Slowdive, Jesus and Mary Chain, Ride, etc. Cette année aura vu le retour de mastodontes indés des années 1990. Toujours désireux de choper à l'arrache le dernier strapontin du TER qui passe, Shed Seven revient aussi après 16 ans d'un silence passé inaperçu. Mais que vaut "Instant pleasures" ?

Certains groupes fascinent par leur envie d’avancer, par leur besoin permanent de tenter de nouvelles choses au risque de se planter une fois sur deux (que ceux qui pensent ici à Beck soient maudits sur six générations). D’autres étonnent par leur capacité à régresser album après album jusqu’à un split final dont tout le monde se cogne.

Shed Seven, c’est encore autre chose. Une sorte de centre de gravité britpop. Un groupe qu’on imagine répéter à la salle de sport sur un tapis roulant réglé sur low (la vitesse, pas le groupe). Autour, tout bouge. Les membres du groupe, eux, restent imperturbables, fidèles à leurs gimmicks des débuts, à ces riffs éculés mais toujours efficaces. Ce gang de British a toujours donné l’impression de chercher la jeunesse éternelle en faisant du surplace, en s’économisant. Et c’est ce qui le rend finalement si sympathique.

Puisqu’on a désormais tous le droit à notre quart d’heure cumulé de gloire digitale, offrons-nous plutôt un plaisir solitaire et plus rare : 50 minutes de branlette nostalgique avec « Instant Pleasures », cinquième album du groupe qui sort ces jours-ci. Un disque forcément inutile, mais qui mérite plus d’attention qu’un simple coup de genou dans les bijoux de famille de l’ami Rick.

« Si nous sommes les Beatles, qui sont les Rolling Stones ?  Certainement  pas ces enculés de Shed Seven. » (Noël Gallagher, septembre 1994)

Un peu d’histoire peut-être pour commencer. Shed Seven, c’est donc la bande à Rick Witter, une belle petite gueule de frappe qui connut son heure de glory hole (sic) dans les années 1990. Un groupe originaire de York, en Angleterre. Comme les excellents The Smoke quelques années plus tôt ou les horriblement affreux Elliot Minor quelques années plus tard. Leur musique ? Du rock aseptisé, de la pop survitaminée. Bref, en gros, ce qu’on nomme alors la britpop.

https://www.youtube.com/watch?v=TiXvjaqpAoA

Mark/Casino girl, premier single du groupe, débarque en 94. Puis arrivent les réussis Dolphin et Speakeasy. Assez vite, certains se disent que ce nouveau groupe a tout pour exploser rapidement. En même temps, à cette période-là, il faut avouer qu’on a une fâcheuse tendance à s’extasier sur tout et n’importe quoi dans les cours de lycée, en prépa ou en fac, quand on évoque la pop anglaise. Baby Bird serait ainsi un génie, My Life Story le nouveau Mozart, Gene les nouveaux Smiths, Bluetones les futurs Stone Roses, les ignobles Marion, le meilleur groupe de rock de la semaine et Shed Seven… un candidat valable sur la liste des « next big thing » du moment. Ajoutons qu’en France, même Bernard Lenoir les soutient (parfois du bout des lèvres) en programmant systématiquement chacun de leurs nouveaux singles dans son émission du soir sur France Inter où il passe du « Tatapoum ».

Le groupe semble programmé pour réussir

En France toujours, il fait même quelques concerts avec Oasis, des branleurs de Manchester qui n’ont pas encore sorti d’album mais que tout le monde attend au tournant après l’hymne Supersonic. Faute de Blur, on mange du Shed Seven. La tension entre Witter et les frères Gallagher est forte et les Mancuniens ne se privent pas de chambrer Shed Seven dans le NME ou dans le Melody Maker dès qu’ils en ont l’occasion.

« Change Giver », premier album du groupe, sort le 5 septembre 94. Soit 7 jours après « Definitely Maybe » d’Oasis qui écrase tout sur son passage. Y compris Shed Seven (parfois comparés à des « Oasis Jr. »…) lorsque Noël Gallagher déclare quelques jours plus tard au Melody Maker:  « Si nous sommes les Beatles, qui sont les Rolling Stones ? Certainement  pas ces enculés de Shed Seven. » « Change Giver » n’avait de toute façon besoin de personne pour couler, ce groupe de Britanniques pour les Nritanniques étant plus fait pour le format single que pour le format album.

