Après la parenthèse de quelques camarades sur « la mort du rock », bientôt suivie d'autres débats sans fond, je rouvre la plaie pour cracher dedans : non seulement le rock en France va très bien, mais il ne s'est peut être jamais mieux porté.

ob_67e834_tits1Il n’y a d’ailleurs, en France, aucune raison de penser que le rock va mal, qu’il est dans une phase creuse, ou pire, qu’il est mort. Bien au contraire, le cœur du rock n’a jamais battu aussi fort dans l’hexagone. Pour saisir l’ampleur de cette idée, il faut comprendre ce que je propose comme étant le « rock » : une série de niches musicales plus ou moins corrélées, riches en nuances, s’étalant du post-neo-60 à la techno « d’avant-garde » à travers une riche toile d’araignée, travaillant l’offre sans se soucier de la demande.

Il faut aussi sortir les médias mainstream de la boucle, qui sans ne nommer personne, ont été capable de sortir un groupe comme The Dead Mantra du classement des « albums de l’année des lecteurs » – issu d’une consultation publique dominé par lesdits manceaux – au profit de Christine and The Queens. Leurs nombreux tops de fin d’année sont suffisamment accablants pour qu’ils ne soient plus considérés comme des médias « rock ».

Non, pour saisir la force de ce qui se passe aujourd’hui dans notre petit pays, il faut passer outre la presse papier, l’essentiel de la « presse web » (laissons tranquille Hartzine, The Drone, Noisey, Shadazz ou Bong quand ils ont le temps, qui sont excellents) pour se concentrer sur les micro-blogs, et surtout l’outil par lequel on les trouve : Facebook.

Facebook, pour un type qui ne sort pas régulièrement voir des concerts, est une bible. Comme Rue89 l’a montré avec Daech, il est assez simple de rentrer dans un/des circuits spécialisés comme « le rock ». Les suggestions feront globalement le boulot, tout comme les likes des personnes de confiance et les invitations à des pages par des gens que vous ne pensiez même pas avoir comme « ami ». A partir de là, plus de filtre entre vous et les groupes, petits ou grands. Je conclue ici cette notion pseudo-methodo, qui ouvre sur un débat remis sur la table 30.000 fois à propos du rôle de la presse et sa mort annoncée ou non.

Parlons labels, parlons catalogues, listons malhabilement, posons des noms et insérons des liens. J’appelle ici à un peu de confiance en vos propres goûts, je vous laisse en faire la critique. Ces structures vivent, ces groupes jouent, ces musiciens crées contre vents et marées, font des tournées à 100 balles la date dans le réseau « alternatif » (et donc ROCK?) et je les juge donc légitime dans ce que je qualifie de « rock ». Place à l’exposition brute de noms.

Dans le garage et la pop

Commençons peut être par le plus tendre (pour finir sur le plus dur) : la « pop ». Celle que j’appelais plus haut néo-post-60, celle qui plait à ma mère mais pas aux grand public. Cette pop est rock par nature : elle fonctionne de la même manière et évolue dans les même circuits « underground » (ROCK?) que le reste. Les plus doux de la bandes, ce sont peut être les frangins de la paire RPUT Disques (Croque Macadam, Requiem Pour Un Twister). Au catalogue : les Guillotines, les Spadassins, (feu !) Superets, Triptides en import US, Marble Arch ou Forever Pavot. Des choses plus rudes malgré tout : Pain Dimension, Baston, Skategang, Departure Kids.

Skategang, ils les partagent avec Gone With The Weed, organisateurs de très grosses soirées parisiennes avec import américain, qui font des cassettes, des freesbees et des doigts d’honneur en sortant des choses aussi relayées médiatiquement que Walburga ou Calypso et en invitant en ouverture de fêtes des groupes excellents comme Dame Blanche.

Howlin’Banana, de son côté, a regalé toute l’année, avec le disque de Quetzal Snake, celui de Volage ou la bombe de Kaviar Special. Qu’ils ont d’ailleurs coproduit avec Azbin Records, à la base de ceux de Sapin, Regal et récemment auteurs de la compile cassette Orca Stalker.

