On a tous connu quelqu'un, qui en fait était quelqu'un d'autre. « Je » est plusieurs, nous dira-t-on. Il s'agit néanmoins de la magie humaine, de pouvoir endosser plusieurs personnalités et de les faire cohabiter sous une même carapace. Cette fois-ci, je me suis retrouvé face à un cas un peu spécial.

Un de mes voisins, Zebbie, qui est également un collègue de travail, m’a ainsi dévoilé sa double personnalité. Il collectionne les vestes, il en a trente-sept, dont onze ont été acquises (ou trouvées) ces douze derniers mois. Son cerveau est constamment traversé par des pensées, de profonds questionnements portant sur Karen Cheryl, François Mitterrand, Albert Spaggiari, Jacques Attali, Pompidou, Uschi Obermaier, la Californie (il raconte qu’il y a longtemps, il a mis au point de petits buvards portant le doux nom de California Sunshine) et bien d’autres choses encore. Quand ce n’est pas Clémenceau qui rentre en contact avec son esprit, c’est Mazarine Pingeot, et si ce n’est ni Clémenceau, ni Mazarine, c’est Baltique, le labrador du président ! Allez savoir. Parfois il se confesse, et raconte que ce n’est pas forcément Baltique qui est la plus compliquée à comprendre, c’est plutôt quand il entend Mazarine lui parler de ses projets de roman. Certains jours, il nage dans le bonheur, expliquant qu’un capybara est venu le visiter. Selon lui, le plus digne des animaux.

Raquel Welch, par l’intermédiaire de son clip vidéo, Let The Sunshine In, est toute désignée comme étant sa portraitiste mentale la plus performante, et la plus reconnue. Elle a réussi à crayonner les contours de la personnalité du Zebbie. Bien sûr, il reste du travail, mais son travail n’est pas négligeable.

Et puis, je vais vous livrer un petit secret… Sur Internet, Zebbie s’achète des skates. Mais les skates sont toujours trop petits pour cet homme de taille moyenne. Alors, très généreusement, il en fait profiter ses jeunes voisins. Zebbie et les petits skates, toute une histoire ! Un jour, en faisant une promenade en sa compagnie, je ne peux m’empêcher de me dire qu’il ressemble à quelqu’un. Les jours passent, l’idée me taraude. Et c’est en l’observant saupoudrer son assiette de salade avec du gruyère que je fais le rapprochement.

C’est Roky Erickson, c’est bien lui !

Physiquement méconnaissable, c’est certain. Mais avec des individus pareils, tout est possible. Comme d’habitude, le pendant star d’un individu bénéficie d’un éclairage conséquent, alors que son pendant anonyme reste dans l’ombre. Le cerveau de Roky a longtemps servi (et sert peut-être toujours) de terrain de camping pour les démons et les petits Satan américains. Quand Zebbie dialogue avec Baltique, Roky prend le thé avec Buddy Holly. Two headed dog. Voilà, la messe est dite. De la même manière, lorsque Roky raconte ses origines, « I am an Alien, I am from Mars« , Zebbie, fait le point avec Clémenceau, celui avec qui tout a commencé. Autre exemple, pendant que  l’un fait son footing avec Mazarine, l’autre supplie Lucifer de le laisser tranquille, « Don’t shake me Lucifer« .

Soi-disant, un océan est censé les séparer. Mais je pense qu’une fois de plus « ILS » nous mentent. Et pas seulement les médias, ou les trucs comme ça, « ILS » ! C’est bien plus général. J’ai mis pas mal de temps à me rendre compte qu’il s’agissait de la même personne. Seule Raquel Welch, la « Toute Désignée », au milieu de tout ça, arrive à s’y retrouver. Pour lutter contre la solitude, Roky sait s’entourer de compagnons de choix : 27 Devils Joking, The Aliens, Evil hook wildlife ET, ou encore The Explosives. Plus récemment, nous savons de source sûre qu’il s’est engagé dans une relation avec Okkervil River. Leurs apparitions favorites se déroulent en plein air. Quand le besoin de solitude montre son nez, Zebbie se replie dans son fief. Après une escale au Holiday Inn, il rentre chez lui. Austin-Paris, c’est fatiguant. Plus de douze heures de vol.

Mardi 7 avril 2012. Je suis tranquillement installé chez moi, dans mon fauteuil, et il est l’heure d’aller se coucher. Mon fauteuil est spécialement orienté de manière à pouvoir observer la fenêtre de la salle de bain d’en face. Vue imprenable. C’est mieux que n’importe quel film. Et là, rituellement, j’espionne mon voisin en train de se coiffer, se recoiffer, se re-recoiffer, passant et repassant sa main dans ses cheveux. Un simple moyen pour moi de pallier l’absence de télévision. Et pourtant, je me dis, c’est bien Roky Erickson qui, à quelques mètres de moi, se prépare à aller lit. Je devine d’ici les démons français qui avec lui vont communiquer. Gruyère-Pompidou-Mitterrand. Et je sais déjà qu’au réveil, ses premiers mots porteront sur Michel Rocard, mais ça, c’est une autre histoire.

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