C'est l'histoire d'un jeune homme qui, malgré son apparence un brin négligée à la sauce hippie 2015, n'a pas de fleurs dans les cheveux mais en a foutu partout dans un album délirant de grâce, et fort pertinemment intitulé "Primrose Green".

Les enfoirés de chanteurs-compositeurs folk, des poignées de gamins avec leurs guitares pénibles en bandoulière, pour la plupart déguisés en incarnations beat approximatives avec la fâcheuse tendance à détourner ta femme du droit chemin sur la plage au coin du feu. Alors pourquoi j’y reviens toujours ? Tout simplement, quand la folk commence à me courir sur l’accord de Ré majeur, un gars se pointe sans avoir été invité et me remet de force le nez dedans. Ce gars c’est Ryley Walker, un jeune gratteux reconverti pour l’occasion dans l’orfèvrerie.

Alors ouais bon, en fait d’orfèvrerie, quand tu découvres le lascar avec le clip du morceau Primrose Green, ça te laisse au mieux un arrière-goût d’enfilage en règle, option rupture de stock de lubrifiant : la vidéo super 8 d’un type qui semble foutre le nez dehors pour la première fois après une cure de sommeil visiblement peu probante en hôpital de campagne. Mais derrière ce jeune branleur désœuvré, qu’on sent pas loin de se finir aux plaquettes de Stilnox, se cache un esthète de première qui laisse la nonchalance de côté et travaille sa matière première comme le dernier héritier d’une longue lignée de joaillers.

Résolument Abitbol

Ryley Walker a débarqué d’une cambrousse de l’Illinois au début des années 2010 avec sa guitare et quelques chansons qui sentaient le bois qui craque d’une chambre de bonne dont le plafond menace de s’effondrer sous le poids de la neige. Ça caillait dehors et le tableau représentait un mec qui se coltine l’hiver rude de Chicago en se réchauffant à la six cordes faute d’avoir payé la dernière note GDF. Son premier album, « All kinds of you », ne se moquait pas du monde. Mais de là à imaginer ce qu’il allait nous inventer le jour où il se retrouverait perdu au milieu d’une prairie…

Que ce soit clair, avant de ranger « Primrose Green » dans les rayons de la FNAC, il faudrait d’abord créer la catégorie « résolument George Abitbol », tant ce deuxième album du jeune Walker abonde de classe. Aucune faute de goût à déplorer, tout est à sa place, jusqu’à la moindre petite touche de Rhodes, une partition sur papier millimétré. Si la haute couture avait les cheveux un peu gras, elle s’appellerait Ryley Walker. Et pourtant, le mec ne prend pas toujours les itinéraires conseillés par Lagerfeld Futé, pour preuve Griffiths Bucks Blues avec ses airs de gigue qu’on danse dans les troquets au standing douteux après un litre de Guinness, Sweet Satisfaction et sa crise de nerfs finale au goût de reste d’acné ou encore ce Hide in the roses qui sonnerait chez n’importe qui d’autre comme une tentative médiocre de singer Tinariwen après être tombé sur un documentaire animalier plein de carcasses d’antilope.

Je pourrais ajouter à ça les relents de jazz, car je fais partie des gros bourrins pour qui ce style musical est avant tout une combine grossière de faux snobinards en chasse… Mais malgré ces prises de risque, aucune seconde de ce disque n’échappe à l’élégance. Ryley Walker se démerde pour faire du carat avec à peu près tout ce qui lui passe par la tête… et c’est à se demander si on n’a pas finalement affaire à Walker Illinois Ranger en personne. « Primrose Green » c’est un peu l’americana des champs qui sent la rosée et invoque plus qu’elle ne convoque Nick Drake ou le Graham Coxon de « The Spinning Top ». Un album qui enfile des perles tout du long, mais au sens propre du terme. Et qui finira tôt ou tard par être volé à main armée dans toutes les bonnes bijouteries de luxe.

Ryley Walker // Primrose Green // Dead Oceans

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