Je pense aussi à Retard Records qui a organisé le split entre Travel Check et les mastodontes ritals Go!Zilla ou sorti le long des Sick Hyenas. On peut aisément ajouter les mecs de Casbah Records, Juveniles Delinquent ou Kizmiaz pour boucler la boucle et proposer une selection large dans le renouveau pop-garage-punk ou « guitare » du rock en France.

On ajoutera, et c’est notable, le virage pop de Born Bad, qui a balancé de très bons disques, Gasc et Dorian Pimpernel en tête.

L’occasion de prendre le virage psyché en pleine face, avec notamment la prise d’ampleur d’Aquaserge, Tara King th (excellente collab’ au passage avec les danois de Halasan Bazar), Blondi’s Salvation, et des protégés de la Souterraine.

Dans les synthés

Aux cinq types bas du front qui vont venir dire que le rock, c’est guitare-basse-batt’, je, vêtu d’un perf et d’une paire de docs, lui mets une droite avec des groupes aussi « coups de poings » que les mecs de la scène bordelaise : Black Bug, Strasbourg, Lonely Walk, Harshlove, VvvV et tant d’autres. Ou plus délicat mais tout aussi somptueux, Volcan ou Tamara Goukassova.

Un label vient d’ailleurs d’y migrer, Stellar Kinematics. Sous ses airs de piège-à-hipsters (visuels trop beaux, nom à la con), la maison en a dans le pantalon, coups sur coups liés à l’import des excellents inconnus roumains Plurabelle ou russe d’Ic3peak, de la française Hante, du 45 tours de Dorcelsius ou d’une très belle compilation « Capsule ». Même style, Zappruder a sorti le très beau EP de Rendez Vous.

Les plus tarés d’entre tous sont sans doute Anywave. Menés par le mec d’A V G V S T (excellent, au passage), les trois activistes ont balancé à la face du monde, dans des fêtes et des compilations « Wavecore », l’essentiel du bon post-post-post-punk mondial, et surtout les petits coqs de Deficit Budgetaire ou People of Nothing.

Teenage Menaupose, flemmassement descriptible comme « le nouveau Born Bad » (même illustrateur, même côté « coup de tête-balayette ») ont balancé J.C. Satàn au top niveau, Jessica93, mais aussi T.I.T.S ou nos voisins belges du Prince Harry. Sans compter les très beaux canadiens de Essaie Pas.

Que dire, aussi, de structures comme Poliment Records – Areva, Lea Sex Doux – ou Celebration Tapes, qui enchaînent les cassettes avec un je-m’en-foutisme ultra qualitatif hors norme ? Ou encore du tout à fait dingue Zad Cocar, qui, outre faire de bons tracks – inécoutables et cathartiques – entretien le projet The End of The Radio, et enregistre à peu près tous les groupes souterrains les plus cools de la terre ? Ce site de bootlegs est la plus belle entreprise qu’on ait vu depuis longtemps, une vraie (!) source de découvertes.

Les mecs – et meufs – du collectif Nothing continuent à fronder pour le shoegaze et la soft-noise, soit à coups de poses de modeux – Venera 4 – soit en allant séduire les goths avec un mélange entre noise et chanteur hétéroflexible – Dead. Ils ont proposé quelques jolies choses cette année, notamment le disque de Dead Horse One ou bien même Saintes, qui n’en a que le nom.

Et qui, d’ailleurs, est sortie sur les Disques Anonymes, excellents pontes de l’électro qui n’en est pas trop, avec dans la maison France, Hord ou Magnetic Days qui valent le détour.

Les goths ont bien bossé aussi : du groupe Illustration Sonore à HNN chez La Forme Lente, aux dernières références de Manic Depression – l’anti Stellar Kinematics s’il en est – comme Schonwald (avec Anywave) et M!R!M et leurs soirées régulières dans le très romantique Klub à Châtelet, les corbacs ont frappé fort. Je citerais aussi volontiers Desire, pour Keluar en import et Minuit Machine.

Lentonia a aussi pas mal fait le taf, avec le super album d’EDH cette année. On ne peut pas non plus oublier Cranes Records qui a fait se succéder Seventeen At This Time et The Dead Mantra, deux superbes pièces.

Les bas du front de tout à l’heure vont vraiment devenir dingues : la techno a aussi été mère de très belles sensations « rock ». Extreme Precautions, le projet grindtronic de Mondkopf leur remettra les idées en place. Il en ira de même pour Somaticae. In Paradisum passe en force, et c’est très réussi.

