcément, comme c’est du rock canadien, on n’y comprend rien. Mais franchement, qui s’en soucie ? Si vous êtes atteints de la maladie d’Alzheimer, ou simplement amnésiques partiels, voilà donc une bonne occasion de foncer dans le mur ; avec un peu de chance c’est la seule chose dont vous vous souviendrez au réveil.

Corridor // Supermercado // Requiem pour un Twister
requiempouruntwister.bandcamp.com

4 commentaires

  1. Ah bein là mille merci Bester !!!
    Quand j’écoute ce disque j’ai l’impression de tomber dans un champ d’orties ;
    et ça gratte et c’est bon !

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