Dis-moi quelles marques envahissent ton quotidien, je te dirai à quelle génération de désabusés tu appartiens. Avec Richard Yates, qui sort le 5 janvier au Diable Vauvert, le lecteur est convié à l’intronisation du nouveau prince du roman générationnel : Tao Lin, jeune New-yorkais d'origine taïwanaise, jusque-là cantonné au statut d’icône littéraire pour initiés.

Ce second roman annonce l’heure des chroniques dithyrambiques dans les médias de masse. Tout en ne manquant pas la comparaison avec Douglas Coupland, Elle a d’ailleurs annoncé à ses ouailles : « Tao Lin s’impose d’emblée comme le porte-parole de la première génération née avec le numérique. »
Basiquement, le roman générationnel a tendance à incruster une foule de références aux marqueurs culturels de l’époque. Là où Tao Lin tire son épingle du jeu, c’est qu’au travers de cette accumulation, certes parfaite pour dépeindre une période d’hyperconsommation (voir notamment l’index à la fois subjectif et réjouissant qu’il ajoute à son roman), le jeune auteur parvient à faire ressortir le vide.

Richard Yates, c’est un peu le récit de nos propres histoires d’amour adolescentes, au travers des échanges électroniques à la fois très forts et absurdes de deux héros, qui partagent par ailleurs une passion pour le vol dans les grandes enseignes (avec une prédilection pour American Apparel). Dakota Fanning a 16 ans, de sérieux problèmes avec la nourriture et des robes très colorées. Haley Joel Osment, quant à lui, a 20 ans et gagne de quoi manger bio en écrivant des nouvelles. Appuyé sur un style autistique à l’efficacité et à l’humour ravageurs, ce roman est surtout une tentative réussie de pointer les névroses qui étreignent la génération Y : ennui chronique, tendance à l’hyperconsommation, rapport complexe à la nourriture, dépression, vide.

« Dans sa chambre, il a pensé à Dakota Fanning et à d’autres personnes. Il a joui dans du papier toilette. Il a emporté le papier toilette dans la salle de bain et l’a mis dans la cuvette des toilettes. Il s’est lavé les mains. Il s’est lavé la figure. Il est allé dans sa chambre et a lu quelques phrases de différents livres. Il a mangé du chocolat noir. Il s’est douché et a fait vingt-cinq pompes et a éteint la lumière. »

Sans doute du fait de la théorie de l’effet Barnum, qui veut que l’individu soit enclin à accepter une description vague comme s’appliquant spécifiquement à lui, j’ai un problème avec le fait de dresser des typologies névrotiques générationnelles. « Life would be so wonderful, if only we knew what to do with it », disait d’ailleurs Greta Garbo qui n’était déjà pas la première à faire le constat du vide de l’existence. Reste que de sa plume incisive, Tao Lin rend l’esprit d’une époque où virtualité et hyperconsommation tendent à accentuer ce sentiment d’insignifiance. Best-seller annoncé : le névrosé s’habille en American Apparel.

Tao Lin, Richard Yates // Roman traduit de l’anglais par Jean-Baptiste Flamin // Au Diable Vauvert

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