Quatre ados partent pour le springbreak floridien où elles finiront en taule pour usage de stupéfiant. Un gangsta va payer leur caution avec laquelle ces quatre petites pépettes vont pouvoir s’acoquiner. Une histoire imaginée et mise en image par le petit génie du cinéma underground, Harmony Korine.

Spring breakers fait partie de ces films qui restent marqué dans la boite crânienne longtemps après la vision. Car oui, le cinéma peut parfois être un fabricant d’images. Certains réalisateurs ont l’idée totalement folle et novatrice de créer des images. De vrais dingos!
Si on était aussi des tarés, on pourrait même dire que Spring breakers n’est qu’une question d’image, qu’elle est le centre du film. Et ça tombe bien, aujourd’hui j’ai envie d’être fou, de boire mon café sans sucre et pourquoi pas de marcher avec mes lacets défaits.

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Spring breakers part d’une image. Korine voit une photo d’une bande de filles pendant un springbreak en maillot de bains avec des casques de ski rose et se dit qu’il y a une histoire à raconter autour de cette image. On aura donc au final quatre gonzesses qui se prendront pour des hors la loi, le temps d’un springbreak. L’image est tellement centrale que Korine en vient même à dire à son chef opérateur que la star du film sera la lumière. Finit les teintes crado et granuleuses de Gummo, ou voire même celles impressionnistes de Julian Donkey boy (cette splendide scène où Chloé Sevigny marche en chantonnant dans un champ de blé). Spring breakers est pensé sur des tons flashy, à l’image des bikinis de ses protagonistes. Quelque chose de plus clair, de plus lisse et du coup d’apparemment plus accessible. Korine s’adapte à son sujet et à son environnement. Au fond c’est peut être encore plus dérangeant car ici, l’image léchée nous montre quelque chose de crade.

Pourtant les premières minutes du film donnent ce qu’on attend d’un springbreak, à travers le prisme de ce que MTV nous renvoie à la gueule: le soleil, les nanas en string, les mecs bodybuildés et un océan de bière. Le tout monté façon clip sur de l’électro. Tout ce qu’on peut attendre du cliché du springbreak, Harmony Korine s’en débarrasse des les premières minutes mais ne cessera d’y revenir. Repassant inlassablement ces images d’ados bituré. A la fois comme une vison du paradis et de l’enfer. C’est le génie de Korine, donner ce qu’on attend d’un tel événement tout en nous amenant dans son univers. Un génie pervers, car une bonne partie du public viendra pour voir leurs idoles Selena Gomez et Vanessa Hudgens, icônes Disney principalement connues pour des films qui, comme High School musical, restent interdits au plus de 16 ans.

C’est d’ailleurs un des sujets évoqué en creux dans le film : le fameux syndrome Britney Spears.

Tout comme elles, Britney commence sa carrière chez Disney avec une image de sainte nitouche-pipi puis la casse jusqu’au fameux rasage de crâne, tout en passant par la case drogue, garde à vue, dépression puis enfin par la résurrection (souvent synonyme de maternité vendu avec les photos des nourrissons et du bonheur retrouvé). C’est le syndrome qui touche toutes les icones Disney adulé par les prés-pubères. Elles sont nombreuses à suivre méticuleusement ce chemin. Ca en devient presque effrayant. Miley Cyrus, Lindsay Lohan ou autres Justin Bieber en s’en sont désormais à faire leurs crises d’ados par journaux interposés. C’est inévitable, dés que la majorité est atteinte il faut absolument poser avec un joint à la bouche, changer de coupes de cheveux pour atteindre un autre public et montrer à la face du monde que les hormones ont accomplis leurs tâches.