On appréciera aussi l’effort des français d’Unknown Precept, tueurs à gage de la techno, qui ont entre autres sorti le très beau disque de Maoupa Mazzocchetti, qui a autant d’indus au corps que de techno. Ou encore Perfekt Funktion pour la magnifique Harki Théorie, objet sonore en deux actes scotchant.

Une France à deux vitesses

Maintenant que le name dropping est terminé et que votre portefeuille s’est vidé sur bandcamp, il est temps de remonter jusqu’à mon intro. J’y parlais des médias, de ce rock faussement mort. La réalité, c’est sûrement que le rock n’intéresse plus la masse. Ou qu’il est rock tant qu’il ne l’intéresse plus. Le rock est retourné à ce qu’il aurait toujours du être : le punk de cave. A quelques exceptions près, personne dans le listing ci-dessus n’envisage de jouer sur le plateau de Monte le Son l’an prochain, ni même d’arrêter de bosser pour la musique. Pour autant, leur créativité n’en est que plus vivace.

Le rock, aujourd’hui, n’en a plus rien à foutre. Il est là, que les gens le suivent ou non. Ses acteurs semblent avoir fait le choix d’y épuiser leurs thunes consciemment et c’est justement pour cette raison que le rock n’a jamais été aussi excitant dans notre contrée. Les Inrocks n’en n’ont rien à carrer ? Tant pis. Il fera sans. A l’image du monde en général, il semble y avoir deux « couches » qui co-existe et ce n’est pas plus mal. Achetons des disques sans compter, allons en concerts comme en rave : on peut aisément consommer bien et contribuer à faire vivre plus avant ce non-marché du rock français, qui, s’il est un trou béant en terme de dollars, n’en sort que plus jouissif pour nous, les auditeurs.

16 commentaires

  1. Afin d’être impartial sur l’information, merci de noter que nos amis des Dead Mantras avaient un peu « trollé » le concours des Inrocks, ce qui par conséquent – et on peut bien comprendre le modérateur dudit concours – leur a valu une élimination.

  2. « Il faut passer outre la presse papier » : C’est bien vite oublier New Noise qui avec des couvertures Jessica93, Marvin, Electric Electric, We Insist!, Cheveu, Mondkopf et un tas d’articles/chroniques sur The Dead Mantra, Scorpion Volante, Dead, Wonderflu, Pneu, EDH, Balladur, Berline 0.33, H-Burns, JC Satan, Kaviar Special, Lonely Walk, Taulard, TITS et consorts, en fait tout autant voire plus que certains webzines/blogs pour la scène rock française. Mais bon…

  3. Evidemment, comme Technikart (belles pages musiques, quoi qu’on en dise), Obskure, et quelques autres, Noise est très recommandable.

    Merci aussi d’enrichir avec certains que j’ai oublié, et d’autres que j’irais écouter.

  4. Oui, Magic, aussi… Tout ça pour dire qu’on lit des généralité à propos de la presse musicale française (« rien de valable »,  » tous des vendus »), souvent chez Gonzaï d’ailleurs, mais qu’en fait il reste des magazines papiers intéressants et tout aussi intégres et defricheurs que certains webzines ou blog…

  5. Ne nous écartons pas trop du sujet initial tout de même, qui était un papier positif sur ce qui se passe de bien en France, le reste semble mineur dans ce papier, je crois.

  6. Je voulais simplement éviter qu’on retombe dans les travers du négatif, toujours plus visible que le positif, depuis la nuit des temps. C’est avec ce genre de conneries qu’on finit par résumer Gonzaï à un truc où les gens n’écrivent que des saloperies 🙂 (mais bref tu m’as compris)

  7. Les Inrocks n’en n’ont rien à carrer ? oui c’est vrai. mais les inrocks n’existe plus. ils sont morts depuis bien longtemps. on y parle de tout sauf de musique. ce magazine est devenu un torchon. mode, actualité, cinéma, « arts, » dance, poterie, macramé. ils portent désormais bien mal leur nom. vivement qu’ils disparaissent, c’est le meilleur service qu’ils puissent faire au rock et a la musique d’où qu’elle vienne.

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