Pas loin de 600 kilomètres, 7 heures de route dans les dents, 30 euros de péage, le double d’essence, une Daihatsu Sirion 1000cc, l’impression de liberté de rouler à 130 au lieu de 120,  des souvenirs d’enfance vieux de 20 ans qui ressurgissent avec la traversée du pont de Normandie, des lignes blanches à en dormir debout et des aires d’autoroute aux noms imprononçables… Saint-Gervais-les-bains-de-pieds. La Route du Rock, d’abord une idée, c’est ensuite devenu un pari et, après ça, un projet, en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Presque sur un coup de tête. On avait la caisse, un peu de blé, envie de soleil et de musique. La veille, mon sac était à peine prêt.

Acte 1: Douce sœur dans un monde de putes

Fondu au blanc en intro. Pierres et poussière. Le soleil vibre mais pas trop. Comme dans un portrait de ciel en trame demi-teinte. Assez pour sortir les lunettes et ressentir cette excitation, la perspective de vivre un truc cool. Robe noire sur peau blanche, bas noirs sur bois blanc, sons noirs sous sa frange, Anika, descendante de la Nico de Velours, dessine par transparence les premières lignes d’un instant qui s’annonce froid et moelleux. Flocon de neige sur le sable, les perles s’enfilent comme des boules d’ouate imbibées de pétrole. Noir, l’as de Beak tient la barre et dirige sa reine blanche, pâle portrait warholien, sur des vagues dub(itatives) entre Yin et Yang. Voix de Satan dans un corps virginal, Anika, absente, roule des yeux pour mieux se voiler la face. Anika n’est pas là. Anika est déjà partie. Feuille de cigarette balayée par le vent. Silences pesants, soupirs de soulagements. Applaudissements.

Acte 2 : Pots pourris, pieds pourris et gentille apocalypse

Bronski bite et Leonard Co. Haine. Une fille qui prétend être la chanteuse de La Femme et qui lui ressemble passe par là, sautillante. Les enceintes de droite crapotent. L’agressivité monte d’un cran. La guerre du pastis est déclarée. File-moi un coup à boire, je te filerai un poing dans les dents. Zone de non droit depuis que la nuit est tombée. Plage mouillée, elle me fait goûter sa crème glacée, caramel et beurre salé. Romain se jette à l’eau et noie Carpenters. Etienne observe. Galette improvisée. Le merdier s’accumule et mon moral prend Low. La pop song sucrée chope des caries. Une blonde, une rousse, me chauffent sous mon poncho bleu déchiré mais je suis frigide. Je me noie. J’ai de la végétation sous les orteils et ma tente ressemble à un igloo de merde. Des mares d’eau grotesques. Des gens se baignent près de l’Atlas. On rend honneur à Syd Barrett. Des bûcherons nous chantent des berceuses. Un crocodile aux dents longues essaye de rouler des pelles à un gorille. On tente de forcer l’accès à mon cerveau en me perçant les tympans. Dernier obstacle.

Acte 3 : Tête de lune, marteau et enclume

Lune blanche sur ciel noir. Tête de lune noire sur ligne blanche. Trafik de blanche, traite des Noires. Sépulcral, le tombeau électro s’ouvre à la nuit plombée. Une tornade de basses fréquences coupe le brouillard au couteau. Lame étincelante, pulsations cardiaques chancelantes. Un blanc, une coupure, un espace. Une ligne entre deux masses. L’angoisse s’agrippe et laisse des traces. Les trous dans la tête dessinent, au rythme des agressions, des cercles clairs dans le contre-jour des projecteurs. Suicide nucléaire sur fond de marc de café amer. La boue, molle, est battue et dans la lumière apparaît sombre, couleur charbon. Amas de carbone. J’ai cassé mon sonotone. Ton sur ton, toile d’araignée sur toile de fond. Danser dans un labyrinthe les yeux bandés, surprendre un peu de lumière dans le faux plafond. Lumière. Fondu au noir. Clap de fin.

Crédits photo: Aurélie Cla.
http://laroutedurock.com

2 commentaires

  1. 1) On s’en tape de ta drogue et de la marque de ta bagnole.

    2) « l’impression de liberté de rouler », même au CM1 ils font pas cette faute.

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