Cela ne les empêchera pas de continuer à sévir. Leur bilan comptable à ce jour ? Cinq albums studios, trois albums live, quatre compilations, dix-sept singles. Dont quinze classés dans le top 40 anglais. Et deux disques d’or. Ça cartonne, mais la France passe à côté. Ici, l’étiquette « next big thing » se transforme aussi sec en « never will be » puis en « never have been« . Le temps a passé et nous sommes désormais en 2017. La période n’est pas vraiment idéale pour bomber collectivement le torse. L’heure est au repli sur soi, à la frime selfisée sur Instagram et compagnie. C’est dire si le rock de stade à la sauce Shed Seven sonne un peu à côté de la plaque pour qui le découvrirait aujourd’hui.

« Ici, les filets sont troués, les poteaux rouillés, les saucisses grasses et les lignes blanches moins droites que celles des chiottes d’un club branché. »

Car oui, Shed Seven fait du rock de stade. De stade communal. Ici, les filets sont troués, les poteaux rouillés, les saucisses grasses et les lignes blanches moins droites que celles des chiottes d’un club branché. Un endroit qui respire plus la vie que n’importe quelle installation ultra moderne. Même les chœurs XXL en intro de Room in my house, leur nouveau single, sentent le graillon. Du Shed Seven pur jus qu’on jurerait extrait de leur deuxième LP pourtant sorti en 1996, « A Maximum high ».

Pillés par les Killers de feu (comment ça, le mec n’est pas cliniquement mort depuis quelques albums ?) Brandon Flowers, volés par les Kooks, copiés par les fugaces Art Brut et autres seconds couteaux d’une pop anglaise jamais aussi bonne que quand elle sent la bière bon marché, les Shed Seven reviennent donc, toujours fringants sans être grandioses. Fidèles à eux-mêmes, quoi. Niveau timing, le groupe l’a cette fois joué intelligemment. « Instant pleasures » sort un mois après l’album solo de Liam Gallagher et dix jours avant celui de son frère Noël. Histoire de ne pas se faire défenestrer par les deux furieux frangins ? Arrêtons peut-être de voir le mâle partout.

Une pochette rouge vif assez classe annonce la couleur et vient mettre un terme à seize années de silence. Produit par Youth (U2, Kate Bush, The Charlatans, Depeche Mode, …) de Killing Joke, « Instant pleasures » porte merveilleusement son nom. Rarement en effet album aura autant ressemblé à une belle branlette de début d’après-midi. Inutile, mais efficace. Un plaisir fugace. À peine écouté, sitôt oublié. On y revient quand même et on remet ça quelques temps plus tard. Encore et encore.

Au jeu des meilleurs morceaux, trois têtes de file : Said i’m sorry (une intro aux faux airs de Get Lucky et un hymne parfait à beugler avec deux grammes dans le ventre. Aussi parfait que le Summer’s over de Rialto pour qui s’en souvient), Enemies & Friends (tube grassouillet et jouissif que les Killers n’écriront jamais) et Butterfly on the Wheel (rock héroïque pour banlieusards revanchards).

Une ou deux bonnes bouses aussi histoire d’équilibrer le tracklisting; Les 5’17 » de Hang on et son clin d’œil au Sympathy for the Devil des… Rolling Stones (coucou fucking Noël Gallagher) sont plus pénibles qu’un triple album de Dire Straits. Ou le rock baloche de People will talk, même pas digne d’une face B de Menswear. L’album se termine (et nous aussi) sur Invicible, titre parfait pour agiter le briquet pendant le rappel en serrant la taille de son compagnon de vie.

Voilà, c’est fini. Mais pas pour eux. « Change Giver » sentait le feu de paille, le groupe de potes qui gagnent le jackpot en signant sur Polydor en 1993 et qui tentent un coup pour se marrer. Histoire de. Faute d’extincteur, le feu ne s’est jamais complètement éteint, mais sans jamais avoir véritablement réussi à se propager. Du surplace, on vous dit. Une trajectoire de groupe qui ressemble à celle de sa musique, doudou rassurant pour amateurs de britpop millésimée 90’s.

Les années Polydor sont bien loin. « Instant pleasures » sort sur Infectious records et est distribué par PIAS. Aucune promo n’est prévue. Dommage, après celui du shoegaze en 2017, le retour de la britpop commençait peut-être ici. Les plus téméraires iront le vérifier au Trianon à Paris le 9 mars prochain. D’autres se contenteront des quelques minutes de plaisir que ce retour nous offre. Les plus pervers achèteront le test pressing non signé à 60 livres sur le site internet officiel. Et les fans de psyché continueront à s’en foutre et à s’envoyer le 628ème single de Ty Segall sorti ces jours-ci. Leur Rick Witter à eux, quoi.

Shed Seven // Instant Pleasures // Infectious records (PIAS)

3 commentaires

  1. Un article écrit par un mauvais JD Beauvallet… Sinon, Shed Seven, c’était moins bien qu’Oasis mais foutrement mieux que Blur…

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