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Même s’il s’en défend, Korine en est pleinement conscient et raconte ce syndrome dans Spring breakers. Les quatre ados chantent d’ailleurs du Britney Spears en se trémoussant à la lumière des néons d’un parking. Puis Alien (le gangsta interprété par James Franco) en vient à ériger Madame Spears au rang de poète. Il joue alors une chanson de la « poétesse » au piano sur laquelle vient se coller des images de nos quatre charmantes nénettes jouant avec des flingues et braquant des racailles. Il faut qu’elles sortent de leurs images angéliques. Et si elles viennent chez Korine, ce n’est pas pour autres choses que mimer une fellation, prendre de la drogue et souiller l’image de la vierge. Les retours des avant premières des fans de Selena Gomez sont désastreux, certains en sortent en pleurs. C’est tout le génie pervers de Korine. Mais il n’y a rien de choquant pour les vieux briscards de la génération Youporn qui regardent Two girls one cup au petit déjeuner.

Les personnages de Spring breakers sont dessinés avec de gros traits. On a les deux salopes, la suiveuse, la catho et puis ce gangsta blanc que joue James Franco. Tout n’est qu’apparence et faux semblant. James Franco n’est pas franchement convaincant, très second degré. Il joue au blanc qui se prend pour un Niggaz With Attitude. On n’entrera pas dans la psyché de ces teens, on reste à la surface : c’est une histoire de peau. L’histoire d’une mue. « Tu n’as qu’à dire que tu es dans un jeux vidéo ou dans un film » répète à plusieurs reprises une des actrices. Un joli pied de nez aux incessantes accusations de perpétuation de la violence des jeux vidéos et des films. Jeux est un autre. Pour preuve, cette fusillade surréaliste où les deux brindilles flinguent à elle seules tout un squad de gangsters armés jusqu’aux dents.

On n’a presqu’aucun attachement, ni émotions pour ses filles.

On ne bande pas non plus car l’histoire est toujours dans un entre-deux. On a le temps de rien ressentir car il n’y a aucun temps mort. Il n’y a ni passé, ni présent, ni futur. Le montage embrasse toujours les trois et les mêlent sans s’arrêter. L’histoire est toujours en mouvement, en répétition. Jean-Luc Godard écrivait à propos du Van Gogh  de Pialat : « Le film est entré en nous de partout, pas comme un tableau (même sublime) mais comme un effet de vie. Son souvenir est autour et dedans, pas seulement devant le regard.»  On peut dire la même chose du Spring breakers d’Harmony Korine. On est face à quelque chose de généreux qui déborde de partout. Des grands coups de pinceaux rageurs et vertueux. En sortant du film, on a cette impression de vide, d’incompréhension. Puis ces images reviennent nous hanter, nous coller à la peau. C’est l’histoire d’une mue, d’un changement de peau, le passage de l’adolescence, le passage du rêve à la réalité cauchemardesque. Bref c’est le bordel, ca part dans tous les sens. C’est du free-jazz, on ne peut pas tout prendre, tout comprendre. Ce n’est pas le but. On est là pour être secoué, transporté, happé contre la peau de ces quatre adolescentes américaines.

Harmony Korine // Spring breakers // En salles

9 commentaires

  1. Les mecs, la VF c’est pas possible, non non c’est pas possible, c’est pas bien, c’est mal, c’est mal la VF, même pour une bande-annonce, c’est pêché, c’est un truc à finir en enfer à revoir l’intégral de Rohmer doublé en polonais…

  2. Ce film est une grosse déception, Harmony Korine ne dit absolument RIEN sur la génération Spring Break. Reste le flash visuel, et ces petites poupées qu’on a envie de prendre par tous les sentiments.

    1. Ce n’est pas un film sur la génération Spring Break mais sur l’adolescence, sur cette petite pépettes « qu’on a envie de prendre par tous les sentiments ».

  3. Je ne sais pas quoi penser de ce film..
    Peut être si on enleve le battage médiatique ,le vernis branché d’Harmony Korine ..

    Comme beaucoup ,quand un mec à une crédibilité d’intouchable branché (valable pour Terrence Mallick) on perd en objectivité..
    Et là, je voulais aimer ce film ,mais il m’as déçu..
    (photographie magnifique quand même., mais quand t’en arrive à dire ça..)

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